France
Le ramadan dans la division
(Photo : AFP)
Par ailleurs, et ce n’est pas toujours le cas, il n’y a pas eu de désaccord sur la date précise du début du ramadan. Souvent, les leaders religieux ne sont pas d’accord entre eux, n’ont pas la même interprétation des données astronomiques qui indiquent la naissance du croissant lunaire et le début du ramadan. Sur un plan pratique, il n’y aura pas non plus de difficultés dans les établissements scolaires. Les élèves d’origine musulmane qui font le ramadan ne seront pas en cours au moment de la rupture du jeûne. On est en automne : les cours se terminent avant la tombée de la nuit. En plus, ce mois exceptionnel coïncide avec les vacances scolaires de la Toussaint, fête religieuse chrétienne. Les enfants seront donc chez eux pendant la moitié du temps du ramadan. La coutume musulmane ne désorganisera pas l’enseignement dans les établissements scolaires. Par le passé, des enseignants ont vu des enfants sortir de cours pour aller chercher un jus de fruit au distributeur dès le moment de la rupture du jeûne.
Une invitation trop « tardive »
Cette année, donc, pas de conflit de vie quotidienne entre ceux qui font le ramadan et les autres, pas de désaccord sur la lisibilité du croissant lunaire. La tension est ailleurs, entre les associations qui composent le CFCM. Jeudi, le président de ce Conseil d’obédience religieuse, Dalil Boubakeur, invitait l’ensemble des membres du bureau exécutif du CFCM à se réunir, le même jour, « afin de déterminer le premier jour du mois sacré du ramadan ». Les responsables des deux autres grandes organisations, l’Union des organisations islamiques de France et la Fédération nationale des musulmans de France, déclinaient l’invitation, jugée « trop tardive ». C’est donc dans le désordre que les associations ont annoncé le commencement du ramadan, la Nuit du Doute, qui correspond au neuvième mois du calendrier musulman.
Que les règles du jeu changent
Ce manque d’unité sur l’un des événements fondamentaux de la religion musulmane montre à quel point les dissensions sont toujours fortes entre les leaders des différentes tendances qui composent le CFCM. Le président du Conseil, Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, réputé sous influence algérienne, a annoncé en septembre dernier que la Fédération de la Grande Mosquée de Paris et ses délégués régionaux ne participeraient pas aux prochaines élections du CFCM prévues en avril prochain. « L’organisation actuelle du CFCM réduit considérablement l’expression des autres sensibilités musulmanes », a indiqué cette fédération dans un communiqué publié le 15 septembre. Lors des premières élections du CFCM en avril 2003, le réseau de la Grande Mosquée de Paris, soutenu par l’Algérie, n’avait obtenu que 6 sièges sur 41. La FNMF, Fédération nationale des musulmans de France, réputée proche du Maroc, en avait obtenu 16, et l’UOIF, l’Union des organisations islamiques de France, présenté comme proche des Frères Musulmans, 13.
Minoritaire, la Grande Mosquée de Paris dénonce maintenant les règles électorales qui ont donné ce résultat lors de la première élection du CFCM, l’année dernière. Elle souhaite que les règles du jeu changent, particulièrement les critères qui déterminent le nombre de votants. Le nombre de délégués électeurs est en effet proportionnel au nombre de « mètres carrés cultuels » dont dispose chaque organisation dans ses mosquées. Or la Mosquée de Paris est à la tête d’un réseau de salles de prières beaucoup moins important que les autres fédérations. Ce découpage favorise les extrêmes, estime la Grande Mosquée de Paris.
La parole des musulmans non-pratiquants
Comme les autres organisations ne veulent pas de refonte du système électoral, des représentants de la GMP, de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ont annoncé leur démission du Conseil. Même démarche en Rhône-Alpes, où le recteur de la Grande Mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, vient de démissionner du CFCM et de son émanation régionale. En plus, le CFCM « échappe à sa mission d’origine, qui devait se limiter aux affaires cultuelles », a indiqué M. Kabtane dans un communiqué publié pour expliquer sa démission.
Reste que les prochaines élections approchant, le CFCM est paralysé. Alors aussi bien du côté de Dalil Boukakeur que de Dominique de Villepin, le ministre de l’Intérieur et des cultes, on cherche une porte de sortie. Des contacts ont été pris avec des organisations de musulmans laïques. Après la création du CFCM, ces dernières avaient tenté de s’organiser entre elles, sans succès. Une alliance inédite pourrait donc émerger de ce conflit pour tout à la fois sauver la première instance représentative de la religion musulmane en France tout en donnant officiellement la parole aux musulmans non-pratiquants. Si elle finit par aboutir, cette nouvelle combinaison, plus consensuelle, apaiserait probablement les tensions entre les différentes composantes de la société française.
par Colette Thomas
Article publié le 15/10/2004 Dernière mise à jour le 15/10/2004 à 15:22 TU