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Côte d'Ivoire

«Absence de progrès»

Seydou Diarra, le Premier ministre ivoirien et Kofi Annan (à droite). 

		(Photo : AFP)
Seydou Diarra, le Premier ministre ivoirien et Kofi Annan (à droite).
(Photo : AFP)
«Les membres du Conseil ont pris note avec satisfaction de la reprise du travail du gouvernement de réconciliation nationale conformément aux engagements pris lors du sommet d’Accra III, le 30 juillet dernier» déclarait lundi le président du Conseil de sécurité, Juan Antonio Yañes-Barnuevo, exprimant en bémol la préoccupation de l’Onu «devant l’absence de progrès dans les domaines clefs du processus de réconciliation nationale, à la veille des échéances fixées à Accra». Il a donc exhorté les députés et le président Laurent Gbagbo à hâter le train des réformes, en particulier concernant «la révision de l’article 35 de la Constitution» qui prévoit des critères d’éligibilité interdisant la candidature de l’opposant Alassane Ouattara aux présidentielles. En même temps, le Conseil appelle l’ancienne rébellion des Forces nouvelles «à commencer aussitôt que possible avant le 15 octobre et sans conditions préalables le processus de démobilisation, désarmement et réintégration».

Dans un communiqué, le Conseil distribue les mauvais points, rappelant un calendrier qui a fort peu de chances d’être tenu puisque les textes de lois conformes à l’esprit de Marcoussis confirmé à Accra devaient être tous adoptés par l’Assemblée nationale d’ici le 30 septembre. Mais de même qu’il reste encore quinze jours à l’ancienne rébellion pour faire un geste dans le sens du désarmement, en matière de réconciliation politique, le Conseil de sécurité pointe tout particulièrement l’article 35 et le texte de loi sur la commission électorale indépendante qui doit surveiller les scrutins prévus avant novembre 2005. Il ne s’attarde pas en revanche sur la concomitance des avancées politiques et de la démilitarisation, cheval de bataille des uns et des autres, mais surtout des Forces nouvelles qu’il invite à ne plus poser de préalable. 

Le Groupe de suivi onusien chargé de veiller à l’application de la feuille de route ivoirienne estime de son côté qu’il est désormais «évident que le calendrier défini par l'accord d'Accra III ne sera probablement pas tenu et qu'il est peu probable que les textes législatifs envisagés au titre des accords de Linas-Marcoussis soient passés d'ici au 30 septembre». A ses yeux, il est urgent «de voir quelles autres démarches pourraient être entreprises pour faire se rencontrer et se concerter les quatre principaux dirigeants politiques, le président Gbagbo, Henri Konan Bedie (le président déchu du PDCI), Alassane Ouattara (le candidat exclu des dernières élections) et Guillaume Soro (le chef politique des Forces nouvelles) de façon à se livrer à un examen critique de la formule politique qui pourrait être trouvée pour résoudre la question de l'article 35» dont la réforme implique un référendum, selon la Constitution et les vœux du président ivoirien. Pour initier cette possible rencontre, le comité de suivi préconise l’entremise personnelle des présidents de la Cedeao et de l'Union africaine (le Ghanéen John Kufuor et le Nigérian Olusegun Obasanjo).

Calendrier législatif en panne

Dans son rapport d’étape, le Groupe de suivi estime que «le président et le Premier ministre semblent travailler en harmonie, le Premier ministre a été reçu chaleureusement par les Forces nouvelles et la population dans le Nord du pays». En revanche il note que «les travaux de l'Assemblée nationale, qui n'a toujours pas été saisie du projet de loi sur les critères d'éligibilité, sont marqués par des dissensions aiguës». Question d’interprétation des derniers accords d’Accra, selon le Groupe de suivi qui affirme toutefois que le Premier ministre Seydou Diarra ne se plaint plus d’un déficit de délégation des pouvoirs présidentiels, «en dépit de la déclaration par des Marcoussistes du G-7 que le champ de ces pouvoirs était encore insuffisant». Reste le calendrier législatif, en panne, malgré l’adoption de lois sur l'amnistie, sur l'identification des personnes, sur le séjour des étrangers, sur le foncier rural ou sur la commission des droits de l’Homme. En effet, le Code de la nationalité, par exemple, a été retiré des textes présentés à l'Assemblée nationale. Il fait l'objet de nouvelles consultations au sein du gouvernement. La composition de la Commission électorale indépendante a également été retirée de l'ordre du jour à la demande du gouvernement.

«Le fait que le projet de loi portant modification de l'article 35 de la Constitution n'ait pas encore été déposé à l'Assemblée nationale, bien qu'il ait été adopté par le gouvernement… continue d'alimenter les spéculations politiques», note le rapport du Groupe de suivi qui estime que dans l’immédiat, les politiciens ivoiriens continuent surtout à «évaluer les avantages politiques que leur offre le processus de paix» au lieu de peser l’intérêt collectif et qu’ils risquent à tout moment de pousser le bouchon trop loin. Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères ivoirien, Mamadou Bamba  a profité de la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies pour tenter de répondre à ces inquiétudes internationales.

«Nous sommes tous résolus, tous les Ivoiriens sans exception, à faire taire définitivement les rivalités qui n'engendrent que haine et rancœurs et à rassembler nos efforts au service de la paix par le dialogue», affirme le diplomate ivoirien, demandant au passage «le concours des institutions financières internationales et des pays développés pour la mise en oeuvre du programme de reconstruction nationale et plus spécialement du DDR» (le programme de démobilisation, de désarmement et de réintégration dans la future armée nationale ou de réinsertion dans la vie civile). Reste qu’en l’absence de toute manifestation effective d’une volonté commune à tourner définitivement la page de la guerre, les bailleurs de fonds ne sauraient s’accommoder de promesses.



par Monique  Mas

Article publié le 28/09/2004 Dernière mise à jour le 28/09/2004 à 14:35 TU