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Nucléaire

EPR: la France relance la filière

C'est sur le site de Flamanville où une première tranche est déjà installée que sera construit le premier nouveau réacteur nucléaire EPR.
 

		(Photo : AFP)
C'est sur le site de Flamanville où une première tranche est déjà installée que sera construit le premier nouveau réacteur nucléaire EPR.
(Photo : AFP)
Jeudi, le conseil d’administration d’EDF a annoncé la construction d’un réacteur atomique dit « de nouvelle génération », de type EPR, dans le département côtier de la Manche. Cette décision conforte la volonté de poursuivre l’engagement de la France dans la filière électronucléaire, à la fois pour assurer son indépendance énergétique et pour afficher la vitrine de son savoir-faire à l’étranger.

Le contexte ne pouvait être plus propice pour une activité aussi sensible : en pleine flambée des cours pétroliers l’électricien national Electricité de France (EDF) a annoncé jeudi la construction à Flamanville, dans le département de la Manche, du premier nouveau réacteur nucléaire qui, peu à peu, renouvellera le parc des 58 unités vieillissantes des 19 centrales françaises. Le 59ème réacteur nucléaire français sera de conception franco-allemande, construit par les opérateurs français Areva et allemand Siemens, alors que Berlin s’est engagé vers l’abandon progressif de la production d’électricité nucléaire.

A l’origine, il y a la nécessité de continuer à produire une électricité de qualité industrielle, c’est à dire de nature à alimenter les besoins d’un appareil industriel gourmand, tout en assurant l’indépendance énergétique nationale. Avec l’engagement dans la production électronucléaire dés le premier choc pétrolier de 1973, la France s’est taillée la réputation d’être aujourd’hui l’un des leaders mondiaux de l’activité. Le second défi est de le rester afin de continuer à figurer en bonne place parmi les fournisseurs internationaux de technologie atomique civile, dans un secteur où la demande est soutenue, alors que la Chine envisage de construire plusieurs dizaines de centrales d’ici vingt ans, et que le remplacement de la centaine de réacteurs du parc américain, vieillissant lui aussi, est à l’ordre du jour. Dans un entretien au quotidien Ouest-France, le patron d’EDF affiche les ambitions commerciales de l’entreprise : « après dix ans sans construction de centrale, il était temps de s’y remettre pour garder la main et être prêts pour les réacteurs de nouvelle génération ».

Les élus locaux et les syndicats satisfaits

La nouveauté, c’est donc l’EPR, pour European Pressurised water Reactor, ou réacteur européen à eau pressurisée. C’est un réacteur dit de « troisième génération », dont une unité est en exploitation en Finlande. Par rapport à la « deuxième génération », qui équipe actuellement l’essentiel des usines, sa conception n’est pas révolutionnaire, mais « évolutionnaire », selon le constructeur Framatome ANP, filiale d’Areva (66%) et Siemens (34%). Seules des modifications à la marge, sur l’amélioration du confinement et de la sécurité, sur une utilisation plus complète du combustible, et une moindre production de déchets justifient l’élévation à la « troisième génération ». La « quatrième génération » marquera l’entrée dans le cycle de la fusion nucléaire, aujourd’hui au stade expérimental.

A Flamanville, où est déjà installée une usine atomique, les élus locaux et les syndicats sont satisfaits. Pour les premiers, dans un contexte économique déprimé, la construction du nouveau réacteur va apporter à leur région des emplois et des impôts professionnels dans un secteur réputé généreux. Pour attirer l’électricien, confronté à d’autres choix, les élus ont consenti à lui faire un prix. La taxe professionnelle d’EDF sera exonérée de 100% la première année, 80% la deuxième, 60% la troisième, 40% la quatrième et 20% la cinquième ; soit 55 millions d’euros sur cinq ans. Pour leur part les syndicats annoncent leur satisfaction : la construction du site mobilisera jusqu’à 2 500 personnes et l’exploitation, au début de la prochaine décennie, fournira du travail à plusieurs centaines de personnes.

Les responsables politiques des sites écartés (Penly en Haute-Normandie et Tricastin dans la région Rhône-Alpes) font grise mine. Mais outre les aspects strictement commerciaux de la prise de décision, la direction d’EDF a dû prendre en compte d’autres paramètres, de nature plus stratégiques. Avec 14 centrales installées en vallée du Rhône, la région est saturée d’usines atomiques. L’activité présente désormais un fort risque de réchauffement des eaux du fleuve et une menace environnementale significative. La candidature de Penly en revanche, malgré ses qualités, n’a pas été retenue en raison des avantages réunis à Flamanville : l’adhésion locale, qui fait souvent défaut dans ce type de dossier, une activité intégrée, proche d’autres sites de production nucléaire, et la proximité de la clientèle (bretonne et nord-européenne).

Décision « injustifiée » et « antidémocratique »

Tous ces arguments laissent les écologistes de marbre. Le réseau Sortir du nucléaire publie un « dossier noir du réacteur nucléaire EPR » qui rassemble les principales « tares rédhibitoires » du projet qualifié notamment de dangereux, en raison des risques d’explosion accidentelle, et de vulnérable au terrorisme. Le réseau indique que la France est en surcapacité de production d’électricité et il appelle à l’annulation d’une décision « injustifiée » et « antidémocratique », selon lui.

Les écologistes ne forment pas l’unique bataillon d’opposants au projet. Des voix s’élèvent pour dénoncer l’abandon des politiques d’économie d’énergie et l’absence de moyens investis dans la recherche alternative. Par ailleurs, la technologie EPR n’offre pas d’avancées substantielles et sa technologie ne résistera peut-être pas aux dix prochaines années de recherche scientifique. C’est donc un pari d’autant plus coûteux qu’il est hasardeux sur le long terme, tant sur le plan commercial qu’au niveau industriel et environnemental.



par Georges  Abou

Article publié le 22/10/2004 Dernière mise à jour le 22/10/2004 à 16:13 TU