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Italie

Relaxe pour Berlusconi, prison pour son ami Dell’Utri

Silvio Berlusconi est à nouveau passé entre les mailles de la justice, vendredi 10 décembre. Le tribunal de Milan l’a exonéré de toute sanction dans une affaire de corruption de magistrats. 

		(Photo : AFP)
Silvio Berlusconi est à nouveau passé entre les mailles de la justice, vendredi 10 décembre. Le tribunal de Milan l’a exonéré de toute sanction dans une affaire de corruption de magistrats.
(Photo : AFP)
Vendredi, le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, a été relaxé dans son procès pour corruption de magistrats. A peine a-t-il eu le temps de savourer, en compagnie de ses alliés, sa victoire contre les «juges politisés» car, samedi matin, le tribunal de Palerme a condamné en première instance à une peine de neuf ans de prison pour complicité avec la mafia l’un de ses amis les plus intimes, le sénateur Marcello Dell‘Utri, numéro 3 du parti Forza Italia. Selon l’accusation, Marcello Dell’Utri aurait été depuis la fin des années soixante-dix «l’ambassadeur des intérêts de Cosa Nostra dans le milieu industriel milanais et en particulier au sein du groupe Fininvest».
De notre correspondante à Rome

La course du temps, mais aussi d’excellents avocats et une cour consciente du rôle actuel de Silvio Berlusconi : voila les principaux ingrédients qui ont permis au chef du gouvernement italien d’éviter une condamnation pour corruption de magistrats. Mais il faut revenir sur les faits pour mieux comprendre qu’en aucun cas l’homme le plus riche d’Italie – Silvio Berlusconi est classé au treizième rang des grandes fortunes mondiales – ne peut pas être considéré comme lavé de tout soupçon. Le procès en question a en effet pour origine la vente, en 1985, à l’industriel Carlo De Benedetti du colosse agro-alimentaire public SME, appartenant à l’Institut pour la reconstruction industrielle (Iri), présidé à l’époque par Romano Prodi – l’ex président de la Commission Européenne et le nouveau leader pressenti de la coalition de centre gauche.

Insuffisance de preuves ?

Le pré-contrat valorisait la SME à 247 millions d’euros. A la demande du chef du gouvernement de l’époque, feu le socialiste Bettino Craxi, qui estimait que Romano Prodi faisait un trop beau cadeau à son ami De Benedetti, Silvio Berlusconi (qui était très proche de Craxi) avait fait une contre proposition avec l’appui du fabriquant de pâtes Barilla et le chocolatier Ferrero.  En 1986 le tribunal civil de Rome leur donna raison. Six ans plus tard la SME  fut vendue, par tronçons, au prix total de 1, 2 milliard d’euros. Il aura fallu attendre 1998 pour qu’un témoin, Stefania Ariosto, l’ex-compagne d’un des avocats de Silvio Berlusconi déclare aux magistrats de Milan que des pots-de-vin avaient été versés à des juges romains afin qu’ils servent les intérêts du groupe Fininvest, notamment dans l’affaire SME, d’où l’ouverture du procès dit SME en l’an 2000.

Dans ce procès, le ministère public incarné par Ilda Boccassini s’est fondé sur une masse considérable de documents pour requérir contre Silvio Berlusconi une peine de huit ans de prison (pour corruption de juges) assortie de l’interdiction à vie d’exercer une charge publique. La défense, elle, a plaidé pour l’acquittement pur et simple. La cour a tranché. Concernant l’affaire SME, Silvio Berlusconi a été relaxé pour insuffisance de preuves. Quant à la seconde accusation de corruption des magistrats mis au service de sa holding Fininvest dans les années 80-90, par le jeu de circonstances atténuantes, les délais de prescription ont été réduits de quinze ans à sept ans et demi. Il est donc trop tard pour sanctionner Silvio Berlusconi.

Comme  le souligne l’éditorialiste du quotidien La Repubblica, Giuseppe D’Avanzo, «l’esprit public italien qui n’a pas connu la Réforme a inventé l’esprit florentin, un mélange de compromis, de tolérance et de filouterie. Nous pouvons donc dire que le  jugement rendu par la cour de Milan est tout à fait en harmonie avec l’esprit public italien». Reste à savoir quelles peuvent être les conséquences politiques de ce jugement pour Silvio Berlusconi. Quant à lui, sa réponse est claire. «Finalement la justice politique a échoué, nous pouvons trinquer pour une longue vie, j’avais raison de me sentir serein parce que j’avais la pleine conscience de n’avoir commis aucun délit et maintenant la gauche n’aura plus aucun argument contre moi», se félicite-t-il.

L’avocat de l’Etat, Domenico Salvemini, a cependant bien souligné qu’il y a «un abysse entre l’acquittement et la prescription» . Et au sein de l’opposition on peut comprendre la furie de l’ancien magistrat vedette des opérations «mains propres», Antonio Di Pietro, chef d’un petit parti centriste et député européen. Pour lui «Si Berlusconi s’en est sorti, c’est uniquement parce qu’il a pu compter sur les circonstances atténuantes, il n’est pas innocent». Que Silvio Berlusconi ne brille pas son innocence cela parait évident. Pour preuve, son ami de quarante ans, le sénateur sicilien, Marcello Dell’Utri, engagé dans la holding Fininvest dès 1973, co-fondateur du parti Forza Italia dont il est devenu le numéro trois, a été reconnu coupable de complicité avec la mafia par le tribunal de Palerme.

Selon la cour qui l’a condamné, en première instance, à neuf ans de prison et à l’interdiction à vie d’exercer une fonction publique, Marcello Dell’Utri a servi depuis la fin des années soixante-dix d’ambassadeur à Cosa Nostra, la mafia sicilienne. Et cela, dans les milieux industriels milanais et en particulier au sein du groupe Fininvest. Dans ses déclarations, Marcello Dell’Utri a confié que Silvio Berlusconi était «très éprouvé par cette nouvelle mais», a t-il précisé, «dire, comme l’a affirmé l’ancien président de la République, Francesco Cossiga, que ma condamnation est aussi une condamnation morale pour le chef du gouvernement, cela me semble exagéré».



par Anne  Le Nir

Article publié le 12/12/2004 Dernière mise à jour le 12/12/2004 à 09:13 TU