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Libye-Europe

La sécurité européenne passe par Tripoli

Silvio Berlusconi (à gauche) et Mouamar Kadhafi. L'Italie souhaite fournir à la Libye du matériel pour la lutte contre l’immigration clandestine. 

		(Photo : AFP)
Silvio Berlusconi (à gauche) et Mouamar Kadhafi. L'Italie souhaite fournir à la Libye du matériel pour la lutte contre l’immigration clandestine.
(Photo : AFP)
«Victoire politique» pour la Libye, avancée dans la lutte contre l’immigration clandestine selon l’Italie, la levée, le 11 octobre, de l’interdiction européenne de livrer des armes à Tripoli était attendue depuis l'accord de principe conclu le 22 septembre dernier à Bruxelles. La diplomatie des 25 saluait alors les efforts de Mouammar Kadhafi pour réintégrer le giron international en s’engageant en particulier fin 2003 à démanteler son programme nucléaire embryonnaire. Elle s’inclinait aussi devant les arguments sécuritaires de Rome dont le ministre de l'Intérieur, Giuseppe Pisanu, avait même menacé de rompre unilatéralement l'embargo, si les Européens ne s’accordaient pas pour le lever. Le 21 septembre, après les Nations unies et un allègement déjà substantiel, les Etats-Unis avaient renoncé à leur dernières sanctions, en l’occurrence commerciales, ouvrant le bal des compagnies pétrolières américaines pressées de revenir en Libye où le président français Jacques Chirac annonce une visite officielle, avant la fin de l’année.

La Libye n’est plus au ban des nations depuis que le «guide» de la jamahiriya est passé sous les fourches caudines américaines en 2003, en adhérant au programme anti-terroriste de Washington et en versant les indemnités réclamées par les ayant-droits des victimes de l'attentat contre l’avion de la Pan Am qui avait explosé au-dessus de la ville écossaise de Lockerbie, en décembre 1988. Tripoli s’est ensuite mis en règle avec l’Europe en réglant la facture des attentats perpétrés en 1986, à Berlin contre la discothèque La Belle, et en septembre 1989, contre le DC-10 de la compagnie française UTA. Il s’agissait alors des dernières ombres au tableau des relations entre Tripoli et Bruxelles. Celles-ci s’étaient en effet déjà réchauffées en 1999 avec l’allègement des sanctions européennes. Seuls subsistaient encore l'embargo sur les armes ainsi que des restrictions à la livraison de certains équipements aéronautiques. L’Europe vient de les effacer.

Chirac à Tripoli avant la fin de l’année

Mouammar Kadhafi a déjà fait sa rentrée européenne, Bruxelles lui déroulant le tapis rouge fin avril 2004. Avant ce triomphe, le 25 mars, il avait reçu le Premier ministre britannique, Tony Blair. Ce dernier avait arrangé une escale de quelques heures seulement en forme de visite historique, la première d’un chef de gouvernement du Royaume-Uni depuis soixante ans. Quelques semaines plus tôt, de passage en France, le fils du colonel Kadhafi, avait lancé une invitation au président Chirac qui l’avait acceptée, sans préciser de date. Aujourd’hui, Jacques Chirac s’annonce à Tripoli «avant la fin de l’année». Le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier l’aura précédé début octobre en Libye, où il a notamment abordé le dossier de l'immigration clandestine. Paris ne partage pas l’idée de centres d'accueil ou de transit installés au sud de la Méditerranée lancée par l'Allemagne et l'Italie. La question sera sur le tapis européen début novembre.

Empressée auprès de Tripoli depuis 1999, Rome a mis a profit sa présidence de la commission européenne, au premier semestre 2004, pour faire valoir le rôle stratégique de la Libye dans la lutte contre l’immigration clandestine africaine. Les 25 ont retenu l’argument, soulignant le caractère «essentiel et urgent» d'une coopération avec la Libye dans ce domaine crucial à leurs yeux. Pour sa part, le Premier ministre italien Silvio Berlusconi, avait été le premier visiteur européen du colonel Kadhafi dans sa bonne ville de Syrte, en février dernier. Il souhaite pouvoir lui fournir rapidement les équipements nécessaires, des vedettes rapides notamment, pour patrouiller entre les côtes libyennes et italiennes, en particulier dans le secteur de l’île italienne de Lampedusa, destination privilégiée des réseaux clandestins.

Ses propres problèmes avec la Libye réglés, l’UE se devait d’ajouter une pincée de droits de l’homme en réitérant sa «grave préoccupation» à l'égard de cinq infirmières bulgares et d'un médecin palestinien condamnés à mort en Libye sur des accusations de contamination volontaire d’un hôpital pédiatrique de Benghazi avec le virus du sida. «Nous restons bien sûr vigilants pour aboutir à une mesure de grâce», déclare la ministre française des Affaires européennes Claudie Haigneré, à propos des condamnés à mort de Benghazi. «Nous allons étudier comment adresser un message clair aux autorités libyennes», renchérit le ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos. Reste que les portes libyennes sont désormais ouvertes au matériel militaire ou policier, aux airbus ou au savoir-faire pétrolier européen.

L’Europe manifeste aujourd’hui pour la Libye une empathie aussi grande que la répulsion qu’elle exprimait hier à son encontre. De son côté, pour célébrer la levée des dernières sanctions, Tripoli suggère à son agence de presse officielle, Jana, un commentaire très inspiré. «La Libye a enregistré une nouvelle victoire politique et cette décision confirme la force de la Libye qui a pu faire face aux défis étrangers», écrit Jana. Foin de marchandages, l’honneur est sauf.



par Monique  Mas

Article publié le 12/10/2004 Dernière mise à jour le 28/10/2005 à 09:17 TU

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Rémy Leveau

Professeur émérite à l'Institut d'études politiques de Paris et conseiller à l'Institut français des relations internationales

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