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Côte d'Ivoire

Les étrangers partent

L'évacuation des étrangers d'Abidjan se fait par tous les moyens. 

		(Photo : AFP)
L'évacuation des étrangers d'Abidjan se fait par tous les moyens.
(Photo : AFP)
Les Français, les Européens et les étrangers partent en masse de la Côte d’Ivoire par des vols spéciaux affrétés par leur pays. Au moment où ces hommes et ces femmes sont contraints d’abandonner leurs biens et leurs activités personne n’imagine encore quelle sera l’étendue des difficultés économiques qui ce mouvement pourrait entraîner. Mais avant toutes les considérations économiques se d’abord les drames humains qui sont révélés par les victimes et les équipes chargées de l’évacuation des étrangers de Côte d’Ivoire.

Si il n'y a pas eu de mort parmi eux, Français et Européens en général ont néanmoins subi de nombreuses exactions de la part des « patriotes », supporters du président Laurent Gbagbo. De sources militaires françaises et des représentants d’associations d’expatriés français en Côte d’Ivoire plusieurs cas de viols sur des femmes blanches auraient été constatés. Ces révélations ont suscité une réaction du président de la République française, Jacques Chirac qui a parlé de comportements inadmissibles et a assuré que l’Etat français mettait tout en œuvre « pour assurer la protection et la sécurité des Français encore présents en Côte d’Ivoire ».  

C’est par centaines que les étrangers quittent la Côte d’Ivoire. Allemands, Belges, Anglais, Espagnols, Italiens, Russes ont préféré quitter le sol ivoirien parce qu’ils sentaient leur vie en danger. Selon le ministère français des Affaires étrangères, près de 3 000 Français auraient déjà été accueillis à Paris. Nombreux sont ceux qui ont choisi d’aller à Lomé, Cotonou, Dakar et Accra, peut-être avec la ferme intention de retourner en Côte d’Ivoire, quand la tension aurait chuté. Les autres nationalités africaines craignent maintenant de subir la furie des hordes de jeunes, poussés à la haine et qui trouvent en tout étranger « un ennemi potentiel de la Côte d’Ivoire ». Plus de 250 Marocains ont rejoint leur pays ce 12 novembre. Les plus visés sont les Burkinabé, les Maliens et les Guinéens.   

Les Français sont au nombre de 16 000 dont environ 8 000 bi-nationaux. Depuis la crise du cacao des années 80, les chiffres sont en nette régression. Le premier président de Côte d’Ivoire, Félix Houphouët Boigny avait développé avec la France une politique de coopération assez particulière. Des chiffres non officiels faisaient état de la présence de 300 000 Français présents en Côte d’Ivoire dont la moitié au titre de la coopération entre les deux pays. Ces coopérants intervenaient dans tous les secteurs d’activité. Mais la crise du cacao a poussé le président Houphouët Boigny à reconsidérer les termes de cette coopération avec la France qui l’obligeaient à rémunérer « les coopérants aussi appelés assistants techniques ». A la fin des années 80, il n’y avait plus 80 000 Français en Côte d’Ivoire. Selon le ministère français des Affaires étrangères, les coopérants civils qui étaient au nombre de 4 000 pendant cette période n’étaient plus 88 en 2002 et 18 en fin 2003.

Les activités économiques en prendront un coup

La Côte d’Ivoire est le premier partenaire commercial de la France. Le capital social des entreprises ivoiriennes est détenu à plus de 27% par des entreprises françaises qui comptent 240 filiales et plus de 600 sociétés appartenant à des hommes d’affaires français. Ces entreprises réalisent 68% des investissements directs étrangers en Côte d’Ivoire. La présence des ces petites et moyennes entreprises maintiennent une économie locale florissante et qui emploie des milliers de salariés autochtones. Par ailleurs, les grands groupes, France Télécom, Alcatel, Bouygues et Bolloré ont un personnel expatrié important, surtout parmi les cadres, mais recrutent essentiellement en main d’œuvre locale. Par exemple, France Télécom emploie une vingtaine de Français et environ 2 000 Ivoiriens. Elle détient 45,9% du capital de Côte d’Ivoire Télécom et 84% de la téléphonie mobile (Orange). Le groupe Bolloré spécialisé dans le transport maritime compte 8 000 employés dont une centaine d’expatriés. Malgré les rapatriements massifs des expatriés, les grands groupes commerciaux n’ont pas suspendu leurs activités.

L’arrêt momentané des activités frappe plutôt les petites et moyennes entreprises dans les secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de l’énergie, de la pharmacie, des technologies de l’information, de la banque, des assurances et de l’hôtellerie. Ces entreprises sont toutes adhérentes de la Chambre de commerce et de l’industrie française en Côte d’Ivoire.

Participent également à la vie économique de la Côte d’Ivoire, le Syro-Libanais dont les chiffres ne sont bien pas connus. Présents en Côte d’ivoire depuis plusieurs générations certains sont devenus Ivoiriens et d’autres Franco-Ivoiriens ;  Ils sont environ 100 000. A la fin des années 90 la Côte d’Ivoire avait une population d’un peu plus de 15 millions d’habitants dont un tiers d’immigrés. Dans l’agriculture (plantations d’ananas, de café et de cacao) on retrouve des Guinéens (7,4%), des Maliens et Burkinabés (51%), des Ghanéens (5,5%). Tous ces étrangers montrés du doigt, qui font les frais des querelles politiques et difficultés économiques de la Côte d’Ivoire craignent à nouveau le bouc émissaire des nationalistes.   



par Didier  Samson

Article publié le 12/11/2004 Dernière mise à jour le 12/11/2004 à 17:04 TU