Cameroun
Présidentielle : et vint la campagne
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Yaoundé
Ce n’est sûrement pas encore la grande effervescence dans cette course à la conquête des 4,6 millions d’électeurs. En attendant que la campagne électorale officielle, lancée ce dimanche et prévue pour se dérouler jusqu’au 10 octobre à minuit, gagne en intensité, les grandes articulations du rituel sont déjà perceptibles. Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) n’a visiblement pas voulu rompre avec ses pratiques : une série de commissions aux attributions et compétences variées ont été mises sur pied. Sur le terrain, les tout premiers meetings se sont déroulés à travers le pays, pour inviter les électeurs à accorder leurs suffrages à Paul Biya, candidat à sa propre succession. Le tout, dans une frénésie propre à un système où les calculs sur les récompenses post-électorales donnent lieu à une mobilisation des élites au niveau de leur « base » respectives.
En guise de supports de campagne, le président sortant a fait confectionner des affiches, sur lesquelles on le voit menant une foule bigarrée, vers des horizons que résume son slogan : « Le Cameroun des grandes ambitions ». Au sommet du parti, les données n’ont pas fini d’alimenter une certaine polémique. La « commission centrale de supervision » regroupe, dans les « sous-commissions de l’intendance » et celle de « la logistique et des transports », ce que le pays compte de crème d’hommes d’affaires, et de hauts cadres dans la haute administration et les sociétés d’Etat. De quoi raviver les soupçons d’une campagne inégale, dans un contexte où, selon les usages, le parti au pouvoir a souvent fait appel à la « générosité » de cette catégorie de militants. Et cela, d’autant que, après la conformation du financement de cette campagne sur des fonds publics pour certains candidats – des sources crédibles parlent de quelque 500 millions FCFA – les candidats ne passent pas encore à la caisse.
C’est tout juste si, ce dimanche, un communiqué des services du Premier ministre, venait rappeler que le déblocage effectif de cet argent se ferait aussitôt que la Cour suprême, statuant comme Cour constitutionnelle, aurait vidé les recours introduits à son niveau par la vingtaine de candidats « recalés » par l’Administration territoriale, sorte de ministère de l’Intérieur à la camerounaise, qui , en début de semaine dernière, a retenu, 16 candidats aux poids politiques fort disparates. Or, selon la loi, la plus haute juridiction du pays statue dans un délai maximum de 15 jours suivant le dépôt des requêtes, qui lui-même intervient 48 heures au plus tard, après la décision du ministère de l’Administration. Or, rien n’indique que les magistrats rendront leur décision dans les plus brefs délais. Cette attente des financements a, apparemment justifié la relative timidité qui a caractérisé le premier jour de campagne.
L’opposition en ordre dispersé
Il n’empêche. Le ton de ce qui s’annonce d’ores et déjà comme de chaudes empoignades est donné. Peter Mafany Musonge, le Premier ministre, et « représentant du candidat du parti » ( RDPC, Ndlr) au sein du Comité national de campagne, est apparu à la télévision d’Etat, pour inviter les populations à voter Paul Biya, qui a su garantir la paix et la stabilité du Cameroun. Sans surprise ; les deux arguments faisant désormais partie du discours-bilan du septennat écoulé.
En face, la frange la plus importante de l’opposition se présente finalement en rangs dispersés. Depuis une dizaine de jours, Adamou Ndam Njoya, président de l’Union démocratique du Cameroun (UDC), avait été désigné comme le porte-drapeau de la cCoalition pour la reconstruction et la réconciliation nationales (CRRN), un regroupement des forces d’opposition qui confessait, depuis novembre 2003, son intention résolue à présenter un « candidat unique » face à Paul Biya. John Fru Ndi, leader du Social democratic front (SDF), contestant cette désignation, avait alors claqué la porte de la Coalition. Dès lors, des espoirs de réconciliation étaient suspendus à une rencontre qu’on annonçait comme tripartite, entre les deux politiques et le Cardinal Christian Tumi. En fin de semaine dernière, le prélat a reçu séparément à Douala chacun des protagonistes, officiellement pour requérir leur versions respectives de l’affaire, vraisemblablement au terme d’un lobbying mené par des leaders de la CRRN. Mais l’archevêque de Douala n’a pas réussi à concilier les positions tranchées de l’un et l’autre des ses hôtes. Résultat, ce recours épuisé, chacun des ces deux candidats est entré en campagne selon sa ligne. Déclinant ses thèmes, John Fru Ndi a indiqué dimanche, qu’il parlerait du fédéralisme et de la décentralisation. Quant à Adamou Ndam Njoya, il devrait mener une campagne articulée autour des thèmes sociaux, notamment la misère, les questions de l’emploi.
Saisissant contraste : l’élection présidentielle devrait se faire autour des trois pôles constitués par Paul Biya, John Fru Ndi, et Adamou Ndam Njoya, et les décisions attendues de la Cour suprême, s’agissant des recours qui y ont été introduits, ne devraient pas affecter le rapport des forces outre mesure. Parmi les candidats de peu de poids, nombreux sont ceux qui entendent modestement saisir l’occasion de cette élection présidentielle pour faire passer leur message. Ils ne devraient pas se plaindre : la télévision d’Etat, qui a annoncé son option pour l’équité a fait savoir qu’elle mettrait, à ses frais, une unité de tournage à la disposition de chacun des candidats, tout au long de la campagne
par Valentin Zinga
Article publié le 27/09/2004 Dernière mise à jour le 27/09/2004 à 11:15 TU
La campagne présidentielle était le thème du Débat africain du 26 septembre sur RFI (à écouter jusqu'au 2 octobre 2004)