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Thabo Mbéki : «le diamant peut être le meilleur ami de l’Afrique»

«le diamant est un miracle de la nature» 

		(Photo : AFP)
«le diamant est un miracle de la nature»
(Photo : AFP)
Quelque 500 acteurs de l’industrie mondiale du diamant planchent depuis lundi sur la meilleure manière de rendre à l’industrie du diamant naturel tout son éclat terni par la concurrence des pierres de synthèse et surtout par les campagnes contre les «diamants de la guerre». Réunis dans la capitale mondiale du diamant, Anvers, au nord de la Belgique, le Haut conseil du diamant (HRD) s’était choisi comme invité d’honneur Thabo Mbéki, président de l’Afrique du Sud, le quatrième producteur mondial où officie la De Beers. Le conglomérat sud-africain contrôle encore 55% du négoce mondial, contre 80% vingt ans plus tôt, et réoriente sa stratégie commerciale.

En visite officielle en Belgique, Thabo Mbéki a discuté politique africaine – Grands lacs et Côte d’Ivoire notamment – à Bruxelles, avec le président de la future Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, et avec les autorités belges, avant de rejoindre Anvers où l’attendait lundi soir le gratin mondial de l’industrie du diamant. 80% des diamants bruts et plus de 50% des diamants taillés échangés sur la planète continuant de transiter par la métropole flamande.

«Le diamant peut être le meilleur ami de l'Afrique si son industrie joue un rôle actif dans le développement du continent», a relevé le président sud-africain, convenant avec ses hôtes de «l’intérêt commun à éradiquer toute image négative». Ces cinq dernières années en effet, le commerce du diamant a souffert de la multiplication des rapports internationaux démontrant le rôle de cette filière dans le blanchiment de l’argent sale, en particulier celui qui sert de nerf de la guerre en Afrique, via des trafics (comme au Congo-Kinshasa ou en Angola), en violation d’embargos (comme au Libéria ou en Sierra Léone) ou même avec la complicité d’Etats (comme le Congo-Brazzaville ou la Centrafrique).

Menaces sur les pierres naturelles

Après l’instauration du certificat de Kimberley qui est censé garantir l’origine «licite» des pierres, l’émergence de préoccupations écologiques ou même sociales menace désormais d’entraver l’exploitation des mines de diamants. En outre, la mise sur le marché de gemmes naturelles artificiellement colorées ainsi que la concurrence nouvelle des pierres de synthèse représenteraient «l'une des plus grandes menaces à laquelle notre industrie a jamais été confrontée», s’inquiète le cénacle diamantaire. La technique permet en effet aujourd’hui d’imiter la nature, en soumettant du carbone à des pressions très élevées et à de très hautes températures, pour produire de petites pierres d’un carat ou d’un demi-carat. Par ailleurs, des diamants naturels peu prisés pour leur couleur charbonneuse peuvent être rendus attractifs grâce au même procédé. Ces manipulations restent toutefois décelables en laboratoire.

Initialement fondé sur la seule confiance entre négociants, le commerce du diamant, résiste mal à la suspicion qui grandit sur un marché jadis très réservé. «Nous ne laisseront personne menacer un produit tellement spécial» par des agissements douteux dans les mines ou les usines de polissage, s’emporte pour sa part l’héritier des fondateurs de la De Beers, Nicky Oppenheimer. «Si l'industrie du diamant devait pratiquer la politique de l'autruche face aux critiques, comme l'a fait le secteur de la fourrure, ce serait la fin», met en garde le président de la Fédération des négociants en diamants et pierres précieuses, Eddy Vleeschdrager. En même temps, il remarque que les industriels du diamant «ne seront crédibles que s'ils mettent dans le bain les syndicats et les ONG, ce qui revient encore à passer un pacte avec le diable pour une partie» d’entre eux. Bref, la confiance règne.

Pour sa part, le responsable de la Diamond Trading Company (DTC), la division commerciale du géant sud-africain De Beers, Garret Penny, raisonne en termes de consommateurs. Il faut regagner leur confiance, plaide-t-il. Et cela avec des pratiques éthiques et transparentes, afin que rien ne vienne entacher une pierre qui «symbolise l'amour», conclut-il. Il s’agit de ne plus se contenter de «vendre un produit», ajoute un autre as du marketing, mais du «rêve».D’ailleurs, un bon commercial ne vend pas du luxe, souligne-t-il, il «promet une expérience unique». En tout cas, «il faut que les consommateurs soient parfaitement informés de la nature du produit qu'ils achètent», renchérit le Congrès mondial du diamant.

Récemment, les acteurs du marché des diamants naturels s’étaient dressés comme un seul homme contre une société bavaroise, l’Allemande Gemsmart, qui avait entrepris de commercialiser les pierres «artificielles» produites par la société américaine Gemesis, sous l’étiquette «diamants de culture» et non point «de synthèse». Un jugement rendu début novembre à Munich interdit désormais à Gemsmart l’usage publicitaire et mensonger (selon ses détracteurs) du mot «diamant» sauf à lui accoler le rectificatif «de synthèse».

Ces débats importent beaucoup à la De Beers et par ricochet au président Mbéki. Propriété de la famille Oppenheimer et du groupe minier Anglo-American, le conglomérat sud-africain est un grand pourvoyeur d’emplois pour ses administrés. Avec un bénéfice de 676 millions de dollars en 2003 et un chiffre d’affaires de 5,5 milliards de dollars, les retombées sur la Nation arc-en-ciel ne sont pas négligeables. Mais les temps changent et la De Beers a déjà perdu en 2000 son statut de cartel, dénoncé en particulier par la Commission européenne. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, la grande compagnie subit en outre la concurrence féroce de la Lev Leviev Diamonds (LLD), société éponyme d’un homme d’affaires israélien d’origine russe. Son entregent à fait perdre à De Beers son alliée russe historique, Alrosa, ex-société publique.

LLD est également parvenu à enlever au conglomérat sud-africain le monopole de la prospection et de l’exploitation en Namibie et à réduire considérablement sa mainmise en Angola. La Lev continue de la bousculer sérieusement au Botswana, premier producteur mondial de diamants bruts, en volume, devant l’Australie, la Russie, l’Afrique du Sud et le Canada. A Gaborone, qui fournit encore près des deux-tiers des carats mis sur le marché par De Beers, LLD tente de se placer en promettant des créations d’emplois.

"Le contrôle des approvisionnements, des flux de vente, des prix et des stocks, c'est fini. L'accent est mis sur la promotion de la demande», expliquait il y a quinze jours le directeur commercial de De Beers, Stephan Lussier, qui vient de lui choisir comme nouveau slogan «le diamant est un miracle de la nature». Thabo Mbéki aimerait que le miracle servent aussi le développement d’un continent où il a souvent servi des intérêts étrangers et même parfois tenu lieu de malédiction. A Anvers, le président sud-africain a cautionné les interrogations éthiques de diamantaires qui attendaient visiblement un effet marketing de son image.



par Monique  Mas

Article publié le 17/11/2004 Dernière mise à jour le 17/11/2004 à 07:16 TU

Audio

Le processus de Kimberley au Congo Brazzaville (rediffusion du 15/07/2004)

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