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Egypte-Israël

Attentats du Sinaï : les touristes israéliens visés

Une jeune femme passe le poste frontière entre Egypte et Israël à Eilat. Les touristes israéliens quittent en masse le Sinaï.  

		(Photo: AFP)
Une jeune femme passe le poste frontière entre Egypte et Israël à Eilat. Les touristes israéliens quittent en masse le Sinaï.
(Photo: AFP)
Au moins vingt-huit personnes, dont vingt-trois Israéliens et cinq Egyptiens, ont trouvé la mort dans la nuit de jeudi à vendredi dans une série d’attentats qui ont ensanglanté plusieurs sites touristiques égyptiens de la mer Rouge, essentiellement fréquentés par des vacanciers israéliens à cette période de l’année. L’attaque la plus meurtrière a visé l’hôtel Hilton de Taba dont une partie du bâtiment s’est effondrée. Deux autres explosions ont ciblé des camps de vacances à Ras Chaïtan situés à 45 kilomètres au sud de cette ville frontalière de l’Etat hébreu. Vivement condamnés par la communauté internationale, ces attentats portent la marque de fabrique de la nébuleuse islamiste du milliardaire saoudien Oussama Ben Laden. Ils ont été revendiqués par plusieurs mouvements jusque-là inconnus dont l’un s’est ouvertement réclamé d’al-Qaïda.

Les quatre cent trente chambres de l’hôtel Hilton de Taba étaient toutes occupées en cette période de vacances pour les Israéliens qui comme chaque année ont traversé en masse la frontière égyptienne pour séjourner dans les nombreuses stations balnéaires de la mer Rouge. Les services de sécurité israéliens avaient pourtant mis en garde les touristes contre tout séjour en Egypte estimant que les risques d’attentats dans cette région étaient élevés. Et le 9 septembre, Israël avaient même officiellement appelé ses citoyens à ne pas se rendre dans la péninsule du Sinaï. Les violents attentats qui ont frappé dans la nuit de jeudi à vendredi Taba et Ras Chaïtan n’ont donc fait que confirmer ce que redoutaient le plus les autorités israéliennes depuis l’attaque qui a frappé en novembre 2002 un hôtel de Mombassa au Kenya où séjournaient des citoyens israéliens. Trois d’entre eux avaient été tués et de nombreux autres blessés. En Egypte, l’opération terroriste contre l’hôtel Hilton a de loin été la plus meurtrière. Une camionnette bourrée d’explosifs a en effet pu s’introduire jeudi soir dans le hall de l’édifice avant d’exploser. Une partie de la façade ainsi qu’une aile de ce bâtiment de dix étages se sont effondrées. Selon les pompiers israéliens –autorisés exceptionnellement par le gouvernement égyptien à se rendre sur place– le plafond de la salle de restaurant où les tables étaient dressées pour le dîner a cédé sous la violence de la déflagration. Moins meurtrières, les deux autres attaques, qui ont visé deux camps de vacances de Ras Chaïtan situés une cinquantaine de kilomètres de Taba, ont également été provoquées par deux véhicules piégés.

La quasi-simultanéité des attaques, les cibles choisies –les attentats ont visé des lieux prisés par les Israéliens– ainsi que le mode opératoire ont immédiatement fait écarter la thèse de l’accident. Le vice-ministre israélien de la Défense a d’ailleurs très tôt désigné le réseau d’Oussama Ben Laden comme responsable de ces opérations meurtrières. «Selon les premiers éléments connus, il ressort que ces attaques correspondent à un acte terroriste international version al-Qaïda», a ainsi affirmé Zeev Boïm. «Ce n’est pas le genre d’attaques que nous connaissons de la part des organisations terroristes palestiniennes», a-t-il également ajouté. Quelques heures plus tard, les mouvements radicaux du Jihad islamique et du Hamas ont d’ailleurs confirmé ne pas être impliqués dans ces attentats. «Je pense que les Palestiniens n’ont à rien à voir avec ces opérations», a ainsi affirmé Khaled al-Batch, un responsable politique du Jihad précisant que les groupes armés palestiniens –qui ne reconnaissent pas l’Etat d’Israël– «combattent dans les territoires palestiniens et non à l’étranger». Reprenant ce même argumentaire, un porte-parole du Hamas, Mouchir Al-Masri, a également écarté que son mouvement puisse être impliqué dans ces attentats, même si sa branche armée avait menacé de frapper Israël partout dans le monde après l’assassinat attribué aux services israéliens d'un cadre du Hamas le 26 septembre dernier à  Damas.

Des revendications difficiles à authentifier

Premiers attentats d’envergure contre des sites touristiques en Egypte depuis 1997 –cinquante-huit étrangers avaient alors péri dans une fusillade à Louxor– les opérations terroristes de Taba et de Ras Chaïtan ont été violemment condamnées par la communauté internationale. Plusieurs mouvements islamistes ont en revanche estimé que ces attaques étaient la conséquence de la politique menée par le gouvernement d’Ariel Sharon dans les Territoires palestiniens. Quoiqu’il en soit, les événements de ces dernières heures ont rapproché les gouvernements israélien et égyptien, déterminés à lutter activement contre le terrorisme. Le cabinet du Premier ministre israélien a ainsi annoncé une coopération anti-terroriste accrue avec Le Caire. Le gouvernement égyptien avait auparavant répondu aux demandes des autorités israéliennes en facilitant l’accès de la péninsule du Sinaï aux secouristes israéliens. Il avait également permis aux nombreux touristes israéliens –leur nombre est estimé à quelque 10 000– de regagner leur pays sans leur passeport abandonné dans la panique.

Qualifiées de «méga-terroristes» par le ministre israélien de la Défense Shaoul Mofaz, les attaques de Taba et de Ras Chaïtan ont été revendiquées par plusieurs mouvements jusque-là inconnus. Un site internet islamiste a diffusé dans la matinée un communiqué des Brigades de l’unicité islamique dans lequel ce groupe affirme être à l’origine de la série d'attentats anti-israéliens dans le Sinaï. «Quatre de nos frères volontaires pour le martyre ont mené cette opération héroïque contre un nid de prostitution et de corruption», affirme notamment le texte qui précise qu’il s’agit d’une vengeance après l'assassinat en mars dernier du fondateur et chef spirituel du Hamas, cheikh Ahmed Yassine, liquidé lors d’un raid de l’aviation israélienne. Les auteurs du communiqué s'en prennent également au «régime égyptien collaborateur» pour avoir ouvert son pays «aux infidèles et aux débauchés» et citent, pour les louer, les noms d'Oussama Ben Laden et de son adjoint égyptien Aymane Al-Zawahiri.

Un autre mouvement, lui aussi jusque-là inconnu, le Groupe islamiste mondial a également revendiqué dans un appel téléphonique au bureau de l’Agence France Presse à Jérusalem les attentats anti-israéliens, affirmant qu'il visait «à venger les martyrs palestiniens et arabes qui tombent en Palestine et en Irak». Cette revendication est tout aussi difficile à authentifier d’autant plus que d’autres groupes se sont manifestés ces dernières heures. Le dernier en date, Les Brigades du martyr Abdallah Azzam, clame ouvertement ses liens avec al-Qaïda. Dans un communiqué publié sur un autre site internet islamiste déjà maintes fois utilisé dans le passé par la nébuleuse d’Oussama Ben Laden pour revendiquer des attentats, ce mouvement affirme que les opérations du Sinaï sont «l'une des étincelles d'un volcan qui se met en ébullition et qui ne va jamais se calmer».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 08/10/2004 Dernière mise à jour le 08/10/2004 à 16:03 TU