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Inde-Pakistan

Cessez-le-feu à minuit

Réagissant favorablement à l’annonce du Pakistan, qui affirmait dès dimanche que ses troupes stationnant le long de la Ligne de contrôle avait reçu l’ordre d’observer un cessez-le-feu unilatéral à partir de mardi minuit, l’Inde a décidé à son tour mardi de déclarer une trêve qui doit prendre effet au même moment. Cette décision intervient alors que les relations entre les deux frères ennemis semblent depuis cet été plus apaisées et alors que la guérilla indépendantiste au contraire intensifie sa campagne contre les autorités indiennes du Jammu-et-Cachemire.
En visite au printemps dernier dans la région, le sous-secrétaire d’Etat américain Richard Armitage soulignait l’urgence de «faire baisser la température entre les deux pays». Il faut croire que le message a bien été entendu puisque le dégel entre les deux rivaux nucléaires d’Asie du Sud semble se poursuivre. L’initiative de ce nouveau réchauffement des relations indo-pakistanaises revient cette fois-ci à Islamabad qui a créé la surprise en annonçant dimanche sa décision de déclarer une trêve unilatérale le long de la frontière qui coupe le Cachemire en deux. «Nos forces armées déployées de la long de la Ligne de contrôle ont reçu l’ordre d’observer un cessez-le-feu total à partir de l’Aïd al-Fitr –jour qui marque la fin du mois de jeûne du ramadan–», a en effet annoncé le Premier ministre pakistanais à l’occasion d’un discours marquant le premier anniversaire de son arrivée à la tête du gouvernement. «Nous attendons de l’Inde qu’elle réponde de manière positive car sans elle notre action restera incomplète», a-t-il également ajouté.

Une fois l’effet de surprise passé, l’Inde a salué, quelques heures plus tard, la décision d’Islamabad et annoncé son intention de «réagir de manière positive à cette initiative». Elle a toutefois émis un bémol, estimant notamment que pour instaurer un cessez-le-feu «complet et durable», les infiltrations des indépendantistes via la Ligne de Contrôle devaient cesser, soulignant implicitement l’implication des autorités d’Islamabad dans le financement et l’armement de la rébellion cachemirie. Contre toute attente et alors que le Pakistan a toujours affirmé n’apporter qu’un soutien idéologique à la cause des indépendantistes, le gouvernement d’Islamabad a jugé ces propos encourageants. «On me dit que le gouvernement de l’Inde a décidé de réagir positivement. Je suis content», a notamment déclaré sur un ton particulièrement conciliant le chef de la diplomatie pakistanaise. Cette bonne disposition est sans doute à l’origine de l’annonce ce mardi de l’adhésion de New Delhi à la proposition pakistanaise. «Les généraux qui dirigent les opérations militaires en Inde et au Pakistan se sont mis d’accord pour observer un cessez-le-feu prenant effet aujourd’hui à minuit», a ainsi précisé un communiqué du ministère indien des affaires étrangères.

Les deux voisins tentent certes depuis quelques mois déjà de désamorcer les tensions. Mais c’est la première fois qu’ils parviennent de concert à un tel accord depuis le déclenchement il y a quatorze ans de l’insurrection islamiste dans cette région disputée dès 1947 par les deux frères ennemis. Dans une surenchère de bonne volonté, New Delhi a en outre déclaré souhaiter élargir la trêve à la région du Siachen qui s’étend au nord du Cachemire entre l’Inde, le Pakistan et la Chine. Des troupes indiennes et pakistanaises se disputent depuis 1984 le contrôle de ce glacier théâtre de combats à une altitude de plus de 5 500 mètres qui en font le champ de bataille le plus élevé du monde.

Une mesure qui devrait en dévoiler d’autres

Le fait que le Premier ministre pakistanais Zafarullah Jamali, et non pas le président Pervez Musharraf, soit à l’origine de l’initiative du cessez-le-feu n’est sans doute pas étranger au bon accueil réservé par New Delhi à sa proposition. L’Inde a en effet observé d’un très bon œil la récente montée au créneau du chef du gouvernement pakistanais contre les groupes radicaux islamistes. M. Jamali a ces dernières semaines insisté à plusieurs reprises sur les menaces qui pèsent sur son pays s’il ne se décidait pas à combattre enfin l’extrémisme religieux. Sensible à cette infléchissement dans la politique pakistanaise, la presse indienne a d’ailleurs salué l’initiative d’Islamabad concernant le cessez-le-feu y voyant une véritable mesure pour la paix et cela d’autant plus qu’elle n’est pas isolée.

L’annonce de cette trêve fait en effet partie d’une série de décisions prise par le Pakistan dans le but officiellement d’améliorer ses relations avec son puissant voisin. Des décisions qui répondent en grande partie aux propositions faites il y a un mois par New Delhi dans le même but. Zafarullah Jamali, qui s’exprimait à l’occasion du premier anniversaire de la mise en place de son gouvernement, a ainsi affirmé devant des millions de téléspectateurs qu’Islamabad était prêt à accepter la mise en place d’un service de bus entre Muzaffarabad, la capitale de l’Azad Cachemire, et Shrinagar, la capitale d’été du Cachemire indien.

Cette mesure, très populaire auprès des familles cachemiries séparées depuis la première guerre indo-pakistanaise de 1947, pourrait ouvrir la voie à une reprise des liaisons aériennes et ferroviaires entre les deux voisins interrompues depuis décembre 2001 en représailles à l’attentat contre le parlement à New Delhi. Cette attaque terroriste sans précédent dans la capitale indienne avait provoqué une très forte détérioration des relations entre les deux pays qui avaient massé plus d’un million d’hommes de part et d’autre de la Ligne de contrôle menaçant la région d’une nouvelle guerre.

A lire :

La chronique Asie d'Any Bourrier 26/11/2003



par Mounia  Daoudi

Article publié le 25/11/2003