Cachemire
Petits pas accomplis
(Photo : AFP)
En raison de l’amélioration de la sécurité, le Premier ministre indien a « donné des instructions pour la réduction des troupes déployées dans l’Etat du Jammu-et-Cachemire », annonçait jeudi le communiqué du gouvernement. Selon New Delhi, « au cours des derniers mois, l’armée indienne et les autres forces de sécurité déployées (au) Cachemire ont réussi à obtenir une amélioration de la situation en terme de sécurité dans l’Etat », pour lequel l’Inde et le Pakistan se sont livrés deux guerres depuis les indépendances de 1947.
D’un point de vue strictement militaire, New Delhi ne prend pas de gros risques. L’entrée dans l’hiver, dans cette région himalayenne où le champ de bataille est à 5 000 mètres d’altitude et le thermomètre descend facilement à – 40°, n’est pas propice aux offensives. D’autre part, les deux pays ont aujourd’hui largement franchi le seuil du club des puissances nucléaires. Le prix de l’aventure militaire conventionnelle est à mesurer à l’aune de cette nouvelle donne de l’équilibre de la terreur. Et si le spectre d’une nouvelle guerre indo-pakistanaise n’est pas totalement écarté, leur statut de grande puissance atomique leur impose donc de reconsidérer leurs relations en y introduisant notamment le paramètre « détente ».
Le contexte diplomatique global est favorable. Cette région d’Asie méridionale est un lieu de toute première importance stratégique, notamment depuis le 11 septembre 2001 et l’entrée en guerre contre le terrorisme. La communauté internationale, extincteur en main, veille à ne pas laisser les deux super-puissances régionales face à leurs démons nationalistes respectifs et s’empresse à chaque alerte. Les diplomaties européenne et américaine demeurent très actives dans la région.
(Carte : RFI)
L’Union européenne et l’Inde sont convenues lundi à La Haye d’un partenariat stratégique tandis que New Delhi félicite chaleureusement Washington pour la réélection de son président et cantonne ses critiques sur la guerre en Irak au minimum pour ne pas compromettre le partenariat militaire prometteur que les deux pays sont en train d’installer. En septembre, l’administration américaine a même levé les contrôles à l’exportation d’équipements destinés aux installations atomiques indiennes, imposés après les essais nucléaires de 1998.
Le Pakistan n’est pas délaissé car il reste un élément central du dispositif régional de Washington, en particulier dans son intervention chez le voisin afghan. Le secrétaire d’Etat adjoint américain Richard Armitage vient, au lendemain de la réélection de George W. Bush à la présidence des Etats-Unis, d’y effectuer une visite. « Le gouvernement américain compte non seulement assurer la continuité de sa politique à l’égard du Pakistan, mais s’efforcera de renforcer les relations Etats-Unis-Pakistan dans les domaines économique et commerciaux », a déclaré M. Armitage.
« La lumière au bout du tunnel »
Quant à l’embellie des relations bilatérales indo-pakistanaises, elle se confirme de mois en mois. Après avoir traversé une grave période d’incertitude sur une nouvelle entrée en guerre, fin 2001 début 2002, après avoir déployé des centaines de milliers d’hommes de part et d’autre de la frontière, subi les pressions de nombreuses chancelleries effrayées à la perspective de l’ouverture d’un conflit majeur, après un laborieux mais fructueux processus de rapprochement, en 2003, les relations sont aujourd’hui presque conciliantes.
Les deux pays ont décidé d’entamer un « dialogue global » au mois de janvier 2004 sur la question du Cachemire, s’engageant à négocier un règlement pacifique du conflit. Ces derniers mois ont ainsi été laborieusement ponctués de nombreux petits pas témoignant de la volonté de dialogue. En septembre, en marge de l’assemblée générale de l’ONU, le Premier ministre indien Manmohan Singh et le président pakistanais Pervez Musharraf ont annoncé leur décision d’examiner « les options possibles pour un règlement pacifique négocié » du conflit. « Pour la première fois nous voyons de la lumière au bout du tunnel », avait déclaré M. Musharraf. Fin octobre, ce dernier décidait de lancer un débat national en proposant trois options pour sortir de l’impasse : l’indépendance de la province, le contrôle conjoint ou la démilitarisation de la région.
Il n’avait reçu de New Delhi qu’une réponse distante et bureaucratique lui demandant de formuler ses propositions par le canal diplomatique habituel. « Nous ne pensons pas que le Jammu-et-Cachemire soit un sujet dont on puisse discuter par le biais des médias », avait alors déclaré le porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères.
Dans ce dialogue serré et tendu, dans lequel chaque partie doit également mesurer l’impact sur son opinion publique interne, l’annonce de la réduction des troupes indiennes au Cachemire cet hiver doit certainement être entendue comme une forme de réponse aux derniers signaux en provenance d’Islamabad. « Nous nous réjouissons de la décision du gouvernement indien (…). C’est un pas dans la bonne direction », a immédiatement réagi le chef de la diplomatie pakistanaise. Cette annonce survient dix jours avant la visite attendue du Premier ministre pakistanais à New Delhi et deux semaines avant le début d’une deuxième série de pourparlers bilatéraux.
Vingt-cinq personnes ont été tuées, la semaine dernière, victimes de la violence politique au Cachemire où le Premier ministre indien est attendu la semaine prochaine. Manmohan Singh a proposé aux séparatistes cachemiri de reprendre avec eux un dialogue suspendu depuis près de huit mois. La réduction de l’effectif militaire indien constituait l’une de leurs principales revendications.
par Georges Abou
Article publié le 12/11/2004 Dernière mise à jour le 12/11/2004 à 17:12 TU