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Cambodge

Le principal leader syndical abattu dans la rue

Le plus populaire des leaders syndicaux cambodgiens a été abattu jeudi à Phnom Penh. Chea Vichea, qui présidait le Syndicat des ouvriers du royaume du Cambodge, militait également dans les rangs de l’opposition aux côtés du PSR, le Parti de Sam Rainsy, dont trois membres ont été assassinés ces dernières semaines. Sa mort intervient alors que le pays est englué dans une grave crise politique qui le prive de gouvernement depuis six mois, date des dernières législatives. La formation politique du Premier ministre Hun Sen, qui avait remporté ces élections, ne parvient en effet toujours pas à s’entendre avec l’opposition sur la formation d’un gouvernement de coalition.
Chea Vichea lisait un journal qu’il venait d’acheter dans un kiosque du centre ville de Phnom Penh lorsqu’il a été abattu. La vendeuse, témoin du meurtre, a expliqué avoir vu deux hommes s’approcher à moto de son étal. L’un d’eux a ensuite marché vers le leader syndical avant de tirer trois balles dans sa direction et de s’enfuir avec son complice. Selon la police qui s’est rendue immédiatement sur les lieux, Chea Vichea est mort sur le coup. «Nous allons prendre cette enquête très au sérieux mais nous ne pouvons pas formuler de conclusions hâtives sur les responsables» de cette attaque, a également souligné le chef de la police criminelle de Phnom Penh.

Le Syndicat des ouvriers du royaume de Cambodge que présidait Chea Vichea est l’une des organisations syndicales les plus puissantes du pays. Forte de quelque 30 000 membres, elle s’est attachée ces dernières années à améliorer les conditions de travail dans l’industrie du textile, l’un des secteurs les plus porteurs de l’économie cambodgienne qui pour la seule année 2002 a apporté 1,3 milliards de dollars au pays. Chea Vichea avait notamment été à l’origine de nombreuses manifestations qui ont souvent donné lieu à des heurts violents avec les forces de l’ordre. Le leader syndical, qui était la bête noire autant des industriels que du gouvernement, avait reçu de nombreuses menaces de mort. Selon ces proches, il aurait ces derniers temps pris l’habitude de ne pas dormir deux fois dans le même endroit.

Crise politique

L’opposant Sam Rainsy, président du PSR dont Chea Vichea était un membre actif jusqu’en 1998 avant de se consacrer à ses activités syndicales, s’est déclaré «choqué» par ce meurtre. «Chea Vichea a fait beaucoup de choses qui n’ont pas plu aux dirigeants de ce pays, mais je ne peux pas dire si son assassinat a une motivation politique», a-t-il expliqué. Il a en revanche rappelé que trois membres de l’opposition avaient été exécutés durant le seul mois de janvier. Plusieurs observateurs relèvent toutefois que la mort du syndicaliste semble plus liée à ses activités politiques au sein de l’opposition –il a ces derniers mois conduit de nombreuses manifestations anti-gouvernementales– qu’à la cause des ouvriers qu’il défend depuis des années.

La mort de Chea Vichea intervient dans un contexte de grave crise politique au Cambodge. Le pays n’a en effet toujours pas de gouvernement plus de six mois après les élections législatives. Le parti du Premier ministre Hun Sen, qui est arrivé en tête du scrutin de juillet dernier sans toutefois remporter les deux tiers des sièges lui permettant de se passer de l’opposition, n’est pas encore parvenu à s’entendre avec le PSR de Sam Rainsy et le parti royaliste Funcinpec dirigé par le prince Norodom Ranariddh pour la formation d’un gouvernement de coalition. Manœuvres politiques et marchandages stériles accaparent donc depuis des mois le débat politique.

Isolés, les deux principaux partis d’opposition, qui se sont réunis au sein d’une Alliance des démocrates, ont récemment accusé le parti du Premier ministre de mener «une campagne de terreur» contre leurs militants. Ils ont estimé aujourd’hui que le meurtre de Chea Vichea ne pouvait que peser sur les tentatives de reprises des négociations avec l’actuel pouvoir.

La mort du syndicaliste risque surtout d’avoir des répercussions au sein de l’industrie textile qui emploie quelque 210 000 ouvriers, dont les activités représentent 36% de l’économie du pays, et qui constitue sa principale source de devises. Elle ne devrait en effet pas faciliter la tâche du gouvernement à qui l’Organisation internationale du travail a imposé d’améliorer les conditions de travail très contestées dans ce secteur.

A écouter également :

Sam Rainsy, leader du principal parti d'opposition dont Chea Vichea était proche.
Propos recueillis par la rédaction cambodgienne de RFI, 23/01/2004, 1'06")



par Mounia  Daoudi

Article publié le 22/01/2004