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Inde-Pakistan

Les Cachemiris otages des élections

Les Cachemiris votent pour renouveler leur parlement régional dans une atmosphère marquée par la contrainte. Lundi, dans les cinq premiers districts de la province, le taux de participation a enregistré 44%. Les autorités indiennes veulent faire de ce scrutin un test démocratique, alors que les séparatistes attendent un boycottage massif. Mais les uns et les autres multiplient pressions et contraintes pour imposer leurs mots d’ordre respectifs.
Les épreuves de ces derniers mois, dans la région, n’incitaient pas à l’optimisme. De très graves incidents ont opposé l’Inde et le Pakistan au cours de l’hiver et du printemps derniers et ils ont bien failli dégénérer en une nouvelle guerre entre les deux puissances régionales, chacune dotée d’une capacité nucléaire militaire opérationnelle. En marge du conflit en Afghanistan, la communauté internationale a du déployer une intense activité diplomatique pour éviter une troisième confrontation directe entre New Delhi et Islamabad. Depuis leur indépendance, en 1947, les deux pays revendiquent la souveraineté de la région et, depuis le mois de décembre 2001, on assiste à une escalade qui fait pratiquement du Cachemire un territoire sous administration militaire. Des centaines de milliers d’hommes en armes sont déployés de part et d’autre de la «ligne de contrôle», frontière tracée sur la ligne de cessez le feu de la dernière guerre indo-pakistanaise.

Au printemps, rares ont été les jours sans duels d’artillerie et échanges de tirs d’armes automatiques. Côté indien, l’Etat du Jammu et Cachemire est le seul Etat de la fédération majoritairement peuplé de musulmans. Depuis 1989, ce conflit de souveraineté entre les deux pays s’est compliqué de la naissance d’un nouveau paramètre, avec la création d’un parti indépendantiste. Après avoir proclamé l’insurrection et la lutte armée, le Front de Libération du Jammu et Cachemire renonce à la lutte armée en 1994. Mais, de notoriété publique, les convictions démocratiques et laïques de ses fondateurs n’ont pas résisté à l’entrisme des mouvements musulmans pro-pakistanais contre lesquels New Delhi combat aujourd’hui et qui, eux, réclament un référendum d’autodétermination.

Pas de perspective politique

Malgré un déploiement de forces indiennes exceptionnel, la situation est chaotique. Depuis le 2 août, et l’annonce des élections, le regain de tension a fait plus de trois cents tués. Selon les forces de sécurité indienne, dix-sept rebelles musulmans ont été tués dans les heures qui ont précédé l’ouverture du scrutin, parmi lesquels douze qui avaient tenté de franchir la ligne de démarcation pour s’infiltrer dans la partie indienne du Cachemire. Malgré la mise sous haute surveillance des bureaux de vote, plusieurs attaques ont été perpétrées. Les fonctionnaires affectés à l’organisation des opérations travaillent équipés de gilets pare-balles. Quant aux électeurs, ils sont les otages d’un double discours évidemment contradictoire. D’une part les autorités les incitent, manu militari selon les témoignages, à accomplir un devoir de citoyen dont New Delhi veut récupérer le bénéfice démocratique. D’autre part ils sont invités, sous peine de mort, à répondre au mot d’ordre de boycott des militants séparatistes musulmans.

Officiellement, 44% des électeurs cachemiris sont allés voter lundi, au premier jour du scrutin pour le renouvellement de l’assemblée régionale de l’Etat indien du Jammu et Cachemire. Cette première phase concernait les cinq districts proches de la ligne de démarcation, sur les treize que compte la région. Il y a six ans, lors des précédentes élections, le taux de participation avait atteint 61%, dans les mêmes districts. Les élections s’étendront jusqu’au 8 octobre et les résultats, c’est à dire la liste des quatre-vingt sept nouveaux députés du parlement régional, seront connus le 12. Comme il y a six ans, sur le plan formel, New Delhi pourra se féliciter, compte tenu des circonstances, de cette incontestable victoire de la démocratie, tandis que les séparatistes dénonceront l’insupportable climat de harcèlement qui aura marqué la tenue des élections. Mais aucune perspective politique n’aura été ouverte.



par Georges  Abou

Article publié le 18/09/2002