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Inde

Colin Powell échoue à rassurer les Indiens

En dépit de toute son habileté diplomatique, le secrétaire d'Etat américain n'est pas parvenu à apaiser les craintes indiennes sur le rapprochement de Washington et d'Islamabad. Au coeur du problème, comme toujours, le Cachemire.
De notre envoyé spécial à Islamabad

Colin Powell n'aura pas réussi à apaiser la tension entre l'Inde et le Pakistan. Accueilli à son arrivée à Islamabad lundi par le bombardement de douze postes-frontières pakistanais par l'armée indienne, il a quitté New Delhi mercredi alors que le Pakistan plaçait ses troupes en état d'alerte maximum le long de la frontière avec l'Inde au Cachemire. Par son offensive militaire, New Delhi avait voulu manifester son inquiétude face au réchauffement des relations entre les Etats-Unis et le Pakistan, crise afghane oblige. La réplique d'Islamabad -certes moins violente que l'action de son voisin- signifie que le Pakistan ne compte pas se laisser impressionner par les initiatives soldatesques de l'Inde, et qu'il n'entend pas non plus voir sa nouvelle lune de miel avec Washington gâchée par les récriminations de New Delhi. Match nul.

La rencontre entre le secrétaire d'Etat américain et les autorités indiennes s'est mieux déroulée que prévu. On craignait le pire après la chaleur de ses propos à l'égard du Pakistan mardi à Islamabad. Mais Colin Powell a réussi à convaincre ses interlocuteurs de la force des liens qui unissent Washington et New Delhi. «L'Inde est pour nous un allié naturel. Nous partageons les valeurs communes de liberté et de démocratie. Les relations entre nos deux pays connaissent un net réchauffement depuis deux ans. Nous voulons que cela se poursuivre et atteigne même un niveau plus élevé», a notamment déclaré le chef de la diplomatie américaine. Comme s'il signifiait que les relations entre les Etats-Unis et l'Inde étaient basées sur la durée, alors que celles avec le Pakistan étaient plus conjoncturelles.

Colin Powell a aussi souligné la volonté des Etats-Unis de lutter contre toute forme de terrorisme que ce soit à New York ou à Srinagar, la capitale du Cachemire. De quoi rassurer les Indiens qui accusent le Pakistan d'armer et de financer la guérilla séparatiste dans la province himalayenne. Une guérilla assimilée à du terrorisme, alors qu'Islamabad parle de combat pour la liberté du Cachemire. «L'Inde a été très critiquée pour son attaque contre les postes-frontières pakistanais. C'était un risque calculé. Notre pays est victime de terrorisme depuis des années. Il nous est donc insupportable d'assister en spectateur à la glorification pour sa lutte contre le terrorisme depuis cinq semaines d'un voisin qui encourage la rébellion sur notre territoire», explique Masood Hussein, de l'Institut des études stratégiques, à New Delhi.

Malaise persistant

Le secrétaire d'Etat américain s'est aussi employé à New Delhi à rattraper son faux-pas d'Islamabad lorsqu'il avait déclaré, à la plus grande joie des autorités pakistanaises, que le Cachemire constituait le «problème central» entre l'Inde et le Pakistan. Les autorités indiennes ûpour qui leur souveraineté sur la province himalayenne n'est pas négociable- avaient vu rouge. Colin Powell leur a donc expliqué qu'on avait interprété abusivement ses paroles et que pour lui, l'essentiel est que les deux voisins trouvent une issue raisonnable à leurs différents par le dialogue. Jaswant Singh, le ministre indien des Affaires étrangères, a lui aussi fait amende honorable, reconnaissant «qu'il fallait savoir oublier le passé et construire de nouvelles relations d'avenir avec le Pakistan».

Malgré ces échanges chaleureux, le malaise persiste en Inde où l'on regarde toujours avec inquiétude le rapprochement entre le Pakistan et les Etats-Unis. Comme l'a souligné Jaswant Singh : «On ne peut pas être d'accord sur tout, même avec ses amis». Quant à Colin Powell, lorsqu'un journaliste indien lui a demandé pourquoi Delhi ne pouvait pas faire au Cachemire ce que les Etats-Unis font en Afghanistan, il a froidement lâché : «no sense !». En réalité, l'exercice d'équilibrisme que tente Washington entre Islamabad et New Delhi ne satisfait ni ne rassure aucune des deux capitales. Quoiqu'elles en disent, chacune veut s'attirer l'amitié exclusive de l'Oncle Sam. Avec tous les avantages économiques et politiques que cela représente.



par Jean  Piel

Article publié le 18/10/2001