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Bush persiste et signe

Le président américain a ouvert l'assemblée générale des Nations unies mardi 21 septembre à New York, il n’en a qu' effleuré les thèmes majeurs : lutte contre la pauvreté et réforme de l’ONU. 

		(Photo : AFP)
Le président américain a ouvert l'assemblée générale des Nations unies mardi 21 septembre à New York, il n’en a qu' effleuré les thèmes majeurs : lutte contre la pauvreté et réforme de l’ONU.
(Photo : AFP)
L’assemblée générale annuelle des Nations unies s’est ouverte mardi à New York, avec un discours du président Bush. Il a de nouveau justifié la guerre en Irak, sans s’expliquer sur l’absence d’armes de destruction massives. Entre les lignes, Kofi Annan s’est montré très critique de l’action américaine en Irak.

De notre correspondant à New York (Nations unies)

Lorsque George W. Bush s’adresse à l’assemblée générale de l’ONU, ce sont deux mondes qui s’observent poliment, mais ne se comprennent pas. Soucieux de sa réélection, le président américain s’est toutefois donné de la peine pour apparaître comme un homme d’État crédible, capable de se fondre au sein de la communauté internationale. Plus que par le passé, la tonalité de son discours se voulait rassurante. Il a souhaité la bienvenue à l’ensemble des délégués, et a réaffirmé l’attachement des États-Unis aux principes fondateurs de l’organisation. Il s’est surtout efforcé de brosser le portrait d’un nouveau siècle qui selon lui sera le « siècle de la liberté ». « Notre monde a besoin d’une nouvelle définition de la sécurité. La sécurité ne se trouve pas seulement dans des sphères d’influence ou des équilibres de pouvoir. La sécurité de notre monde se trouve dans l’avancement des droits de la race humaine » a-t-il affirmé.

Toujours prompt à rappeler le combat des États-Unis contre le terrorisme, qui frappe aux quatre coins de la planète, George W. Bush a comme souvent enrobé l’action américaine en Irak dans cette nébuleuse. Il a de nouveau justifié le renversement du régime de Saddam Hussein. « Le dictateur a accepté en 1991 un cessez-le-feu qui posait comme condition le respect complet de toutes les résolutions du Conseil de sécurité – puis a ignoré ces résolutions pendant plus d’une décennie. Au bout du compte, le Conseil de sécurité a promis de sérieuses conséquences à sa défiance. Et les promesses que nous faisons doivent avoir un sens. (…) Et donc une coalition de nations a fait respecter les demandes justifiées du monde ». Pas un mot sur l’absence des armes de destruction massives, dont la menace avait été agitée au Conseil de sécurité de l’ONU par le secrétaire d’État américain Colin Powell. Pas un regret. Et surtout pas d’excuses.

« personne n’est au-dessus des lois »

Selon George W. Bush, les graines de liberté plantées par les Etats-Unis en Irak et en Afghanistan vont germer, et s’épanouir dans le monde entier. Mais elles ont besoin d’être arrosées. C’est pourquoi il propose la création à l’ONU d’un « Fond pour la démocratie » pour aider les pays en transition. Le président appelle aussi la communauté internationale à l’aide. « L’ONU, et ses États membres doivent répondre à la demande du premier ministre (irakien) Allaouii, et faire plus pour aider à construire un Irak sûr, démocratique, fédéral, et libre ». Sur la question palestinienne, il a lancé un appel à la marginalisation du leader palestinien Yasser Arafat, tout en exhortant Israël à arrêter d’humilier les Palestiniens, à geler les colonies, et à ne pas empiéter sur un règlement futur du conflit en construisant sa barrière de sécurité sur des territoires contestés. Il a également rappelé que le gouvernement américain considérait qu’un génocide s’est déroulé au Darfour – un dossier où force est de reconnaître le rôle moteur des États-Unis.

La vision « bushienne » du monde semble en total décalage avec la perception de la plupart des diplomates qui l’ont patiemment écouté. Eux voient plutôt un monde déboussolé, en proie à la violence, au désordre, aux kidnappings, et aux décapitations. Plusieurs sont tentés de dire au président Bush : « Nous vous l’avions bien dit, vous ne nous avez pas écouté, et regardez le résultat ». Même le président de la confédération suisse, Joseph Deiss, a estimé que « l’expérience montre que les actions prises sans un mandat clairement défini dans une résolution du conseil de sécurité sont vouées à l’échec ». « Le discours du président Bush était très simplificateur, mais très bien construit, à un moment où il est engagé dans une campagne électorale et s’adresse d’avantage à un public américain qu’à une audience internationale » a estimé un diplomate de haut rang souhaitant conserver l’anonymat.

Même Kofi Annan a rappellé aux États-Unis que « personne n’est au-dessus des lois ». « Les gouvernements qui proclament la primauté du droit chez eux doivent respecter la légalité en dehors de chez eux » a-t-il ajouté. Il y a quelques jours, le secrétaire général de l’ONU avait estimé que la guerre en Irak était « illégale ». Sur la forme, le président Bush a beau se montrer plus conciliant, sur le fond, un immense fossé le sépare toujours de l’ONU et du reste de la communauté internationale. Les rapports sont aujourd’hui dépassionnés, mais l’hostilité a fait place à une profonde incompréhension. Le président n’a fait qu’effleuré les thèmes majeurs de cette assemblée générale que sont la lutte contre la pauvreté et la réforme de l’ONU. C’est pourquoi ses appels à l’aide pour l’Irak, risquent fort de rester sans réponse.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 22/09/2004 Dernière mise à jour le 22/09/2004 à 10:40 TU

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Alain Dejammet

Ancien représentant de la France aux Nations unies

«Sur le plan des principes, le Secrétaire général a eu raison de dire ce qu'il pensait et ce que beaucoup pensent»

[22/09/2004]

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