Côte d'Ivoire
L'armée française en accusation
(Photo : AFP)
Sur ordre du président de la République française, Jacques Chirac, l’aviation militaire ivoirienne avait été anéantie, le 6 novembre. Cette opération était la réponse de la France aux attaques des avions bombardiers ivoiriens « Sukhoï 25 » qui ont coûté la vie à neuf soldats français de l’opération Licorne et à un Américain. Une trentaine de blessés ont également été recensés. Les ripostes françaises, de Yamoussoukro à Abidjan, ont également consisté à contrôler l’espace aérien ivoirien. L’aéroport, après quelques combats entre les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) et les forces françaises, est passé sous contrôle de ces dernières. Les quartiers résidentiels et sensibles de la capitale économique sont alors quadrillés par les troupes françaises qui tiennent aussi les principaux ponts de la ville.
Mais une réaction entraînant une autre, les partisans du pouvoir d’Abidjan sont descendus dans la rue dénonçant « l’occupation de leur pays et la tentative de renverser le président Laurent Gbagbo orchestrée par la France ». C’est par millier que « les patriotes » ont convergé vers l’aéroport d’Abidjan pour « le libérer », criaient-ils, poussés à l’action par les médias publics, radio et télévision nationales. Les manifestants dans leur élan sont allés vers la base française du 43ème Bataillon d’infanterie de marine (BIMa) « pour déloger les Français », scandaient-ils.
Face à cette situation insurrectionnelle, l’armée française a utilisé la force pour repousser les assaillants et « pour protéger les ressortissants français et étrangers agressés », disent les autorités françaises. Les Ivoiriens condamnent « les moyens démesurés » dont les forces françaises auraient fait usage. Légitime défense pour les uns, agression caractérisée pour les autres, les mots les plus forts sont utilisés par chaque camp pour montrer la brutalité de l’adversaire avec des bilans contradictoires.
« La France n’a pas à être impartiale »
Les autorités ivoiriennes parlent de 63 tués et plus de 1 600 blessés suite aux représailles françaises. Les Français qui n’excluent pas qu’il y ait eu éventuellement des victimes, n’avancent cependant aucun chiffre. « Nous avons effectué des tirs de sommation et n’avons jamais directement tiré dans la foule », expliquent les autorités militaires françaises. Les Ivoiriens soutiennent le contraire en montrant certaines images filmées à Abidjan. Des témoignages recueillis et diffusés font état « de la décapitation de jeunes ivoiriens par l’armée française ». Le président Laurent Gbagbo a qualifié de « vrais » ces différents témoignages et a provoqué une réaction immédiate de la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, qui a estimé que le président ivoirien « se place dans le registre de la manipulation des foules à Abidjan en l’absence de toute presse libre et indépendante ». Le chef de l’Etat ivoirien a également mis en doute la mort des soldats français à Bouaké. « Je n’ai pas vu de corps », a-t-il soutenu, suscitant l’indignation des autorités françaises.
Alors que la rue continue de demander le départ des troupes françaises de Côte d’Ivoire, le président ivoirien souhaite le contraire mais en redéfinissant leur mission dans son pays. « La France n’a pas à être impartiale dans le conflit qui secoue la Côte d’Ivoire. (…) La France aurait dû être à nos côtés contre cette agression», a-t-il soutenu en se fondant sur les accords de défense signés entre les deux pays au début des années 60.
par Didier Samson
Article publié le 22/11/2004 Dernière mise à jour le 22/11/2004 à 18:43 TU