Côte d'Ivoire
Le « non » des Forces nouvelles
(Photo : Didier Samson/RFI)
Le 15 octobre est la date fixée pour le début du processus DDR. Plusieurs réunions de réglage de détails techniques et de coordination se sont tenues dans les différents états-majors des parties en conflit en Côte d’Ivoire. A Yamoussoukro, la dernière table ronde réunissant tous les acteurs du conflit, le 11 octobre, n’a pas donné de résultats «satisfaisants», dit-on dans les différentes chancelleries et au Comité de suivi des accords de Marcoussis et d’Accra. Malgré un communiqué commun des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) et des Forces nouvelles (ex-rebelles) affirmant leurs engagements en faveur de la paix, le doute plane sur le début effectif des opérations à la date prévue.
En effet, l’aile politique des Forces nouvelles n’a pas fait le déplacement de Yamoussoukro prétextant que «c’est une réunion entre militaire», comme le précise Sidiki Konaté, le porte-parole des Forces nouvelles. Les appels du Premier ministre, Seydou Diarra, sur la demande expresse du président de la République n’ont pas été entendus. Tous les autres partis politiques sans exception ont participé aux discussions sauf les représentants politiques des Forces nouvelles. L’embarras du G7, coalition de partis politiques d’opposition, rébellion comprise, était visible. Le président du directoire du G7 et secrétaire général du PDCI, Djédjé Mady, a résumé, dans un communiqué laconique l’esprit qui prévalait à l’issue de la réunion de Yamoussoukro : «nous souhaitons que le contexte politique se prête au déroulement technique du désarmement», a-t-il déclaré.
En observant de près le déroulement des rencontres on constate, en effet que le contexte politique n’est pas propice au DDR. L’adhésion des Forces nouvelles au processus est à la fois aléatoire et hypothétique. Les militaires se disent prêts alors que les politiques tiennent à une certaine chronologie : «nous voulons l’application de l’accord d’Accra qui prévoit le vote des réformes, puis le désarmement et ensuite les élections», précise Sidiki Konaté. Or, le président Laurent Gbagbo dans son allocution à la nation, le 12 octobre, a appelé à «la paix et à la réunification du pays» en assurant que le début du DDR «n’arrêtera pas les réformes politiques». Il a également fait remarquer que sur 16 projets de loi émanant des accords de Marcoussis et d’Accra, 7 sont déjà adoptés, 5 sont encore en examen et trois sont attendus en conseil des ministres. Il a également promis de procéder par référendum dans le cas des dispositions liées à la révision constitutionnelle, en l’occurrence l’article 35 de la constitution concernant les conditions d’éligibilité à la présidence de la République.
Désarmement, démobilisation et réinsertion en suspensMais tous ces engagements ne convainquent pas les ex-rebelles qui relativisent la signature des militaires issus de leurs rangs. La branche politique des Forces nouvelles a qualifié de «diplomatique» la démarche de l’état-major des Forces nouvelles en faveur du désarmement. «Nos militaires à Yamoussoukro ont voulu être diplomates. Aucun militaire ne peut faire quelque chose en dehors du politique. La décision de désarmer dépend du politique. Rien ne se passera à Bouna ni à Bondoukou (dans la partie nord du pays sous contrôle des FN)», a affirmé Sidiki Konaté. Il a par ailleurs précisé qu’aucune délégation des Forces nouvelles ne se rendra à Abidjan dans le cadre des rencontres avec les partis d’opposition prévues par le chef de l’Etat.
Ces dernières déclarations des Forces nouvelles réduisent à néant le processus de désarmement supervisé par les forces «impartiales+» que sont les contingents de l’Opération des nations en Côte d’Ivoire (ONUCI) et de l’opération Licorne. La première phase du DDR prévoyait un regroupement des hommes en armes le vendredi 15 octobre sur deux sites, l’un à Bondoukou, à l’est sous contrôle des forces loyalistes, et l’autre à Bouna, au nord-est sous contrôle des Forces nouvelles, non loin des frontières ghanéenne et burkinabé. Au total 25 000 ex-rebelles et environ 5 000 paramilitaires loyalistes sont concernés par le programme DDR.
Les Forces nouvelles n’ont pas adhéré au calendrier fixé parce qu’elles craignent de perdre du terrain en faveur des forces républicaines sans en obtenir le bénéfice politique. Par ailleurs, entre politiques et militaires des Forces nouvelles de profondes divergences apparaissent. Les militaires, à la faveur de la loi d’amnistie, seront réinsérés dans l’armée régulière pour poursuivre une carrière «normale». Cette sortie de crise leur est plutôt favorable, tandis que pour les cadres politiques, en majorité évoluant à l’extérieur avant le déclenchement de la rébellion, la réinsertion dans la vie civile est moins évidente. Le «chacun pour soi» dont les uns et les autres s’accusent en zones sous contrôle des rebelles aurait poussé plusieurs milliers d’hommes en armes à passer les frontières du Mali et du Burkina Faso. Ils accusent le secrétariat général du mouvement basé à Bouaké de « trahison ».par Didier Samson
Article publié le 13/10/2004 Dernière mise à jour le 13/10/2004 à 14:19 TU