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France

Crise au Conseil du culte musulman

La rencontre entre Mohamed Bechari et Abassi Madani a provoqué de vives réactions au sein de la communauté musulmane en France. 

		(Photo : AFP)
La rencontre entre Mohamed Bechari et Abassi Madani a provoqué de vives réactions au sein de la communauté musulmane en France.
(Photo : AFP)
La solidarité et l’unanimité manifestées par les représentants de la communauté musulmane française après la prise en otage par l’Armée islamique en Irak des deux journalistes, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, n’a pas fait long feu. Une visite du président de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), Mohamed Bechari, à l’Algérien Abassi Madani, le chef historique du Front islamique du salut (FIS), en exil au Qatar, a semé la discorde entre les différentes composantes du Conseil du culte musulman (CFCM), l’instance représentative de la communauté en France.

Hasard et coïncidence : pour Mohamed Bechari, sa visite à Abassi Madani ne signifie rien d’autre que cela, c’est-à-dire une opportunité saisie de soutenir une initiative en faveur de la libération de Christian Chesnot, Georges Malbrunot et leur chauffeur, enlevés le 20 août en Irak. L’islamiste algérien qui réside au Qatar depuis novembre 2003, a en effet décidé d’engager une grève de la faim «en solidarité» avec les otages français. C’est donc pour cette raison que le président de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), de passage à Doha pour participer à une émission télévisée sur la chaîne Al Jazira, a décidé d’aller voir Abassi Madani qui résidait, a-t-il indiqué, dans le même hôtel que lui.

Quelles qu’aient été les explications données a posteriori sur l’objectif de la rencontre, le fait même que les deux hommes aient eu une entrevue cordiale, comme l’a montré la photo diffusée dans la presse sur laquelle Mohamed Bechari embrasse le front d’Abassi Madani, a provoqué des réactions très vives au sein des membres de la Fédération de la Grande Mosquée de Paris. Dans un communiqué, ces derniers ont fait part de leur «consternation». Selon eux, Mohamed Bechari a «commis sciemment» un «acte politique extérieur à la représentation de l’islam de France». Dalil Boubakeur qui est à la fois recteur de la Mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman (CFCM), a quant à lui, condamné «la démarche irresponsable de Mohamed Bechari».

Une visite interprétée comme une provocation

Les membres de la Grande Mosquée de Paris représentent une branche de la communauté musulmane proche de l’Algérie. Ils sont donc particulièrement opposés à tout contact ou toute marque de rapprochement avec les membres du Front islamique du salut (FIS), dissous en 1992, qui est responsable de nombreuses exactions dans ce pays. La Fédération nationale des musulmans de France que préside Bechari représente, par contre, une composante de la communauté musulmane plus proche du Maroc. Dans ce contexte, sa visite à Abassi Madani a été interprétée comme une provocation. Abdelkader Aoussedj, délégué de la Grande Mosquée pour le Nord-Pas-de-Calais, a même déclaré : «M. Bechari va au Qatar embrasser Madani, l’ennemi juré du peuple algérien pendant douze ans, c’est une provocation ! Comment voulez-vous qu’on travaille autour de la même table ?».

Après le grand élan de solidarité de l’ensemble de la communauté musulmane française avec les journalistes otages en Irak, qui s’était traduit par l’initiative du Conseil français du culte musulman d’envoyer une délégation sur place pour délivrer un message aux ravisseurs en faveur de leur libération, la démarche de Mohamed Bechari a donc fait resurgir les dissensions qui existent au sein du CFCM depuis sa création en 2003. La Grande Mosquée y est, en effet, minoritaire même si Dalil Boubakeur en est le président. Elle ne dispose que de six sièges, alors que la FNMF en a seize et l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) treize.

Dès le départ, les représentants de la Grande Mosquée ont critiqué le mode de sélection des délégués chargés d’élire les représentants des musulmans au CFCM. Et surtout, le critère dit du «mètre carré cultuel» selon lequel le nombre d’électeurs issus des différentes organisations musulmanes est proportionnel à la surface des mosquées qu’elles gèrent. Un mode de sélection à partir duquel la Grande Mosquée, censée représenter «l’islam des familles» plus modéré et moins pratiquant, était perdante d’avance face à deux groupes plus engagés religieusement et politiquement (FNMF et UOIF).

La crise provoquée par la visite de Bechari à Madani a donc ravivé cette polémique et convaincu les membres de la Fédération de la Grande Mosquée de Paris de «renoncer à participer» à l’élection à l’occasion de laquelle le CFCM doit être renouvelé en avril 2005. Du coup, la représentativité de cette instance, déjà jugée aléatoire, risque d’être totalement compromise. La Grande Mosquée a néanmoins laissé «la porte ouverte» en attendant une nouvelle proposition du ministère de l’Intérieur, sous l’égide duquel le CFCM a été mis en place du temps de Nicolas Sarkozy.



par Valérie  Gas

Article publié le 17/09/2004 Dernière mise à jour le 17/09/2004 à 15:37 TU