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Ukraine

Un troisième tour dans la rue

Des dizaines de milliers de personnes ont investi lundi la place de l’indépendance à Kiev pour dénoncer des fraudes lors du second tour de la présidentielle. Une manifestation organisée à l'appel de Victor Iouchtchenko, le candidat de l'opposition. 

		(Photo : AFP)
Des dizaines de milliers de personnes ont investi lundi la place de l’indépendance à Kiev pour dénoncer des fraudes lors du second tour de la présidentielle. Une manifestation organisée à l'appel de Victor Iouchtchenko, le candidat de l'opposition.
(Photo : AFP)
Accusé de « fraudes massives », le candidat du pouvoir en place est le « vainqueur » officiel de l’élection présidentielle. L’opposition conteste dans la rue et lance une campagne de désobéissance civile.

Les températures inférieures à 0°C n’ont pas refroidi les ardeurs des partisans de l’opposition à Kiev, la capitale ukrainienne. Convaincus que leur candidat, Victor Iouchtchenko, l’a emporté au second tour de l’élection présidentielle, dimanche, des dizaines de milliers de personnes ont investi lundi la place de l’Indépendance à Kiev et entendent y rester jusqu’à ce que leur candidat soit reconnu comme le vainqueur du scrutin. La campagne de « désobéissance civile » ainsi déclenchée semble annoncer un bras de fer ultime en conclusion d’une campagne électorale particulièrement âpre entre partisans d’un rapprochement avec l’Union européenne et tenants de la traditionnelle alliance avec Moscou.

Le « vainqueur » officiel, l’actuel Premier ministre pro-russe, Victor Ianoukovitch, l’a emporté, assure la Commission électorale centrale qui a publié des résultats quasi-définitifs, en contradiction avec les sondages sortie des urnes qui accordaient un avantage à son adversaire (crédité d’au moins trois points d’avance).

Les opposants, souvent qualifiés de pro-Occidentaux, parlent d’un « coup d’Etat » et leur candidat assure que le président sortant Leonid Koutchma (qui ne se représentait pas) est impliqué dans des « fraudes massives » constatées lors du scrutin.

La tension monte

Ces accusations de fraudes sont corroborées par les observateurs de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Le chef de mission de l’OSCE en Ukraine, Bruce George, affirme que « le deuxième tour du scrutin présidentielle ukrainien ne remplit pas un nombre considérable de critères de l’OSCE, du Conseil de l’Europe ni d’autres normes européennes pour une élection démocratique ».

La tension est montée tout au long de la journée de lundi. Aux manifestations de l'opposition à Kiev, le pouvoir à répondu en déployant des troupes autour des locaux de la Commission électorale centrale et autour du siège de la présidence. Par ailleurs, dans la soirée, les forces de sécurité ukrainiennes ont lancé une mise en garde à l'opposition. Le parquet général, le ministère de l'Intérieur et les services de sécurité appelent « les organisateurs de manifestations à prendre leurs responsabilités face aux possibles conséquences » et assurent qu'« en cas de menaces contre le régime constitutionnel et la sécurité des citoyens, nous sommes prêts à mettre fin rapidement et fermement à tout acte illégal ».

Clivage Est-Ouest

A titre d’exemple, les proches de l’opposant Victor Iouchtchenko assurent que le taux de participation officiellement enregistré dans les régions de l’est du pays (régions russophones limitrophes de la Russie) ne peut être que le résultat d’un bourrage des urnes. En effet, la Commission électorale centrale affirme que le taux de participation dans cette partie du pays a atteint 98% alors que la moyenne nationale est établie à 79%. L’OSCE, de son côté, a constaté que les listes électorales s’étaient enrichies de 5% d’électeurs supplémentaires le jour même du vote.

Dans le bras de fer engagé, ce sont deux Ukraine qui s’opposent. La fracture s’est matérialisée par la décision des villes de Kiev, Lviv et Ivano-Frankivsk (toutes situées dans la partie ouest) qui ont refusé de reconnaître les résultats officiels du scrutin. Une fracture traverse le pays. Dans les régions de l’Est, berceau de l’industrie ukrainienne au temps de l’URSS et désormais en pleine restructuration dans des régions où la pratique de la langue russe s’accompagne d’un attachement à la relation avec Moscou. Dans l’Ouest, en revanche, le regard est clairement tourné vers l’Union européenne et la défense de la langue ukrainienne est brandie comme un repoussoir à l’influence de la Russie.

Moscou applaudit, Washington conteste

Dans ce contexte, et sans surprise, les résultats contestés donnés par la Commission électorale centrale ont été applaudis par l’émissaire personnel de Vladimir Poutine en Ukraine qui n’est autre que le président de la chambre haute du Parlement russe. Le chef du Kremlin ne s’est pas exprimé publiquement mais le soutien très appuyé qu’il a apporté à Viktor Ianoukovitch durant la campagne électorale (se rendant même à Kiev à quelques jours du premier tour et prenant la parole à la télévision ukrainienne) ne laissent pas planer de doute sur son choix.

Pour sa part, l’émissaire du président américain à Kiev a dénoncé de « vastes fraudes » tandis que l’Union européenne se déclare « très préoccupée » par le résultat du scrutin. Même préoccupation chez le voisin polonais de l’Ukraine. A Varsovie, le premier ministre Marek Belka a fait part de son « inquiétude » concernant les cas de fraude électorale.



par Philippe  Couve

Article publié le 22/11/2004 Dernière mise à jour le 22/11/2004 à 17:01 TU

Audio

Envoyé spécial de RFI en Ukraine

«Malgré les multiples témoignages faisant état de fraudes massives la commission électorale devrait valider les résultats.»

[22/11/2004]

Envoyé spécial de RFI en Ukraine

«L'Ukraine est entrée ce lundi dans une zone de turbulence à haut risque.»

[22/11/2004]

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«La commission électorale qui est une émanation du pouvoir en Ukraine va prendre tout son temps pour rendre public le verdict des urnes.»

[22/11/2004]

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