Pakistan
Qui veut la peau de Musharraf ?
Depuis que le président pakistanais a fait le choix de rejoindre la «guerre contre le terrorisme» menée par George W. Bush, nombre de ses anciens partisans se sont retournés contre lui.
Pervez Musharraf est un homme complexe, imprévisible. Redoutable tacticien aussi. On le disait militaire sans ambitions politiques. Il a pris le pouvoir par un coup d'État en octobre 1999. La population l'a bien accueilli car il ne s'est pas attaqué aux libertés fondamentales et a promis de quitter le pouvoir trois ans après.
Aujourd'hui il concentre tous les pouvoirs dans ses mains. Il s'est auto-proclamé président, a –certes– organisé des élections législatives mais s'est arrogé le droit de rester au pouvoir jusqu'en 2007, de renvoyer le Premier ministre, de dissoudre le Parlement, enfin d'être parallèlement chef des Armées et chef de l'État. Dans un autre registre, Pervez Musharraf ne fait pas mystère de son mépris pour les fondamentalistes, mais il a longtemps maintenu d'excellentes relations avec les Taliban.
Avec l'Inde, il souffle le chaud et le froid, appelant parfois au dialogue, encourageant à d'autres moment le terrorisme au Cachemire. Dans ses relations avec la communauté internationale, ce qui va tout changer, ce sont les attentats du onze septembre. Les États-Unis ont besoin du Pakistan comme base arrière pour leur guerre en Afghanistan. Pervez Musharraf –certes largement contraint et forcé– rejoint Washington dans sa lutte contre le terrorisme. L'affreux dictateur devient alors un homme très fréquentable.
Certains au Pakistan le surnomment d'ailleurs «Busharraf». Après le premier attentat contre Pervez Musharraf le 14 décembre, les autorités pakistanaises avaient pointé du doigt le réseau Al-Qaïda. L'explosif utilisé –du C4– ne se trouve en effet quasiment pas au Pakistan. En outre, en septembre dernier, Ayman Al-Zawahiri, ce médecin égyptien proche d'Oussama Ben Laden, a appelé à renverser le président pakistanais, coupable d'avoir trahi les Taliban, autrefois protégés par Islamabad, pour rallier la cause des États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme. Des soldats pakistanais et américains patrouillent en effet ensemble le long de la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan. C'est d'ailleurs la piste que privilégie une nouvelle fois Islamabad. C'est du moins ce qu'a déclaré Pervez Musharraf lors d'une intervention télévisée jeudi soir.
Chasse aux islamistes
Pourtant, à en croire les analystes à Islamabad, les menaces contre le chef de l'État pakistanais viennent davantage de l'intérieur que de ramifications internationales. Car le général-président s'est aussi lancé dans une vaste chasse contre les islamistes. Depuis août 2001, treize organisations fondamentalistes ont été interdites et plus de 500 militants arrêtés. Même si Islamabad fait plus de publicité aux arrestations massive d'extrémistes qu'à leur libération qui intervient souvent quelques jours après. Enfin, affront suprême : à plusieurs reprises, Pervez Musharraf a tendu la main à l'Inde voisine et ennemie, allant jusqu'à suggérer de ne résoudre que dans un second temps le conflit de souveraineté sur le Cachemire. De quoi mécontenter les séparatistes. Mais également l'armée toute-puissante au Pakistan puisqu'elle a dirigé le pays plus de la moitié de son existence. Or, cette toute-puissance vient précisément de la lutte au Cachemire, menée contre l'Inde au nom de l'intérêt supérieur de la nation, mais aussi au nom de la défense de la religion musulmane. On comprend donc que Pervez Musharraf ne manque pas d'ennemis.
Pour en venir à bout, l'arsenal répressif ne suffit pas. Même si Pervez Musharraf peut au moins améliorer sa sécurité. Il est curieux que les deux attentats se soient produits quasiment au même endroit à onze jours d'intervalle. Qui plus est dans la ville de Rawalpindi, très surveillée puisqu'elle abrite le quartier général de l'armée.
À plus longue échéance, Pervez Musharraf doit trouver un compromis avec le MMA, la coalition de partis islamistes représentés au Parlement afin de se donner au moins un vernis démocratique. On en prend le chemin puisque, suite à des négociations serrées avec le MMA, Pervez Musharraf a annoncé mercredi qu'il abandonnerait la direction de l'armée dans un an. Cela dit en matière politique, Pervez Musharraf est le champion des volte-faces.
Mais l'essentiel pour le président pakistanais est d'arriver à résoudre toutes les contradictions dans lequel il se trouve. Soutenir la lutte contre le terrorisme pour bénéficier de la protection et de l'aide économique des États-Unis, sans heurter une population pakistanaise largement anti-américaine. Développer de bonnes relations avec l'Inde sans apparaître comme un traître à la cause du Cachemire. Défendre un islam moderne et tolérant sans oublier que, dans les campagnes où vit la majorité de la population, les imams sont très populaire largement à cause de la pauvreté et de la corruption politique. Pervez Musharraf dit avoir le soutien de la majorité silencieuse et n'être en butte qu'à une minorité d'extrémistes. Mais les spécialistes de la région estiment qu'il est de plus en plus isolé dans son propre pays.
Aujourd'hui il concentre tous les pouvoirs dans ses mains. Il s'est auto-proclamé président, a –certes– organisé des élections législatives mais s'est arrogé le droit de rester au pouvoir jusqu'en 2007, de renvoyer le Premier ministre, de dissoudre le Parlement, enfin d'être parallèlement chef des Armées et chef de l'État. Dans un autre registre, Pervez Musharraf ne fait pas mystère de son mépris pour les fondamentalistes, mais il a longtemps maintenu d'excellentes relations avec les Taliban.
Avec l'Inde, il souffle le chaud et le froid, appelant parfois au dialogue, encourageant à d'autres moment le terrorisme au Cachemire. Dans ses relations avec la communauté internationale, ce qui va tout changer, ce sont les attentats du onze septembre. Les États-Unis ont besoin du Pakistan comme base arrière pour leur guerre en Afghanistan. Pervez Musharraf –certes largement contraint et forcé– rejoint Washington dans sa lutte contre le terrorisme. L'affreux dictateur devient alors un homme très fréquentable.
Certains au Pakistan le surnomment d'ailleurs «Busharraf». Après le premier attentat contre Pervez Musharraf le 14 décembre, les autorités pakistanaises avaient pointé du doigt le réseau Al-Qaïda. L'explosif utilisé –du C4– ne se trouve en effet quasiment pas au Pakistan. En outre, en septembre dernier, Ayman Al-Zawahiri, ce médecin égyptien proche d'Oussama Ben Laden, a appelé à renverser le président pakistanais, coupable d'avoir trahi les Taliban, autrefois protégés par Islamabad, pour rallier la cause des États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme. Des soldats pakistanais et américains patrouillent en effet ensemble le long de la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan. C'est d'ailleurs la piste que privilégie une nouvelle fois Islamabad. C'est du moins ce qu'a déclaré Pervez Musharraf lors d'une intervention télévisée jeudi soir.
Chasse aux islamistes
Pourtant, à en croire les analystes à Islamabad, les menaces contre le chef de l'État pakistanais viennent davantage de l'intérieur que de ramifications internationales. Car le général-président s'est aussi lancé dans une vaste chasse contre les islamistes. Depuis août 2001, treize organisations fondamentalistes ont été interdites et plus de 500 militants arrêtés. Même si Islamabad fait plus de publicité aux arrestations massive d'extrémistes qu'à leur libération qui intervient souvent quelques jours après. Enfin, affront suprême : à plusieurs reprises, Pervez Musharraf a tendu la main à l'Inde voisine et ennemie, allant jusqu'à suggérer de ne résoudre que dans un second temps le conflit de souveraineté sur le Cachemire. De quoi mécontenter les séparatistes. Mais également l'armée toute-puissante au Pakistan puisqu'elle a dirigé le pays plus de la moitié de son existence. Or, cette toute-puissance vient précisément de la lutte au Cachemire, menée contre l'Inde au nom de l'intérêt supérieur de la nation, mais aussi au nom de la défense de la religion musulmane. On comprend donc que Pervez Musharraf ne manque pas d'ennemis.
Pour en venir à bout, l'arsenal répressif ne suffit pas. Même si Pervez Musharraf peut au moins améliorer sa sécurité. Il est curieux que les deux attentats se soient produits quasiment au même endroit à onze jours d'intervalle. Qui plus est dans la ville de Rawalpindi, très surveillée puisqu'elle abrite le quartier général de l'armée.
À plus longue échéance, Pervez Musharraf doit trouver un compromis avec le MMA, la coalition de partis islamistes représentés au Parlement afin de se donner au moins un vernis démocratique. On en prend le chemin puisque, suite à des négociations serrées avec le MMA, Pervez Musharraf a annoncé mercredi qu'il abandonnerait la direction de l'armée dans un an. Cela dit en matière politique, Pervez Musharraf est le champion des volte-faces.
Mais l'essentiel pour le président pakistanais est d'arriver à résoudre toutes les contradictions dans lequel il se trouve. Soutenir la lutte contre le terrorisme pour bénéficier de la protection et de l'aide économique des États-Unis, sans heurter une population pakistanaise largement anti-américaine. Développer de bonnes relations avec l'Inde sans apparaître comme un traître à la cause du Cachemire. Défendre un islam moderne et tolérant sans oublier que, dans les campagnes où vit la majorité de la population, les imams sont très populaire largement à cause de la pauvreté et de la corruption politique. Pervez Musharraf dit avoir le soutien de la majorité silencieuse et n'être en butte qu'à une minorité d'extrémistes. Mais les spécialistes de la région estiment qu'il est de plus en plus isolé dans son propre pays.
par Jean Piel
Article publié le 26/12/2003