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Italie

Silvio Berlusconi en guerre contre les juges

Poursuivi par le parquet de Milan pour corruption de magistrats, le chef du gouvernement italien se rendra lundi devant les juges du parquet de Milan pour «faire des déclarations spontanées», selon ses avocats.
De notre correspondante à Rome

Dans ce procès, Silvio Berlusconi et son éminence grise, l’avocat et député du parti de Forza Italia, Cesare Previti, sont accusés d’avoir corrompu des magistrats pour obtenir un jugement empechant, en 1985, l’homme d’affaires Carlo De Benedetti, patron de Buitoni à l’époque, de racheter le colosse agro-alimentaire public Sme. L’objectif, (finalement avorté car l’État n’a vendu la Sme ni à De Benedetti ni à Berlusconi) était de permettre à la Fininvest, la holding du chef du gouvernement italien, d’acquérir ce groupe.

Cesare Previti, qui fut également le ministre de la défense de Silvio Berlusconi lors de son premier gouvernement en 1994, vient d’être condamné (29-04) à dix ans de réclusion en première instance, pour avoir acheté des décisions de justice qui se sont révélées, par la suite, profitables à la holding Fininvest. Celle-ci ayant pu acquérir, en 1991, la célèbre maison d’édition italienne Mondadori. Cette lourde sentence est un coup dur lui mais aussi pour Silvio Berlusconi car le verdict pourrait avoir valeur d’exemple.

En clair on peut supposer que Silvio Berlusconi, poursuivi pour le même type de délit, par le même parquet, écopera lui aussi, d’une peine sévère. Une condamnation qui, comble de malchance pour le magnat des média italien, pourrait tomber au début du mois de juillet au moment où il prendra la présidence semestrielle de l’Union européenne.

Dans ce contexte, on comprend mieux pourquoi l’homme le plus riche d’Italie, dès son installation au pouvoir en 2001, s’est hâté de faire adopter par le Parlement des lois
visant à ralentir son procès et ceux de ses proches collaborateurs, et pourquoi il s’en prend maintenant avec une telle virulence à la justice italienne. Mais il n’en demeure pas moins que Silvio Berlusconi est chef de gouvernement et qu’en tant que tel, ses propos et ses agissements ont de quoi choquer.

L’appel du président de la République

Sa première démarche, à la suite de la sentence des juges du Parquet de Milan, qu’il a toujours qualifiés de «toges rouges» a été d’envoyer une lettre ouverte au Foglio le quotidien de la droite libérale dirigé par un de ses amis, Giuliano Ferrara. Dans cette lettre, Silvio Berlusconi affirme que «l’objectif de la sentence Préviti n’est pas de rendre justice mais de frapper les forces qui ont reçu le mandat de gouverner et de moderniser l’Italie». Et de souligner: (...) «Les magistrats politisés ne peuvent choisir, dans une logique de coup d’État, le gouvernement qu’ils préfèrent». De son côté, Cesare Previti a de nouveau clamé son innocence en affirmant que «la persécution judiciaire a atteint son comble».

A la suite de ces attaques, le président de la République, Carlo Azeglio Ciampi, la plus haute autorité morale de l’État italien, a lancé un appel public «pour le respect des sentences des tribunaux» mais aussi pour tenter de conjurer le risque d’un grave conflit institutionnel. De toute évidence, cet appel n’a pas été entendu par M. Berlusconi incapable de contrôler son hostilité viscérale à l’encontre des juges de Milan. Résultat, les polémiques sur la justice provoquent un climat de tensions de plus en plus fortes en Italie.

Se félicitant, vendredi soir, de l’acquittement par la cour d’appel de Palerme de l’ancien chef du gouvernement, Giulio Andreotti, accusé de complicité avec Cosa Nostra, la mafia sicilienne, Silvio Berlusconi a parlé «d’échec d’un des grands théorèmes des justiciers qui furent appliqués il y a une dizaine d’années (à l’époque des scandales mains propres) pour conditionner et déformer le visage de la démocratie italienne». Le président du Conseil estime, par conséquent, qu’il faut réintroduire de toute urgence l’immunité parlementaire, abolie à cette époque, et suspendre les procès contre les plus hautes autorités de l’État dont le mandat est en cours (chef d’État, chef de gouvernement, ministres, présidents du Sénat et de la Chambre des députés, parlementaires et même présidents des régions italiennes).

Persévérant dans son lynchage symbolique d’une certaine partie de la magistrature, Silvio Berlusconi a provoqué l’indignation du Conseil supérieur de la magistrature. Celui ci a d’ailleurs déclaré qu’il défendrait «l’honorabilité et l’impartialité des juges milanais qui ont été insultés». Au sein de la coalition de centre-droit, l’embarras est évident on en veut pour preuve le silence du vice-président du Conseil et président de l’Alliance Nationale Gianfranco Fini. Quant à l’opposition de centre-gauche, elle promet de faire respecter le concept de la loi égale pour tous, une tâche qui s’annonce cependant bien ardue.



par Anne  Le Nir

Article publié le 03/05/2003