France-Chine
Chirac, meilleur commercial de France
(Photo : AFP)
Quand Jacques Chirac se déplace en Chine, il ne part pas les mains vides et entend rentrer les poches pleines. Le chef de l’Etat français a, en effet, emmené avec lui, dans son périple asiatique d’une semaine, plusieurs dizaines de chefs d’entreprise sensés présenter leurs produits aux autorités chinoises, mises en condition par un président VRP qui ne fait pas mystère de ses efforts pour convaincre ses interlocuteurs politiques et engranger des contrats. Le résultat est tout à fait honorable puisque cette visite officielle de Jacques Chirac en Chine devrait rapporter environ 4 milliards d’euros grâce à la conclusion d’une vingtaine d’accords.
C’est la société Alstom qui profite le plus des contrats chinois. En enregistrant deux commandes majeures, l’une pour la fourniture de trains régionaux et de locomotives, l’autre pour des équipements hydroélectriques, elle s’offre une bouée de sauvetage (d’environ 1,4 milliard d’euros). Car il y a encore quelques mois, Alstom était au bord de la faillite. Airbus n’a pas à se plaindre non plus. Et pour cause, en s’engageant à livrer à la Chine 6 avions A319 et 20 A330, la société devrait gagner aux alentours de 2 milliards d’euros. Le dernier contrat significatif, même s’il n’est pas comparable en terme de montant, concerne les agriculteurs français traditionnellement excédentaires et à la recherche de débouchés pour leurs stocks inutilisés. La visite du président a, en effet, permis de vendre aux Chinois pas moins de 700 000 tonnes de blé pour un montant de 100 millions d’euros.
Quelques réserves demeurent néanmoins à l’heure où Jacques Chirac et sa délégation vont prendre l’avion du retour vers Paris. Sans parler d’échec, car à défaut de dire oui les Chinois n’ont pas dit non, on ressent tout de même une déception car aucun accord n’a pu être conclu concernant le très gros porteur d’Airbus (A380), le TGV Pékin-Shanghai d’Alstom, et les centrales nucléaires équipées de réacteurs de troisième génération proposées par Areva. Autant de domaines dans lesquels la Chine a d’énormes besoins mais entend faire jouer à plein la concurrence internationale. Concernant par exemple la ligne de train à grande vitesse, le TGV français est opposé au Shinkansen japonais. Et pour ce qui est du nucléaire, ce sont les Etats-Unis et la Russie qui sont sur les rangs face à la France.
Transferts de technologies et rapprochement politiqueLà où le bât blesse aussi, c’est du côté de Petites et moyennes entreprises (PME). Jacques Chirac a dû faire le constat du peu d’intérêt manifesté par ses hôtes pour des entreprises qui ne s’adaptent pas aux critères chinois. Il a donc appelé les dirigeants de PME à faire des efforts et ceux des grandes entreprises, déjà implantées en Chine, à les aider à adopter la culture de travail locale. Le chef de l’Etat a d’ailleurs fixé un objectif clair à savoir de doubler le nombre de PME présentes en Chine en le faisant passer à 3 500 en trois ans. Les gros contrats ont, en effet, été conclus avec de grosses entreprises détentrices d’un savoir-faire et de technologies dont le transfert a souvent été utilisé comme un argument de vente.
De nombreux accords ont, il est vrai, été conclus grâce aux engagements pris par les sociétés françaises de faire bénéficier sans restriction les Chinois de leurs technologies. Le contrat passé entre Eurocopter et la société chinoise AVIC-2 prévoit, par exemple, le développement conjoint d’un nouvel hélicoptère de moyen tonnage. Dans le domaine nucléaire, l’un des arguments majeurs d’Areva pour remporter le marché des nouvelles centrales se situe à ce niveau. Le communiqué diffusé à la suite des entretiens franco-chinois sur cette question a montré que le message des Français concernant leur désir de participer «à un programme nucléaire chinois autonome» avait été entendu. Reste à savoir si cela sera suffisant pour évincer les concurrents en lice. Pour Jacques Chirac, il ne faut pas craindre les transferts de technologies : «En vendant notre technologie, on acquiert des revenus. Ces revenus automatiquement, on les réinvestit dans la recherche». Pour prendre une nouvelle avance technologique que l’on pourra revendre ensuite.
Il est vrai que pour accéder à l’alléchant marché chinois, on peut bien faire quelques concessions au départ. Avec une croissance du Produit intérieur brut (PIB) de 9,4 % cette année, et vraisemblablement de plus de 8 % encore l’année prochaine, la Chine est l’un des pays les plus attractifs sur le plan économique. Jacques Chirac l’a clairement dit : «Il y a une place importante à prendre en Chine… et la France doit la prendre». Pour aider les entreprises françaises à ne pas rater cette opportunité, le président a mis toutes les armes politiques de son côté, notamment en apportant un soutien sans faille à une revendication à laquelle les Chinois accordent une grande importance : la levée de l’embargo sur les ventes d’armes mis en place par l’Union européenne à la suite des massacres de Tiananmen en 1989, que Jacques Chirac a qualifié d’«inutile et désobligeant». Le chef de l’Etat français s’est, d’autre part, contenté d’aborder la question des droits de l’homme avec toute la «discrétion» requise pour ne pas froisser ses interlocuteurs particulièrement chatouilleux sur ce sujet. Il a simplement remis au président Hu Jintao une liste d’une dizaine de dissidents emprisonnés sur le sort desquels la France désire attirer l’attention des autorités.
par Valérie Gas
Article publié le 11/10/2004 Dernière mise à jour le 12/10/2004 à 09:56 TU