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Droits de l'enfant

Le nouveau destin des «enfants-poubelles»

Le couple de français est surnommé Papi et Mamie par les enfants. 

		(Photo : Pauline Garaude)
Le couple de français est surnommé Papi et Mamie par les enfants.
(Photo : Pauline Garaude)
La Journée mondiale des droits de l’enfant qui se tient samedi 20 novembre donne l’occasion de saluer une initiative qui a porté ses fruits : Sophay, Lena, Chetra... sont de jeunes cambodgiens. Ils ont grandi dans la « Décharge » de Phnom Penh, là où se déversent les ordures de la capitale. Maltraités, vendus par leurs parents, cherchant leur nourriture dans les poubelles... Aujourd’hui, ils et elles ont leur bac, vont le passer ou travaillent dans des hôtels de luxe... Leur destin a basculé.

«Demain, j’enfile ma nouvelle tenue de barman à l’Hôtel Intercontinental de Siem Reap» clame tout sourire Chetra. Il a 21 ans et ses yeux noirs pétillent d’intelligence. Plus qu’un emploi, ce job est pour lui une nouvelle vie. Car il n’est pas un garçon comme les autres. Avant, il était chiffonnier. Chetra travaillait de jour comme de nuit à collecter et à trier les ordures pour gagner, au mieux, un dollar ! Il ramassait de la nourriture pourrie pour survivre ! « Quand je pense à mon passé sur la décharge, je n’arrive pas à réaliser ce qui m’arrive aujourd’hui. Jamais je n’aurais pu l’imaginer ! » raconte-t-il.

« Papi et Mamie »

Derrière ce rêve devenu réalité, il y a « Papi et Mamie ». « C’est comme çà que les enfants nous surnomment. Ils sont notre famille et nous sommes la leur. Au début, ils voulaient même nous appeler papa et maman» confient Christian des Pallières et sa femme Marie France, émue jusqu’aux larmes dès qu’elle évoque ce souvenir.


Les pensionnaires du Centre PSE avec Papi et Mamie. 

		(Photo : Pauline Garaude)
Les pensionnaires du Centre PSE avec Papi et Mamie.
(Photo : Pauline Garaude)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce couple de français -la soixantaine- arrivé au Cambodge en 1992, a fondé l’association Pour un Sourire d’Enfant (PSE). «Nous étions venus pour une action humanitaire et un jour d’avril 1995, des enfants nous ont emmenés sur la décharge. Là, l’horreur nous a sauté aux yeux et au coeur ! Des enfants de cinq ans mangeaient de la nourriture putréfiée, d’autres s’effondraient de fatigue, parfois en mouraient... Très vite, nous avons aménagé un lieu près de la décharge, la Paillote. Là, des bénévoles leur servent un repas tous les matins et dispensent les soins médicaux de base». Aujourd’hui, plus de 500 enfants viennent tous les matins de l’année, prendre leur petit déjeuner à 6h avant d’aller travailler. L’occasion pendant quelques instants de jouer entre eux et de retrouver une vraie vie d’enfants. «Si nous voulions réellement sauver ces enfants, on ne pouvait se contenter de leur servir un repas. Il fallait créer un centre, les scolariser et retirer de leur famille les enfants les plus en danger», ajoutent « Papi et Mamie ». En 1996, ils posaient la première pierre du Centre PSE, à 1 km de la décharge.

Une nouvelle destinée !

Vers 7h30, dès que le Centre ouvre ses portes, quelques 400 enfants -vêtus d’une jupe ou d’un bermuda bleu et d’une chemise blanche- se ruent dans le préau avant que les cours ne commencent. Des rires, des sourires à perte de vue. Ces enfants sont joyeux et vous manifestent une tendresse attachante. «Ici, c’est la vraie vie. Je m’amuse, j’apprends plein de choses et me fais des tas de copines ! Ce n’est plus l’enfer comme sur la décharge où j’ai cru mourir d’épuisement et de faiblesse ! » témoigne Khana, âgée de 13 ans et actuellement en classe de 5è. De la maternelle au bac, le centre assure des cours de rattrapage scolaire. «Après leur bac, nous avons créé trois filières professionnelles. Nous accompagnons ces enfants jusqu’à ce qu’ils trouvent un emploi. Sinon, c’est le retour assuré sur la décharge, ou la prostitution des filles», souligne avec regret Christian des Pallières. 

Cambodge, La Décharge 

		(Photo : Pauline Garaude)
Cambodge, La Décharge
(Photo : Pauline Garaude)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur 8000 enfants vivant dans la décharge, la moitié a été sauvée. Mamie, dont le regard se pose alors sur une pensionnaire traversant la cour, raconte : «Le plus urgent était d’aider les filles violées ou vendues par leurs parents pour 20$! En quelque sorte, nous avons racheté la paix ! ». Lena, l’une d’elles, a 17 ans et vient de rentrer en classe de première. Elle se souvient : «J’avais 13 ans quand Papi et Mamie sont venus me chercher sur la décharge. Pour survivre, je faisais cuire les feuilles des arbres. Ma mère me fouettait avec des barbelés. Le plus dur, ce n’était pas tant d’être pauvre et de ramasser les ordures mais d’avoir une maman qui ne comprenne pas son enfant.». Si Lena ne peut oublier son passé – car «de telles horreurs vous marquent à vie» – son regard est désormais tourné vers l’avenir. «J’adore les sciences et l’un de mes rêves est de devenir aide-soignante car je pourrai aller aider les enfants de la décharge et leur donner la chance que PSE m’a donnée». Coquette, vêtue d’un jean et de petits talons, elle a laissé son uniforme au placard. Comme toutes ses amies d’ailleurs, si enjouées dès que le week end est enfin là !

Pour Sophera, c’est le moment de faire du rugby, sa passion. L’équipe des chiffonniers, dont il est le capitaine, a même été championne du Cambodge ! «Je souris à la vie et la vie me sourit» aime-t-il dire. Et on le comprend. Après avoir eu son bac haut la main, il va faire médecine !  Sa vie a basculé. Comme celle de Sophay, responsable des ventes dans un salon d’esthétique de luxe, de Chey, embauché comme cuisinier au Sofitel... Comme ces 4000 enfants que Papi, Mamie et leur équipe ont sauvés.


par Pauline  Garaude

Article publié le 20/11/2004 Dernière mise à jour le 20/11/2004 à 13:11 TU

Pour en savoir plus: www.pse.asso.fr