Education
Dernières propositions avant la loi de programmation

(Photo: AFP)
Lire, écrire, compter, s’exprimer : les membres de la commission Thélot ont insisté, dans le rapport qu’ils ont remis à Jean-Pierre Raffarin, sur la nécessité de permettre aux enfants qui sortent du système scolaire de maîtriser ces enseignements, de tous temps jugés fondamentaux. Mais ils ont aussi estimé que les contraintes du monde moderne nécessitaient d’y ajouter l’apprentissage de l’anglais, de l’informatique et des bases citoyennes indispensables pour «vivre ensemble». C’est donc en partant de la définition des objectifs prioritaires de l’école de demain, à savoir la maîtrise de ce socle de connaissances nécessaires pour «réussir», qu’ils ont énuméré les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre.
Les propositions de la commission concernent tout d’abord l’organisation des cycles d’études, la définition des programmes proposés aux enfants et les méthodes pédagogiques appliquées dans les écoles. Les membres de la commission proposent ainsi tout d’abord de faire passer l’âge de la scolarité obligatoire de 6 ans à 5 ans et de modifier les cycles d’études. Le premier cycle, dit des «apprentissages», débute dès la grande section de maternelle et se poursuit jusqu’au CE1. Le deuxième cycle, celui des approfondissements, s’étend du CE2 à la 6e. Et le dernier cycle de la diversification englobe les classes qui vont de la 5e à la 3e. Cette nouvelle organisation est destinée à permettre d’élargir progressivement les apprentissages en partant du socle commun des fondamentaux. Dans l’optique de tout mettre en œuvre pour motiver les élèves, la commission recommande aussi une personnalisation des pratiques pédagogiques qui se traduirait notamment par la création d’un nouveau dossier scolaire individualisé et la définition d’un projet scolaire pour chaque élève. La définition des programmes relèverait, quant à elle, d’une nouvelle Haute autorité indépendante.
Manque d’ambition ou réalisme ?
Au lycée, les trois grandes sections (générale, professionnelle, technologique) demeurent. Par contre, la commission insiste sur la nécessité d’accentuer la spécialisation dès la classe de seconde mais aussi sur la valorisation de l’enseignement professionnel. Avec par exemple, la création d’un «statut du lycéen professionnel» et le développement des stages en entreprises. Il s’agit, selon le rapport Thélot, de mieux préparer l’insertion des jeunes dans le monde du travail et de valoriser les filières professionnelles notamment dans les métiers où existe une forte demande (paramédical, action sociale).
Les réformes proposées concernent aussi directement les enseignants. La commission insiste sur le fait que la formation et le recrutement des instituteurs et des professeurs sont déterminants pour modifier le fonctionnement de l’école et atteindre les objectifs fixés. De ce point de vue, elle préconise de prendre en compte dans les concours de recrutement à la fois les «compétences disciplinaires» et «professionnelles». De cette manière, il s’agit d’armer les enseignants pour assumer les nouvelles missions qui pourraient leur être assignées, à savoir prendre en charge le suivi scolaire des élèves, les relations avec les parents, le travail en équipe… Dans un tel schéma, leur temps de présence au sein des établissements scolaires s’allongerait de manière notable.
Les propositions du rapport Thélot sont le fruit du travail des experts réunis dans la commission sur l’avenir de l’école depuis septembre 2003, mais aussi du large débat engagé au plan national qui a associé enseignants et parents d’élèves. Elles ont vocation à préparer le travail du ministre de l’Education nationale, François Fillon, chargé de la lourde tâche de rédiger le projet de loi d’orientation et de programmation sur l’école qui devrait être présenté en conseil des ministres d’ici la fin de l’année 2004, avant d’être examiné par le parlement au début de l’année 2005. Jean-Pierre Raffarin a confirmé le rôle «central» de cette contribution dans la réflexion engagée pour modifier la loi «Jospin» de 1989 et définir un cadre de travail «pour les quinze prochaines années». Dans l’esprit du Premier ministre, l’élaboration de cette réforme a pour but de «redonner confiance à l’école», «de pousser tout le monde vers le haut» et de faire de l’école «une plate-forme de la République».
Ces objectifs ambitieux ne sont remis en cause par personne. Par contre, l’unanimité est loin d’être faite concernant les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Et les propositions de la commission Thélot ont d’ores et déjà provoqué de vives réactions. Le socialiste Jack Lang, lui-même ancien ministre de l’Education nationale, y voit un moyen d’utiliser «l’idée d’une culture appauvrie… pour continuer à tailler, à couper parmi les enseignants». Ces derniers ont d’ailleurs très mal accueilli, eux aussi, les conclusions du rapport et les évolutions qu’il propose. La FSU, première fédération syndicale de l’Education nationale, y a vu une «provocation». Son secrétaire général, Gérard Aschiéri, a déclaré : «Ce rapport confirme nos craintes et renonce à l’objectif de 80 % des élèves d’une classe d’âge au baccalauréat alors que des progrès considérables ont été réalisés depuis les années 80». Gilles Moinot, son homologue du SNUipp-FSU, premier syndicat des enseignants de maternelle et de primaire, a enfoncé le clou : «L’idée d’un socle commun de connaissances, c’est la moindre des exigences pour l’école. La question est de savoir comment les enfants y accèdent et qui détermine les programmes». Là où certains attaquent le manque d’ambition, d’autres apprécient le réalisme. François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, a ainsi estimé que le rapport était «une bonne base de travail qui donne des directions utiles».
Le débat est donc lancé autour des propositions de la commission Thélot. Et François Fillon a quelques semaines pour arbitrer entre les diverses positions qui ne manqueront pas de s’exprimer, notamment lors des entretiens prévus avec les partenaires sociaux. Il entend néanmoins travailler vite et présenter un premier projet de loi dès le mois de novembre.par Valérie Gas
Article publié le 12/10/2004 Dernière mise à jour le 12/10/2004 à 15:09 TU