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Asie

Le Pakistan accueille un sommet régional décisif

Le Premier ministre indien Atal Behari Vajpayee était bien présent dimanche à Islamabad pour l’ouverture du 12ème sommet de l’Association d’Asie du Sud pour la coopération régionale. Sa venue marque le réchauffement des relations entre le Pakistan et l’Inde après deux années de fortes tensions. Après s’être entretenu avec son homologue pakistanais Zafarullah Jamali, il a demandé à être reçu ce lundi par le président Pervez Musharraf.
C’est dans un contexte diplomatique favorable que s'est ouvert dimanche à Islamabad la douzième édition de l’Association d’Asie du sud pour la coopération régionale (SAARC), une organisation créée en 1985 qui regroupe l’Inde, le Pakistan, le Bhoutan, les Maldives, le Sri Lanka, le Népal et le Bangladesh. Ses deux principaux membres, l’Inde et le Pakistan, entretiennent depuis 1947 une querelle territoriale sur la région frontalière du Cachemire qui a entraîné le déclenchement de trois conflits armés au cours des 55 dernières années. Or, ces deux pays multiplient depuis quelques semaines les gestes de bonne volonté et semblent être prêts à engager une discussion constructive. Le Pakistan et l’Inde avaient décidé début décembre de reprendre les vols aériens à compter du 1er janvier, une décision respectée au pied de la lettre puisqu’un avion commercial pakistanais a effectué jeudi un aller-retour entre Lahore et New Delhi. Le trafic aérien avait été suspendu en décembre 2001 après l’attaque du Parlement de New Delhi, attribuée par l’Inde à un commando islamiste venu du Pakistan. Des lignes de bus avaient déjà été rouvertes en juillet 2003, le trafic ferroviaire entre les deux pays devant lui recommencer dans une dizaine de jours.

Le réchauffement des relations entre ces deux pays est de très bon augure pour le déroulement de ce sommet. En proie à de nombreux conflits, l’Asie du sud ne parvient pas à exploiter son potentiel de croissance, une situation qui pénalise durement les quelque 1,3 milliard d’habitants de cette région. Trois thèmes sont à l’ordre du jour de cette douzième édition: le libre-commerce, la pauvreté et le terrorisme. Au terme d’une première réunion de préparation, les ministres des Affaires étrangères des sept pays membres ont convenu vendredi de créer une zone de libre échange régionale, la SAFTA selon l’abréviation tirée de l’anglais. Une annonce qui est intervenue après plusieurs années de discussion entre les deux principales puissances de l’Association d’Asie du sud pour la coopération régionale et leurs cinq autres partenaires, beaucoup plus faibles économiquement et peu enclins jusque-là à créer une zone de libre-échange. Saluant la perspective d’un accord qui transformerait «la maison de la moitié des pauvres du monde en un puissant bloc commercial», le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Khursheed Mehmo Kasurodi, a estimé que cet accord pourrait même être signé lors du sommet.

Une visite historique

L’accolade entre Khursheed Mehmo Kasurodi et son homologue indien Yashwant Sinha a été l’image la plus forte de cette première journée de travail. Beaucoup d’observateurs l'ont interprétée comme un signe encourageant pour les discussions qui doivent se dérouler entre les représentants des deux pays au cours des trois journées de ce sommet. Une première rencontre a eu lieu dimanche entre le Premier ministre indien Atal Behari Vajpayee et son homologue pakistanais Zafarullah Jamali. A la suite de cet entretien, le chef de la diplomatie indienne, Yashwant Sinha, a indiqué que Vajpayee avait demandé à être reçu par le président pakistanais Pervez Musharraf. Dans une interview publiée cette semaine par le magazine India Today, le Premier ministre indien a déclaré qu’il avait bon espoir que le contentieux du Cachemire soit réglé de son vivant. Mais il a précisé que des discussions «sérieuses» ne pourraient débuter qu’une fois que le Pakistan aurait changé de «perception», en cessant notamment de penser que ce territoire devait revenir au Pakistan en raison du grand nombre de musulmans qui le peuplent.

La venue de Vajpayee au Pakistan, la première de son mandat, marque à elle seule un tournant dans les relations entre les deux pays, quelques semaines après la conclusion d’un cessez-le-feu total. Si cette décision n’a pas marqué l’arrêt complet des violences sur le terrain, plusieurs attaques terroristes perpétrées par des groupes séparatistes ayant depuis eu lieu, elle a notamment été interprétée par les Etats-Unis comme une véritable avancée. Après les attentats du 11 septembre 2001, Washington a demandé au Pakistan de combattre activement le terrorisme en luttant notamment contre les groupes islamistes pakistanais engagés au Cachemire contre les forces indiennes. Le président Musharraf s’est exécuté et près de 500 militants ont notamment été arrêtés depuis cette date. Cette collaboration active avec les Etats-Unis a été vivement critiquée par des mouvements extrémistes qui veulent débarrasser le pays du «traître» Musharraf. Ce dernier a ainsi été la cible de deux attentats sur le sol pakistanais au cours des trois dernières semaines. Et les autorités locales ont du coup adopté des mesures de sécurité exceptionnelles pour garantir le bon déroulement de ce douzième sommet de l’Association d’Asie du sud pour la coopération régionale.



par Olivier  Bras

Article publié le 04/01/2004