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Inde-Pakistan

Le Pakistan et l’Inde ne veulent pas la guerre, mais…

La situation entre les deux pays ne cessent de se dégrader, et ni les actes ni les déclarations ne laissent entrevoir, pour le moment, une issue favorable au conflit. Face à la montée du péril nucléaire, les diplomates appellent à la raison.
On peut toujours tenter de jouer avec le vocabulaire ou trouver des formules diplomatiques pour qualifier la situation : les faits sont têtus et leur simple examen aboutit à constater que l’Inde et le Pakistan sont déjà en guerre. Certes il ne s’agit pas d’une «guerre totale» mobilisant l’ensemble des forces combattantes de part et d’autre et des moyens dont les belligérants disposent. Mais ce ne sont ni des miliciens, ni des guérilleros, mais des centaines de milliers de soldats des deux armées qui sont désormais déployés aux frontières où les incidents se sont transformés en véritables duels quotidiens d’artillerie qui ont déjà fait des centaines de morts, militaires et civils, le long de la ligne de cessez-le-feu au Cachemire. Tout est donc question de degré. Et chaque jour qui passe, un nouveau palier est franchi. Ce mardi matin, Islamabad a procédé à son troisième essai de missile sol-sol en quatre jours. De toute évidence, face à la montée des périls, le Pakistan est entré dans une phase de dissuasion active. Personne n’ignore plus les capacités nucléaires des deux belligérants et la possibilité qui s’offre à eux d’armer leurs missiles de têtes atomiques. Ce qui est vraisemblablement déjà fait, à toutes fins utiles. Et ce ne sont pas les discours en circulation, dans l’une ou l’autre capitale, qui seront de nature à apaiser ce climat fortement dégradé. Lundi, dans un discours à la Nation, le président pakistanais Pervez Musharraf a assuré ses compatriotes que leur pays ne voulait pas la guerre mais qu’il était prêt à y faire face de toutes ses forces s’il était attaqué, réaffirmant par ailleurs à l’adresse de la communauté internationale qu’il n’y avait pas d’infiltrations d’activistes armés vers les zones contrôlées par New Dehli, et l’invitant à examiner les « atrocités commises en Inde par les extrémistes hindous contre les musulmans».

Surenchère verbale, diplomatie impuissante.

C’est un «discours dangereux», déclarait ce matin le chef de la diplomatie indienne «parce qu’avec cette attitude belliciste, la tension a monté, au lieu de baisser». Toutefois, Jaswant Singh a précisé qu’en l’état actuel la question de la rupture des relations diplomatiques ne se posait pas, que son pays s’en tiendrait à sa politique consistant à ne pas utiliser en premier les armes nucléaires, mais qu’il répondrait avec «toute sa puissance» en cas d’attaque. Sur le papier, l’Inde dispose d’une nette supériorité. Du point de vue militaire, tout d’abord, avec une population de plus d’un milliard d’habitants, New Dehli peut aligner une réserve inépuisable d’hommes et dispose d’un arsenal conventionnel et atomique plus important que son adversaire. Les Indiens ont également d’autres atouts capitaux tels que la profondeur stratégique de leur territoire. Leur système politique n’est pas menacé de déstabilisation et leur économie est solide. Autant de qualités qui comptent dans un conflit et dont le Pakistan ne dispose pas. La carte de la dissuasion nucléaire jouée par Islamabad pourrait n’être en définitive qu’un aveu de faiblesse, faute de mieux. En effet, sauf à déclencher une apocalypse nucléaire régionale, non seulement le Pakistan n’est pas à la hauteur du défi sur le plan matériel, mais en plus le régime du général Musharraf souffre d’un déficit de légitimité démocratique qui le fragilise, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, et notamment depuis son virage à 180 degrés l’année dernière lorsqu’il s’est engagé aux côtés des Américains. Hier le chef de l’Etat pakistanais a également révélé tout cela en creux, en promettant à son peuple d’organiser des législatives au mois d’octobre, conformément aux vœux émis par la Cour suprême pakistanaise, après le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir, en 1999.

Le spectre de la menace d’une vitrification nucléaire de la région provoque une très vive inquiétude au sein d’une communauté internationale qui évoque désormais cette hypothèse sans retenue. Les initiatives se multiplient. Le chef de la diplomatie britannique est sur place. A Rome, où se tient le tout premier Conseil Otan-Russie, les participants ont appelé les deux capitales à la retenue. Lundi, sur la foi d’informations publiées par des responsable du Pentagone, le New York Times estimait qu’une guerre nucléaire pourrait faire 12 millions de morts.



par Georges  Abou

Article publié le 28/05/2002