Inde
Les castes, autre forme de racisme
Les représentants des basses castes indiennes, et notamment les dalits (intouchables) entendent profiter de la conférence mondiale de Durban sur le racisme pour se faire entendre et reconnaître les discriminations dont ils sont victimes en Inde du seul fait de leur naissance.
De notre correspondant en Inde
«Le système des castes conduit à des discriminations sur la seule base de l'appartenance à une communauté. Cela peut donc être assimilé au racisme. Il ne s'agit pas d'un problème de haute ou de basse caste. Il s'agit d'un problème de droits de l'homme». Cheveux courts et verbe vif, Ravi Nair ne démord pas de son argumentaire. Et le président du Centre pour les Droits de l'Homme en Asie du Sud de citer les nombreux abus dont sont victimes les intouchables en Inde : massacre par des milices à la solde de propriétaires terriens, ségrégation dans les villages, difficulté voire impossibilité d'inscrire les enfants à l'école, discrimination à l'embauche sans compter les multiples humiliations quotidiennes, telles ces femmes de ménage qui n'ont pas le droit de boire de l'eau chez leur patron ou ce paysan d'un village proche de Delhi qui, lorsqu'il demande une avance sur salaire à employeur, s'entend répondre : «Envoie-moi ta fille ce soir. On trouvera une solution».
Pour Ravi Nair et les 180 délégués des différentes ONG (organisations non gouvernementales) indiennes présentes à Durban, le fait que la Conférence des Nations unies contre le racisme aborde le problème des castes est déjà une victoire. Même s'ils ne se font guère d'illusion. L'Inde est un pays puissant, un marché prometteur, qui aura les moyens de bloquer toute motion préjudiciable à son égard. Car les autorités indiennes sont furieuses de se voir ainsi montrées du doigt pour ce qui, selon elles, constitue l'identité profonde du pays.
Les intouchables fortunés n'ont pas de problème
Les plus radicaux du BJP -le parti nationaliste hindou au pouvoir- y voient une conspiration de l'Occident chrétien contre l'hindouisme. «Les livres sacrés donnent à chacun un rôle dans la société selon sa naissance. Cela ne doit pas être remis en cause et encore moins devant des étrangers», tempête Vishnu Hari Dalmia, le président du Vishwa Hindu Parishad, une organisation fondamentaliste hindoue. Le gouvernement indien a cependant envoyé comme représentant à Durban Bangaru Laxman, l'ancien président du BJP qui a le bon goût d'être Dalit. Histoire de montrer que l'on peut venir d'une basse caste et réussir. Même si l'intéressé a perdu son poste en mars dernier pour une sordide affaire de corruption.
Comment lutter contre les discriminations dont les intouchables sont victimes en Inde ? A en croire P.L. Mimroth, un avocat de basse caste à Delhi, «Le problème est avant tout économique. Un intouchable riche ne souffre d'aucune discrimination. Hélas 90% des 300 millions d'intouchables en Inde vivent au dessous du seuil de pauvreté. Lorsque les Dalits iront tous à l'école, qu'ils occuperont des emplois respectés et rémunérateurs, alors ils seront acceptés. Il ne s'agit pas d'abolir les castes, mais les discriminations liées au système».
«La bataille est aussi légale, ajoute Ravi Nair. Les lois existent qui condamnent les atrocités contre les basses castes. Mais elles ne sont pas appliquées car les intouchables ne connaissent pas toujours leurs droits et, à moins qu'une ONG n'intervienne, les autorités ne veulent pas enregistrer leurs plaintes. Pourtant il faut porter le combat devant les tribunaux comme les noirs américains l'avaient fait à une époque». En effet si l'apartheid était un système légal en Afrique du sud, les abus contre les basses castes sont par contre contraires à la loi en Inde, et l'intouchabilité est même interdite par la constitution.
Selon le sociologue Dipankar Gupta, «Les dirigeants indiens ont tort de refuser toute discussion sur ce sujet à Durban. Ils donnent l'impression d'avoir quelque chose à cacher. Or, même si elle reste mauvaise, la situation des basses castes s'améliore en Inde. Grâce à l'urbanisation mais aussi parce que celles-ci ont appris à défendre leurs droits et disposent de partis politiques structurés. La montée en puissance des basses castes est l'un des phénomènes politiques marquants de ces dernières années en Inde. Elles sont cependant parfois responsables de leur malheur. Pour être élus, leurs représentants jouent la carte identitaire plutôt que proposer un projet politique. D'où une forte réaction des hautes castes et depuis quelques années un réveil du sentiment d'appartenance à une caste». Les basses castes seraient donc autant responsables que les castes supérieures honnies de la survivance d'un système qui leur est préjudiciable.
«Le système des castes conduit à des discriminations sur la seule base de l'appartenance à une communauté. Cela peut donc être assimilé au racisme. Il ne s'agit pas d'un problème de haute ou de basse caste. Il s'agit d'un problème de droits de l'homme». Cheveux courts et verbe vif, Ravi Nair ne démord pas de son argumentaire. Et le président du Centre pour les Droits de l'Homme en Asie du Sud de citer les nombreux abus dont sont victimes les intouchables en Inde : massacre par des milices à la solde de propriétaires terriens, ségrégation dans les villages, difficulté voire impossibilité d'inscrire les enfants à l'école, discrimination à l'embauche sans compter les multiples humiliations quotidiennes, telles ces femmes de ménage qui n'ont pas le droit de boire de l'eau chez leur patron ou ce paysan d'un village proche de Delhi qui, lorsqu'il demande une avance sur salaire à employeur, s'entend répondre : «Envoie-moi ta fille ce soir. On trouvera une solution».
Pour Ravi Nair et les 180 délégués des différentes ONG (organisations non gouvernementales) indiennes présentes à Durban, le fait que la Conférence des Nations unies contre le racisme aborde le problème des castes est déjà une victoire. Même s'ils ne se font guère d'illusion. L'Inde est un pays puissant, un marché prometteur, qui aura les moyens de bloquer toute motion préjudiciable à son égard. Car les autorités indiennes sont furieuses de se voir ainsi montrées du doigt pour ce qui, selon elles, constitue l'identité profonde du pays.
Les intouchables fortunés n'ont pas de problème
Les plus radicaux du BJP -le parti nationaliste hindou au pouvoir- y voient une conspiration de l'Occident chrétien contre l'hindouisme. «Les livres sacrés donnent à chacun un rôle dans la société selon sa naissance. Cela ne doit pas être remis en cause et encore moins devant des étrangers», tempête Vishnu Hari Dalmia, le président du Vishwa Hindu Parishad, une organisation fondamentaliste hindoue. Le gouvernement indien a cependant envoyé comme représentant à Durban Bangaru Laxman, l'ancien président du BJP qui a le bon goût d'être Dalit. Histoire de montrer que l'on peut venir d'une basse caste et réussir. Même si l'intéressé a perdu son poste en mars dernier pour une sordide affaire de corruption.
Comment lutter contre les discriminations dont les intouchables sont victimes en Inde ? A en croire P.L. Mimroth, un avocat de basse caste à Delhi, «Le problème est avant tout économique. Un intouchable riche ne souffre d'aucune discrimination. Hélas 90% des 300 millions d'intouchables en Inde vivent au dessous du seuil de pauvreté. Lorsque les Dalits iront tous à l'école, qu'ils occuperont des emplois respectés et rémunérateurs, alors ils seront acceptés. Il ne s'agit pas d'abolir les castes, mais les discriminations liées au système».
«La bataille est aussi légale, ajoute Ravi Nair. Les lois existent qui condamnent les atrocités contre les basses castes. Mais elles ne sont pas appliquées car les intouchables ne connaissent pas toujours leurs droits et, à moins qu'une ONG n'intervienne, les autorités ne veulent pas enregistrer leurs plaintes. Pourtant il faut porter le combat devant les tribunaux comme les noirs américains l'avaient fait à une époque». En effet si l'apartheid était un système légal en Afrique du sud, les abus contre les basses castes sont par contre contraires à la loi en Inde, et l'intouchabilité est même interdite par la constitution.
Selon le sociologue Dipankar Gupta, «Les dirigeants indiens ont tort de refuser toute discussion sur ce sujet à Durban. Ils donnent l'impression d'avoir quelque chose à cacher. Or, même si elle reste mauvaise, la situation des basses castes s'améliore en Inde. Grâce à l'urbanisation mais aussi parce que celles-ci ont appris à défendre leurs droits et disposent de partis politiques structurés. La montée en puissance des basses castes est l'un des phénomènes politiques marquants de ces dernières années en Inde. Elles sont cependant parfois responsables de leur malheur. Pour être élus, leurs représentants jouent la carte identitaire plutôt que proposer un projet politique. D'où une forte réaction des hautes castes et depuis quelques années un réveil du sentiment d'appartenance à une caste». Les basses castes seraient donc autant responsables que les castes supérieures honnies de la survivance d'un système qui leur est préjudiciable.
par Jean Piel
Article publié le 04/09/2001