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Inde-Pakistan

La multiplication des initiatives trahit la montée des périls

Les chancelleries occidentales invitent leurs ressortissants à quitter la région. Les initiatives diplomatiques se multiplient dans la précipitation. Les signes d’une inquiétude grandissante se multiplient.
Le ministre indien de la Défense a beau tenir des propos rassurants, écartant tout risque de guerre pour l’instant, il règne autour de l’affaire indo-pakistanaise cette agitation caractéristique des veillées d’armes. L’activité diplomatique atteint des paroxysmes rarement égalée et les déclarations qui l’accompagnent trahissent embarras, nervosité, inquiétude, préoccupation… Bref, il apparaît clairement que la communauté internationale a peur d’un dérapage qui pourrait mener New Delhi et Islamabad bien au-delà de ce qu’ils envisagent peut-être eux-mêmes. L’hypothèse d’une quatrième guerre conventionnelle indo-pakistanaise est vraisemblable. L’idée d’un prolongement nucléaire à ce nouveau conflit n’est pas aberrante. Des signes tangibles confirment ce pessimisme. Les Etats-Unis ont déjà réduit au strict minimum les effectifs leur représentation diplomatique à Islamabad. Ce vendredi ils ont autorisé leurs diplomates non-essentiels, et leurs familles, en poste en Inde à quitter ce pays. Ils travaillent sur une évacuation massive de leurs ressortissants de la région, évalués à plusieurs dizaines de milliers. La Nouvelle Zélande vient d’annoncer le rapatriement des familles de ses diplomates en poste à New Delhi. L’Australie projette de le faire. Et ces trois pays invitent leurs ressortissants à ne pas se rendre sur place, voire à quitter l’Inde et le Pakistan pour ceux qui ne l’ont pas encore fait. De son côté, la France déconseille à ses ressortissants d’aller au Pakistan et, pour ceux qui vont en Inde, de se rendre dans les régions frontalières, en particulier au Cachemire. Ce vendredi soir, Londres pressait ses ressortissants de quitter l’Inde.

Les nouvelles du terrain ne sont pas bonnes

En attendant ce sont les diplomates qui ont été envoyés au front. Rarement l’Inde et le Pakistan n’avaient connu une telle affluence. Les rotations, aux plus hauts niveaux, s’effectuent à un rythme accéléré. Et leur implication n’a d’égal que le pessimisme affiché, tant au départ qu’au retour de mission. Compte tenu du calendrier à venir, ils évaluent à une dizaine de jours les délais nécessaires pour mener les derniers entretiens visant à ramener les belligérants à de meilleurs sentiments. Cette semaine qui s’achève a vu défiler dans les deux capitales des diplomates britannique et japonais. Jack Straw n’y croyait guère en partant. Il ne manifesta pas plus d’optimisme à son retour. En début de semaine prochaine, les Américains vont tenter leur chance à leur tour. Le vice-ministre des Affaires étrangères ira sur place, puis le ministre de la Défense qui, fort de l’expertise américaine en matière d’armements nucléaires, espère bien convaincre ses interlocuteurs d’en rester là. La semaine prochaine également se tiendra à Almaty, au Kazakhstan, un sommet consacré à la sécurité régionale. Les présidents indiens et pakistanais s’y rendront. Ils n’ont pas prévu de s’y rencontrer, mais le président russe, qui participera à la réunion, envisage fermement de mener des entretiens séparés avec les deux hommes.

Au-delà, de ces dix jours rien n’est calé, aucun rendez-vous n’est fixé. Et les nouvelles en provenance du terrain ne sont pas bonnes. Les duels d’artillerie, quotidiens depuis une quinzaine de jours, supplantent les tirs d’armes légères, qualifiés de «tirs de routine». Jeudi, le chef de l’Etat pakistanais annonçait sa ferme intention de retirer des troupes de sa frontière orientale, avec l’Afghanistan, pour les redéployer à L’Est. Au Cachemire indien, des plans d’urgence exceptionnels sont en cours d’élaboration. Ils concernent la défense civile et l’assistance aux victimes. Apparemment New Delhi s’attend à ce qu’un conflit, s’il advenait qu’il éclate, frappe de plein fouet la population civile. En tout cas il faudra s’attendre, au minimum, à des déplacement massifs de populations de part et d’autre de la frontière. Dernière mauvaise nouvelle, enfin : c’est la fin de l’hiver au Cachemire et, dans cette région himalayenne où les champs de bataille sont parfois à plus de cinq mille mètres d’altitude, la saison est propice à un passage à l’acte.



par Georges  Abou

Article publié le 31/05/2002