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Cambodge

Sihanouk annonce qu’il abdique

Norodom Sihanouk lors d'une de ses dernières apparitions à Pékin avec le président chinois Hu Jintao . 

		(Photo : AFP)
Norodom Sihanouk lors d'une de ses dernières apparitions à Pékin avec le président chinois Hu Jintao .
(Photo : AFP)
De sa retraite pékinoise, le roi du Cambodge annonce qu’il abdique. Sa lettre ne laisse aucun doute sur ses intentions, mais provoque une certaine perplexité. Ses proches veulent le faire revenir sur sa décision car, en dépit de son grand âge, son retrait n’avait pas été préparé et son départ provoquerait une crise institutionnelle.

Aucune fébrilité particulière, aucune mesure de sécurité inhabituelle n’étaient perceptibles jeudi à Pnom Penh, alors que le Premier ministre respectait scrupuleusement son agenda en s’envolant pour Hanoï, afin d’y participer au sommet Asie-Europe. La crise politique majeure qui pourrait affecter le royaume en cas de confirmation de l’abdication du souverain n’a pas perturbé la vie quotidienne.

Pourtant le départ annoncé de Norodom Sihanouk, qui aura 82 ans à la fin du mois, est un cas de figure inédit dans la vie du pays en raison des imperfections législatives qui entourent le processus d’accession au trône. L’annonce de la nouvelle a suscité un certain scepticisme et plusieurs leaders politiques ont espéré que le roi reviendrait sur sa décision.

L’abdication n’est pas inscrite dans la Constitution

Norodom Sihanouk a envoyé son message de Pékin, où il réside depuis plusieurs mois, aux principaux personnages de l’Etat. La lettre royale était adressée à l’un des plus hauts dignitaires bouddhistes du royaume, au président du Sénat (chef de l’Etat par intérim), au Premier ministre et au président de l’Assemblée nationale (qui ont tous trois le titre honorifique de Samdechs). En tant que détenteurs du pouvoir, le roi leur demande d’autoriser « le Conseil du trône à se réunir pour choisir un nouveau roi parmi (sa) famille, qui convienne et agrée à la Nation et au peuple du Cambodge ». « Ainsi les Samdechs n’ont pas besoin de ma permission pour signer les décrets royaux, parce que Norodom Sihanouk s’est déjà retiré et ne peut donc plus répondre et donner sa permission ou non », conclut le roi.

Or le fonctionnement de ce Conseil du trône, composé de neuf membres (parmi lesquels les Samdechs), et dont la mission est de désigner le successeur du roi, n’a été prévu par aucune loi et, en l’état, l’abdication n’est pas inscrite dans la Constitution.

Des dizaines de prétendants possibles

Le règlement de cette question pourrait être à l’origine de l’annonce de Norodom Sihanouk. Le roi est un vieil homme très malade et préoccupé par sa succession et le maintien de la monarchie dans son pays. Or, au Cambodge, la charge n’est pas héréditaire. La constitution de 1993 stipule que le roi du Cambodge, « qui règne mais ne gouverne pas », est un homme ou une femme, « membre de la famille royale, d’au moins 30 ans, descendant des rois Ang Duong, Norodom et Sisowath ». Ce qui rend en théorie possible l’accession au trône de dizaines de prétendants.

Avec un tel mode de désignation, sur un échantillon aussi large, la transmission du pouvoir royal n’est évidemment plus une simple affaire de famille. Les réseaux d’influence et les spéculations vont bon train pour tenter d’imposer leur favori. On prête à Norodom Sihanouk la volonté de favoriser le prince Norodom Sihamoni, ancien ambassadeur de son pays à l’Unesco, alors que le puissant Premier ministre Hun Sen, personnage-clé dans ce blocage institutionnel, favoriserait plutôt le prince Norodom Ranariddh (président de l’Assemblée nationale).

« Les accès ‘abdicationnistes’ du roi »

L’autre explication est politique. Le pays est plongé dans une instabilité chronique et n’a pu accoucher d’un exécutif que l’été dernier, soit un an après la tenue des élections législatives. Le roi s’était très impliqué, des mois durant, pour tenter de former un gouvernement d’union nationale tripartite, comprenant notamment l’actuel chef de l’opposition parlementaire, Sam Rainsy, dont le parti détient 24 sièges sur 123. Après l’échec de la tentative, ce dernier a tenu, ces derniers jours, des propos particulièrement agressifs à l’égard du roi du Cambodge et de son épouse, les invitant notamment à surseoir à leur retour de Pékin car des « sphères influentes projettent d’organiser des manifestations violentes (au moins verbalement) contre leurs Majestés et d’en rejeter la responsabilité sur le Parti Sam Rainsy, que l’on s’empressera de réprimander ».

« La lettre de Sam Rainsy a (…) poussé mon père à abdiquer, pour plonger la Nation dans le chaos, et provoquer des troubles politiques », a déclaré, ému, le prince Ranariddh en faisant part de la lettre de son père. Le président de l’Assemblée nationale a toutefois indiqué qu’il espérait que son père reviendrait sur sa décision et a annoncé la réunion du Conseil du trône pour tenter de le convaincre de renoncer à abdiquer. Car, en effet, si l’annonce royal a pris tout le monde de court, tout au long de sa très longue carrière politique, Norodom Sihanouk a maintes fois montré qu’il savait revenir sur ses décisions. Interrogé par l’AFP, un diplomate exprimait son scepticisme, « vu les précédents accès ‘abdicationnistes’ du roi ».



par Georges  Abou

Article publié le 07/10/2004 Dernière mise à jour le 07/10/2004 à 15:25 TU