Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Cachemire

Le Pakistan veut relancer les pourparlers

Le président pakistanais, Pervez Musharraf, devrait venir assister en Inde à un match de cricket Inde-Pakistan. 

		(Photo : AFP)
Le président pakistanais, Pervez Musharraf, devrait venir assister en Inde à un match de cricket Inde-Pakistan.
(Photo : AFP)
Le chef de l’Etat pakistanais, Pervez Musharraf, a créé lundi la surprise dans son pays en appelant à un vaste débat national pour tenter de résoudre le différend qui oppose depuis près de soixante ans Islamabad et New Delhi sur le dossier du Cachemire. Le président a cité plusieurs options qui permettraient de sortir l’un des plus vieux conflits du monde de l’impasse dans laquelle il est plongé depuis des décennies, évoquant notamment un contrôle de cette région par les deux Etats voisins, voire son indépendance. Après plusieurs heures de silence, l’Inde, principale partie concernée par cet épineux dossier, a finalement réagi en demandant au Pakistan d’utiliser les canaux officiels pour lui transmettre ces propositions sur le Cachemire.
Carte du Cachemire 

		(Carte : RFI)
Carte du Cachemire
(Carte : RFI)






















Après avoir failli s’affronter sur le terrain militaire il y a trois ans, l’Inde et le Pakistan étaient finalement parvenus après plusieurs mois de vives tensions à désamorcer la grave crise qui les opposait depuis l’attentat sanglant, revendiqué par des séparatistes cachemiris, qui a visé en décembre 2001 le parlement de New Delhi. Les deux puissances nucléaires avaient, à l’époque, massé plus d’un million d’hommes de part et d’autre de la Ligne de contrôle qui sépare le Cachemire indien de l’Azad Cachemire pakistanais. La quatrième guerre indo-pakistanaise depuis la fin en 1947 de l’Empire des Indes semblait alors imminente. Mais après plusieurs mois d’un face-à-face tendu, New Delhi avait finalement tendu «la main de l’amitié» à Islamabad ouvrant une nouvelle ère dans les relations, certes encore teintées de méfiance, entre les deux pays. Les rapports entre les dirigeants avaient connu une nouvelle embellie avec le départ des nationalistes indiens et l’arrivée au pouvoir en mai dernier du Parti du Congrès et du Premier ministre, Manmohan Singh.

Mais cette amélioration des relations entre les deux Etats voisins n’a cependant à aucun moment laissé entrevoir un changement de position aussi radical de la part du Pakistan sur le conflit du Cachemire. La proposition lundi du président Pervez Musharraf de lancer un débat national sur cet épineux dossier revient en effet à renoncer à l’idée même du référendum d’autodétermination sur ce territoire, proposé en 1948 par les Nations unies et soutenu depuis par Islamabad. Et alors que le Pakistan a par ailleurs toujours insisté pour que les Cachemiris décident d’eux-mêmes à quelle nation ils désirent être rattachés, le chef de l’Etat a également pour la première fois évoqué d’autres options que celle d’un Cachemire pakistanais ou indien. Pervez Musharraf a en en effet mis en avant trois options allant du contrôle conjoint par New Delhi et Islamabad de ce territoire à son indépendance en passant par sa démilitarisation et le placement de plusieurs de ses régions sous mandat des Nations unies.

«Un référendum est inacceptable pour l’Inde et faire de la Ligne de contrôle une frontière permanente est inacceptable pour le Pakistan», a ainsi justifié lundi le président pakistanais qui s’exprimait lors d’une réception à laquelle étaient conviés des responsables gouvernementaux, des diplomates et des journalistes. Selon lui, un «changement de statut» du Cachemire –actuellement divisé en deux parties, l’une sous contrôle indien et l’autre sous contrôle pakistanais– doit être discuté sans délai. «Je n’ai jamais parlé comme cela à personne auparavant», a également reconnu Pervez Musharraf qui a tenu à souligner que de nombreux progrès avaient été réalisés dans ce dossier depuis sa rencontre avec le Premier ministre indien Manmohan Singh, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York. «Je crois fermement qu’il y a des options et qu’il y a une solution. Pour la première fois, nous voyons de la lumière au bout du tunnel», a-t-il insisté.

Colère des islamistes pakistanais, prudence de New Delhi

Les déclarations du président Musharraf ont eu l’effet d’un coup de tonnerre dans la classe politique pakistanaise. L'un des deux grands groupements d'opposition au parlement, l'alliance islamiste du Muttahida Majlis-e-Amal (MMA), a rejeté en bloc les propositions du chef de l’Etat. «C'est une volte-face, un revirement de la politique pakistanaise sur le Cachemire depuis l'indépendance», s’est indigné son vice-président, Hafiz Hussain Ahmed qui a réaffirmé que la position traditionnelle d'Islamabad en faveur d’un référendum dans la province à majorité musulmane était la seule solution acceptable. Un militant du groupe islamiste Jaish-e-Mohammad, interdit par le pouvoir, a de son côté confirmé que la position de la guérilla en faveur de la «guerre sainte» n’avait pas changé. «Pour nous, rien d'autre que le djihad n'est acceptable», a-t-il insisté. A l'autre extrémité du spectre politique, l’accueil accordé aux propositions du président Musharraf a été beaucoup plus enthousiaste. Le président de la Commission pakistanaise des droits de l'homme, Tahir Mohammad Khan, a ainsi salué la souplesse du chef de l’Etat soulignant que «tout ce qui est acceptable par les Cachemiris devrait l'être pour les Pakistanais».

Dans le territoire contesté, les réactions aussi bien des séparatistes musulmans que des simples habitants ont en effet été bien plus positives qu’au Pakistan. L’un des pères de l'insurrection lancée en 1989 au Cachemire indien, Javed Mir, a ainsi jugé qu'il s'agissait d'une «déclaration qui ouvre des perspectives». «Musharraf tente de faire preuve de souplesse. Il n'insiste pas pour que le Cachemire fasse partie du Pakistan. C'est un changement bienvenu», a souligné ce fervent indépendantiste qui a renoncé à la lutte armée depuis une dizaine d'années et qui souhaite la réunification du territoire et son indépendance. Un autre dirigeant indépendantiste, Shabir Shah, qui a lui passé 20 ans dans les prisons indiennes, a également salué les propositions de Pervez Musharraf et a invité «les dirigeants des deux pays à se réunir et à discuter des différentes options» possibles. Il a toutefois insisté pour que toute solution ait au préalable «l'approbation obligatoire des Cachemiris».

Contrastant avec les réactions qui se sont multipliées aussi bien au Pakistan qu’au Cachemire, l'Inde a fraîchement accueilli, après plusieurs heures de silence, les propositions du président pakistanais faites pourtant dans le souci de résoudre le délicat problème de la souveraineté du Cachemire, source de deux des trois conflits armés qui ont opposé les deux pays depuis l'indépendance en 1947. «Nous ne pensons pas que le Jammu-et-Cachemire soit un sujet dont on puisse discuter par le biais des médias», s’est contenté de déclarer le porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères Navtej Sarna. Il a confirmé que ce dossier était «l'un des sujets faisant partie du processus de dialogue global» engagé entre New Delhi et Islamabad depuis janvier dernier. «Donc s'il y a des propositions, des suggestions concernant ce sujet, nous escomptons qu'elles se fassent dans le cadre de cette tribune», a-t-il conclu. Une réponse bien bureaucratique à des propositions qui, à bien des égards, représentent un changement de cap radical dans les positions jusque-là défendues par le Pakistan.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 26/10/2004 Dernière mise à jour le 26/10/2004 à 14:55 TU