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Inde

La «reine des bandits» assassinée

Phoolan Devi, surnommée la reine des bandits, a été assassinée à l'âge de 38 ans, mercredi 25 juillet à New Delhi. Meurtrière et défenseur des opprimés, elle était passée de la prison au Parlement. Sa mort met fin à un véritable mythe.
Alors qu'elle rentrait dans sa résidence vers 13h30 mercredi 25 juillet, Phoolan Devi est morte de cinq balles dans le corps, assassinée par trois assaillants qui l'attendaient dans une voiture. Son garde du corps, qui ouvrait la barrière, est à l'heure actuelle grièvement blessé. La police n'a aucune idée de l'identité des assaillants ni du motif de son assassinat. Phoolan Devi avait déjà reçu plusieurs menaces de mort. Elle s'était cependant vu refuser un permis de port d'arme en raison de son passé de reine des bandits.

Loin de ressembler à un conte de fée, la vie de Phoolan Devi s'apparente, par certains aspects, à différents mythes. Phoolan Devi, dont le nom signifiait «Déesse des Fleurs», représentait une véritable légende en Inde et à l'étranger. Née Cendrillon et devenue «reine des bandits», elle avait finit par se reconvertir en une sorte de Robin des bois. Née d'une famille de très basse caste, elle incarnait avant tout, pour nombre d'hindous indiens issus des castes inférieures, l'héroïne de la lutte contre les inégalités sociales.

Mariée à onze ans par ses parents à un homme de trois fois son âge, la jeune insoumise s'enfuit. Sur sa route, elle est enlevée par une bande de hors-la-loi, avec qui elle vit plusieurs années. Quelques années plus tard, une bande rivale assassine son amant. Conduite de force dans le village de Behmai, victime de mauvais traitements, elle est violée à plusieurs reprises par plusieurs habitants.

Soupçons de conspiration

En 1981, elle forme sa propre bande et se venge en tuant 22 villageois de Behmai, appartenant à une haute caste de propriétaires terriens, dans l'Etat d'Uttar Pradesh dans le centre de l'Inde. Elle prend le maquis et finit par se rendre à la police en 1983. Elle est libérée onze ans plus tard, sans même avoir été jugée pour certains des crimes que la justice lui soupçonnait d'avoir commis.

Quelques mois après sa sortie de prison, Phoolan Devi se veut le héraut des castes défavorisées. Elle se marie et fonde une organisation de défense des opprimés, avant d'entrer en politique sous la bannière du Samajwadi Party (Parti socialiste), défenseur des intérêts des basses castes. Déjà, ses meurtres consacrent sa légende. Mais la rebelle au ruban rouge doit se heurter à l'opposition farouche des veuves des hommes qu'elle a assassinés.

Illettrée et sous le coup de diverses inculpations pour des motifs allant du «meurtre collectif» à l'enlèvement à main armée, elle parvient à se faire élire au Parlement fédéral indien en 1996. Elle a ainsi été députée de l'Etat d'Uttar Pradesh, une des régions les plus pauvres du pays, de 1996 à 1998, puis a été élue à nouveau en 1999.

La vie aventureuse de Phoolan Devi a fait l'objet de plusieurs £uvres artistiques consacrant le mythe. Elle-même a écrit son autobiographie Moi, Phoolan Devi, reine des bandits. Le célèbre cinéaste Shekhar Kapur conte son histoire dans son film La reine des bandits en 1996. Irène Frain lui a consacré une biographie intitulée Devià

Le président indien K.R. Narayanan lui-même s'est déclaré extrêmement choqué par l'assassinat de Phoolan Devi. «Pauvre et exclue de la société, elle a réussi à devenir membre du Parlement», a-t-il expliqué. Le Premier ministre Atal Behari Vajpayee a également présenté ses condoléances. Des manifestations étaient signalées mercredi dans l'Etat d'Uttar Pradesh où doivent se dérouler des élections prochainement. Le chef du Samajwadi Party, Amar Singh soupçonne quant à lui «une conspiration du gouvernement au niveau fédéral et au niveau local».



par Nathalie  Rohmer

Article publié le 26/07/2001