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Cambodge

Norodom Sihamoni, en grande pompe

La reine Monineath, l'ex-roi Shianouk et le nouveau souverain Sihamoni de retour à Phnom Penh. 

		(Photo : AFP)
La reine Monineath, l'ex-roi Shianouk et le nouveau souverain Sihamoni de retour à Phnom Penh.
(Photo : AFP)
Mercredi matin, à Phnom Penh, de nombreux sujets cambodgiens ont découvert le visage de leur nouveau souverain. Le roi est apparu, le crâne rasé, aux côtés de son père, Norodom Sihanouk, qui l’a finalement imposé pour lui succéder au terme d’un processus d’abdication éclair.

Le choix de Norodom Sihamoni semble recueillir l’adhésion de nombre de Cambodgiens, à commencer par la classe politique qui n’a livré aucune guerre de succession. Outre la légitimité de sa filiation, ce nouveau roi dispose en effet d’une immense qualité de nature à créer le consensus sur sa personnes au sein de l’arène cambodgienne : l’humilité dont il fait preuve à l’égard de la politique et de ses joutes, qui tranche avec les engagements successifs de son père. De son propre aveu, il n’est pas compétent. « Je vais essayé de faire de mon mieux », a-t-il déclaré en substance le 15 octobre dans son message à la nation, après l’annonce de la décision prise par le Conseil du trône de le désigner. Norodom Sihamoni a proclamé sa neutralité et réaffirmé qu’il règnerait sans gouverner, conformément à la constitution du pays. Le nouveau souverain a également indiqué qu’il accomplissait là la volonté de son père, plutôt que la sienne, dans l’intérêt du peuple cambodgien.

Sa formation initiale ne l’avait pas a priori préparé à régner. Célibataire, âgé de 51 ans, de formation artistique, il a passé l’essentiel de sa vie à l’étranger au service de son art, et les 11 dernières années en tant qu’ambassadeur de son pays auprès de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, dont le siège est basé à Paris.

C’est en provenance de Pékin, où il aura donc effectué au cours de ces derniers jours sa première visite officielle en qualité de monarque, que le nouveau roi du Cambodge est arrivé dans son pays, mercredi matin, accompagné de ses parents avec lesquels il a rejoint le palais royal. Première leçon de diplomatie pour l’apprenti : la Chine, avec laquelle son pays a tissé de longue date des liens étroits, fondés à la fois sur les intérêts communs et l’amitié réciproque que la famille royale et les autorités entretiennent, demeure l’incontournable partenaire stratégique du Cambodge. Le père, Norodom Sihanouk, est de santé fragile et se fait soigner depuis de longues années à Pékin pour plusieurs affections graves. Ce dernier entretient aussi des liens privilégiés avec le régime de Pyongyang, où il est régulièrement reçu, témoignant d’une diplomatie régionale singulière dans un environnement international très sévère à l’égard de la Corée du Nord.

Processus d’abdication inédit

Toutefois, après plus de 60 ans de règne ou de participation directe, et active, à la vie politique de son pays, Norodom Sihanouk, bientôt âgé de 82 ans, ne s’éloigne pas. Ultime souvenir de sa turbulente nature, son renoncement vient de provoquer une évolution historique considérable à l’échelle nationale en déclenchant à marche forcée un processus d’abdication inédit, contre l’avis d’un corps politique qui affichait un conservatisme prudent sur ce terrain. Il s’est en effet passé moins de deux semaines entre l’annonce de son retrait et l’avènement du fils qu’il avait choisi pour lui succéder. Cette question de « l’après-Sihanouk » et de la survie de la monarchie cambodgienne, après sa disparition, l’a conduit à brusquer les événements. Son départ tourne une page capitale de l’histoire moderne d’un Cambodge qui a payé un lourd tribut aux violences qui ont accompagné la fin du siècle, génocide compris, et où 40% des 13 millions d’habitants vivent toujours au-dessous du seuil de pauvreté.

Norodom Sihanouk a indiqué son intention de rester au palais royal, dans un premier temps, afin de parfaire l’éducation de son fils dans ses fonctions car le roi « a besoin que nous lui expliquions les affaires nationales et internationales ». « Monseigneur papa » continuera de veiller sur les destins croisés de sa descendance, de la monarchie et du pays. Il a également indiqué qu’il devrait garder un œil critique sur les activités du gouvernement dont la formation récente, après plus d’un an de tergiversations, a été pour lui une épreuve qui a marqué le déclin de son influence. Il a également pour projet de se retirer dans son palais de Siem Reap, près des célèbres temples d’Angkor Wat.

Un accueil en grande pompe avait été réservé mercredi au nouveau souverain et à ses parents, qui n’étaient pas revenu à Phnom Penh depuis le mois de janvier. Norodom Sihamoni a reçu les hommages des dignitaires et il a déclaré le grand honneur qui lui était fait d’être autorisé par les Cambodgiens à succéder à son père. La cérémonie de son couronnement aura lieu le 29 octobre.



par Georges  Abou

Article publié le 20/10/2004 Dernière mise à jour le 20/10/2004 à 15:18 TU