Chine
Affrontements entre la minorité hui et la majorité han
(Photo: AFP)
Du 23 au 31 octobre dernier des milliers de personnes, 10 000 selon des sources locales, se seraient affrontés dans plusieurs villages dans la province du Henan. Plusieurs milliers de Hans ont encerclé le village hui de Nanren, plusieurs maisons ont été incendiées et une briqueterie détruite, a précisé à l’AFP l'imam de ce village. Le bilan donné par le quotidien hongkongais, South China Morning Post, faisait état dans son édition de mardi de 7 morts et 40 blessés alors que le New York Times, premier média à rapporter l’information, évoquait 148 morts et des centaines de blessés. Armés de bâtons et d’outils agricoles, les affrontements entre les deux communautés auraient été d’une extrême violence. Pékin a de suite ordonné le déploiement de plusieurs milliers de policiers armés afin de rétablir l’ordre dans la province. Tous les policiers de la province du Henan ont été mobilisés et patrouillent dans les villages. Ils ont ordre de ne laisser entrer et sortir personne de ces villages.
Les Huis, descendants des commerçants arabes et persans arrivés en Chine par la Route de la Soie, sont aujourd'hui au nombre de dix millions et ne se distinguent des Han que par leur religion, étant eux aussi de langue chinoise. Répartis dans le centre et l’ouest de la Chine, ils sont considérés comme une population bien intégrée voir assimilée. Les Hui n’ont pas de revendications séparatistes comme c’est le cas de la communauté Ouighour. Ces affrontements semblent donc plus proches de conflits locaux que de conflits confessionnels même si ce type de violences entre Han et Hui a déjà eu lieu en Chine. En 2000, à la frontière du Henan et du Shandong des émeutes avaient éclaté suite à l’inscription à l’entrée d’une boucherie sur lequel était inscrit «ici vend porc musulman». En revanche, et comme le soulignait à l’AFP un villageois de la région, ces heurts sont «fréquents» mais ceux-là sont les «pires» jamais rapportés en Chine.
Selon un article publié sur le site d’informations taiwanais Fan Shu Teng, ces violences pourraient être liées aux inégalités face au travail dont souffrent beaucoup d’ouvriers hui. Ces derniers «percevraient leurs salaires une fois les Hans payés et s’il reste de l’argent dans les caisses des patrons». Toujours selon ce site taiwanais, « jamais le gouvernement chinois n’a pris en compte la pauvreté dont souffrent les musulmans hui mettant en avant la coexistence pacifique entre les deux communautés».
Black out et confirmation de Pékin
Dès lundi, la presse locale a été contrainte par le gouvernement central de Pékin de ne pas rapporter les faits ni d’évoquer les incidents aux journalistes étrangers. Mardi, Pékin a reconnu l’existence de violences dans le Henan sans jamais prononcer le mot Hui ou Han comme si la confrontation entre les deux communautés n’était pas à relever. C’est du moins ce que l’on peut en déduire à la lecture des journaux et de l’agence Chine Nouvelle. Alors pourquoi ce silence radio ? La raison réside probablement dans la peur de voir ces violences contaminer d’autres régions ou cohabitent musulmans hui et majorité han (92% de la population chinoise). Il est vrai que l’information sur ces évènements s’est rapidement propagée en dehors de la province du Henan ou des Huis d’autres régions ont tenté de rejoindre Zhengzhou la capitale du Henan avant d’être stoppés par la police à leur descente du train.
Pourtant, le gouvernement ne pourra contenir longtemps les campagnes comme le fait remarquer Eric Sautedé, observateur des évolutions de la société chinoise et rédacteur en chef de la revue China Cross Currents à l’institut Ricci de Macao: «Même si la presse tait initialement les faits, les nouveaux moyens de communication, du SMS à l’e-mail en passant par les chat room, permettent à des mouvements relativement limités, par leurs objectifs et leur situation géographique, de faire tâche d’huile et d’avoir une résonance aux quatre coins de la Chine (immédiate, mais également après avoir fait le détour par l’international)». C’est en substance ce que le régime chinois veut éviter. Mercredi matin, les sites de discussions intranet de l’université de Pékin ont ainsi été vidés de tous les messages contenant des commentaires sur les affrontements du Henan.
Les campagnes s’emballent
Province la plus peuplée de Chine avec 100 millions d’habitants, le Henan est touchée par une série de problèmes comme le scandale du sida, l’explosion d’une mine d’Etat (qui a fait 142 morts), des eaux parmi les plus polluées de Chine, et des affrontements entre communautés, qui en disent long sur la situation des campagnes chinoises. La semaine dernière, dans une province de l’ouest chinois, 20 000 paysans ont défié la police, victimes des grands travaux entrepris par le gouvernement. Cette fois-ci il s’agissait de la construction du barrage hydroélectrique de Pubugou dans la province du Sichuan. Lorsque l’ouvrage sera réalisé, le gouvernement de la province aura déplacé plus de 100 000 personnes soit près de 40 villages. Selon les futurs expropriés le montant des compensations est largement insuffisant et ne leur permettra pas de subvenir à leurs besoins. La manifestation a donc vite tourné en affrontement avec les forces de police chinoises qui n’ont pas hésité à frapper violemment les manifestants. Selon la population un homme aurait trouvé la mort et des dizaines d’autres seraient gravement blessés. Ces violences viennent donc s’ajouter aux violences intercommunautaires de la province du Henan et toutes celles non rapportées par les médias officiels qui pratiquement chaque semaine se développent dans les campagnes chinoises.par Michaël Sztanke
Article publié le 03/11/2004 Dernière mise à jour le 03/11/2004 à 09:02 TU