Automobile
«Fulgura», la voiture marocaine
(Photo: Laraki Automobiles)
Radio France Internationale : Comment avez-vous eu l’idée de devenir concepteur et constructeur de voitures ? Est-ce un rêve de gosse qui est devenu une réalité ?
Abdesslam Laraki : Oui, c’est un désir que j’ai toujours eu en moi, dès mon plus jeune âge. Je me souviens que dès l’âge de 10 ans je savais déjà ce que j’allais faire : devenir constructeur automobile. Juste après mon baccalauréat je suis allé en Suisse où j’ai été formé dans les plus grandes écoles de design, après quoi je suis allé en France dans une école de renom à Issy-les-Moulineaux. C’était une passion profonde et la famille m’a soutenu et m’a aidé à aller au bout de ma passion.
RFI : Après cette formation et malgré votre volonté il vous manque quand même les moyens ; comment les avez-vous regroupés ?
AL : Nous avons commencé par monter une société, Laraki Automobiles. A partir des fonds propres et d’apports d’institutions financières nous avons d’abord commencé par réaliser l’usine de fabrication en nous dotant de tous les équipements utiles et nécessaires. Mais le plus coûteux dans cette aventure c’est le développement des modèles. Il faut dire que nous avons monté cette aventure sans nous lier forcément à tel groupe plutôt qu’à à un autre. Nous ne dépendons de personne.
RFI : Il paraît que vous avez bénéficié de soutiens conséquents de la part du royaume du Maroc.
AL : J’ai été effectivement décoré par sa Majesté le roi du Maroc qui encourage ce type d’initiative qui vient surtout du Maroc. Ce soutien moral est très important pour nous car il nous permet d’avancer.
RFI : Vous dites souvent «nous» et parlez à la première personne du pluriel. N’êtes-vous pas seul dans cette affaire ?
AL : «Nous», c’est le groupe Laraki, la famille Laraki. Nous sommes dans la pêche hauturière, dans l’import d’automobiles et de camions. Nous sommes dans l’import-export et la branche automobile fait partie de ce groupe-là.
RFI : Quand et comment avez-vous réalisé votre premier modèle ?
AL : J’ai d’abord commencé par faire une étude de marché qui a duré au moins un an, ensuite nous avons essayé de faire un premier prototype en essayant de dépenser le moins possible. Nous n’étions pas encore déterminés sur une production en série ou pas. C’est pour cela que nous avons utilisé dans un premier temps un moteur Lamborghini, c’était un moteur qui était disponible sur lequel nous avons monté notre premier modèle. Nous l’avons présenté au salon de Genève en 2002, juste pour voir si le projet était viable ou pas.
RFI : Les résultas ont été probants puisque quelques années plus tard vous avez des modèles entièrement conçus par vous.
AL : Tout à fait. Nous avions vu l’intérêt réel que les gens portaient à cette voiture. Nous avons alors décidé d’engager des études pour la fabrication de notre propre châssis, de notre propre suspension, de notre propre moteur, bref de notre propre technique et nous avons abouti à ce premier modèle baptisé Fulgura. L’esthétique et la technique sont de nous, sans oublier la réalisation puisque la voiture est entièrement assemblée à Casablanca.
RFI : Combien êtes-vous de la conception à la réalisation de la Fulgura ?
AL : Je suis moi-même concepteur et designer en automobile et je réalise tout ce qui est esthétique et détails intérieurs et extérieurs. C’est la particularité des véhicules Laraki qui ont une conception entièrement «maison» et qui sont la vision d’une seule et même personne. Cet aspect des choses est important puisque cette pratique a de nos jours disparu. Ensuite pour ce qui est technique, j’ai une équipe d’une dizaine d’ingénieurs marocains, qui ne viennent pas tous du monde automobile, mais nous échangeons énormément et chacun donne son avis sur les différents aspects pour «validation». Nous travaillons vraiment en groupe. Au total nous sommes une quarantaine de personnes entre les ateliers et le bureau.
RFI : Avez-vous des équipementiers de renom comme fournisseurs ou bien êtes-vous entièrement autonome ?
AL : Au Maroc malheureusement on n’a pas vraiment de fournisseurs automobiles comme on peut en trouver en Europe. Nous fabriquons la plupart de nos pièces mais nous avons tout de même recours à certains fournisseurs comme Mercedes pour le moteur, Cima pour la boîte de vitesses, sinon tout le reste est réalisé à Casablanca.
RFI : A combien de modèles fabriqués et sortis de vos ateliers en êtes-vous ?
AL : Nous avons deux modèles: la Fulgura qui approche une production en série et le deuxième modèle porte le nom de code 002 pour le moment. Les prototypes roulant seront disponibles d’ici à six mois et nous espérons la commercialiser dans un an. La Fulgura est produite en série limitée. Nous avons décidé de nous arrêter à 99 exemplaires seulement avec un rythme de 25 unités par an, en revanche le modèle 002 ne sera pas produit en série. Nous répondrons à la demande.
RFI : Vos véhicules sont destinés à une cible bien précise. Ce sont des voitures sportives et de grand luxe. Pourquoi ce choix ?
A. L : Les petits constructeurs en général produisent de la petite série et par conséquent il faut avoir une marge importante pour que l’entreprise soit viable. Nous, petits constructeurs, nous n’avons pas les moyens de rivaliser avec les grands qui produisent des millions d’unités par an. Cela suppose des chaînes de montage et des infrastructures appropriées. Nous n’avons pas les moyens et optons pour des petites séries qui s’adressent à une clientèle bien précise. Ce sont des véhicules de prestige qui font appel aux meilleurs matériaux, châssis en aluminium, moteur de prestige, carrosserie en fibre de carbone. Tout cela justifie le prix de notre voiture (Fulgura) qui est à 300 000 euros (soit environ 200 millions de francs CFA). Mais sait-on jamais, on pourrait peut-être s’attaquer un jour à la production de voiture de moyenne gamme.
par Propos recueillis par Didier Samson
Article publié le 09/10/2004 Dernière mise à jour le 09/10/2004 à 09:25 TU