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Inde

Des séparatistes du Cachemire reçus à New Delhi

Le soudain dégel des relations indo-pakistanaises, amorcé au début du mois de janvier avec notamment la visite à Islamabad du Premier ministre indien, semble avoir eu des répercussions positives sur l’épineux dossier du Cachemire que les deux puissances nucléaires se disputent depuis cinquante-sept ans. Pour la première fois depuis l’indépendance, des séparatistes du Cachemire, cette province qui bien qu’à majorité musulmane n’a pas été rattachée au Pakistan au moment de la partition de l’empire des Indes en 1947, ont en effet été reçus par le chef du gouvernement indien, le très nationaliste Atal Behari Vajpayee, et son ministre de l’Intérieur, le non moins radical Lal Krishna Advani. Mais bien qu’historiques, ces rencontres ne signifient pas pour autant que ce conflit vieux de plus d’un demi-siècle est en passe de trouver une solution. La frange radicale de la rébellion cachemirie a en effet appelé à poursuivre le jihad contre ce qu’elle considère être les forces d’occupation indiennes.
Décriées par les extrémistes cachemiris avant même leur tenue, les rencontres de New Delhi, qui ont réuni jeudi et vendredi une délégation de cinq séparatistes modérés et de hauts responsables indiens, ont pourtant apporté une lueur d’espoir dans ce conflit sanglant qui depuis 1989 –début de l’insurrection séparatiste musulmane au Cachemire indien– a fait quelque 60 000 morts, en majorité des civils. Une déclaration conjointe a en effet été publiée à l’issue des deux heures et demies d’entretiens à huis clos avec le ministre indien de l’Intérieur dans laquelle les deux belligérants ont reconnu la nécessité de mettre fin aux violences qui frappent depuis quinze ans la région. «Les deux parties sont tombées d’accord pour dire que la seule manière d’avancer est de garantir l’arrêt de toute forme de violence à tous les niveaux», indique ainsi le texte. Le ministre indien et les chefs séparatistes ont en outre estimé que leur réunion constituait «le premier pas significatif dans le processus de dialogue entamé par le gouvernement de l’Inde et qu’une approche par étape conduira à une solution à tous les problèmes importants relatifs au Jammu et Cachemire –territoire sous administration indienne–».

New Delhi a par ailleurs accepté d’examiner au cas par cas les demandes de libération des prisonniers politiques cachemiris qu’il détient, répondant ainsi à l’une des principales demandes des séparatistes modérés. Les autorités indiennes ont toutefois indiqué que ne seraient pas concernées les personnes accusées de «crimes de sang». Ce geste de New Delhi est d’autant plus significatif que le ministre de l’Intérieur indien, considéré comme un faucon sur la question du Cachemire, avait averti peu avant la rencontre que le processus serait long. «Les choses n’arrivent pas juste en claquant des doigts, nous devons travailler dur», avait-il insisté. De son côté, la délégation cachemirie a laissé entendre que les pourparlers pourraient très vite déboucher sur un cessez-le-feu. Les deux parties se sont en outre mises d’accord pour reprendre leur négociation à la fin du mois de mars, quelques semaines après la reprise des pourparlers prévue à la mi-février entre les deux frères ennemis que sont l’Inde et le Pakistan.

Les radicaux déterminés à poursuivre le jihad

«Amicales, libres, franches et fructueuses», les qualificatifs n’ont pas manqué pour décrire les rencontres de ces dernières quarante-huit heures dont le point d’orgue a sans conteste été l’audience accordée par le Premier ministre Atal Behari Vajpayee à la délégation cachemirie. Mais si cette délégation était certes composée de représentants de la Hurryat, la principale alliance des séparatistes musulmans du Cachemire, elle est loin d’avoir eu l’aval de toutes les composantes du mouvement sécessionniste. Hétéroclite à la base, cette alliance de groupes aussi bien politiques, qu’économiques et financiers, s’est en effet quasiment scindée en deux en septembre dernier. Une faction modérée est désormais dirigée par son président en titre, Abbas Ansari, celui-là même qui a conduit la délégation à New Delhi.

L’autre aile, plus radicale, a pour sa part choisi de rejeter toute initiative tendant à un rapprochement avec New Delhi. Son dirigeant, Ali Geelani, un fondamentaliste pro-pakistanais, a ainsi estimé que les rencontres de New Delhi étaient «un échec total». «Rien n’est sorti de ces discussions», a-t-il dénoncé défendant avec véhémence le droit à une résistance armée contre «l’occupation indienne». Selon lui, il est plus qu’improbable que les militants cessent leur lutte tant que l’Inde n’aura pas accepté les revendications d’indépendance ou de rattachement au Pakistan.

Sans compter que la Hurryat, qui ne regroupe qu’une vingtaine de groupes séparatistes, n’est pas la seule représentante de la rébellion cachemirie. Des organisation résolument violentes comme le Hizbul Mujhadideen ou le Lashkar-e-Toyebat sont également en guerre ouverte contre les autorités indiennes et n’ont visiblement pas l’intention de rendre les armes avant d’avoir eu gain de cause. Elles ont en outre vu ces dernières années leurs rangs grossir avec l’arrivée, au nom de la guerre sainte de libération du Cachemire, des islamistes étrangers. A en croire les autorités militaires indiennes, quelque 125 000 combattants seraient actuellement engagés dans ce conflit. Un chiffre évalué par les séparatistes à un demi-million.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 23/01/2004