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Italie

Gianni Agnelli : «l’avvocato» est mort

Le patron emblématique de Fiat, Gianni Agnelli, est décédé vendredi, à l’âge de 81 ans, des suites d’un cancer de la prostate. Cet homme qui a fait de son entreprise le premier groupe industriel italien, s’est éteint dans sa maison de Turin, la ville à partir de laquelle il a présidé aux destinées de son empire pendant près de soixante ans. Sa disparition marque la fin d’une époque.
On le savait malade mais l’annonce de la mort de Gianni Agnelli, qui sera inhumé dimanche, n’en a pas moins suscité une grande émotion en Italie où tous les représentants de la classe politique lui ont rendu hommage. Silvio Berlusconi, le président du Conseil, qui a pourtant eu des relations difficiles avec le patron de Fiat, l’a décrit comme «un champion de l’esprit d’entreprise italien et un protagoniste royal sur la scène mondiale».

Il est vrai que cet homme a eu un parcours hors norme. Il a à peine 14 ans lorsque son grand-père, le fondateur de Fiat, le désigne comme héritier du groupe, après la mort de son père dans un accident d’avion. Il commence sa carrière dans la société familiale en 1943 en tant que vice-président, après avoir passé un diplôme de droit qui lui vaut l’un de ses nombreux surnoms : «l’avvocato». Il prend véritablement les rênes du groupe en 1966 et ne les lâchera plus jusqu’en 1996, date à laquelle il passe la main mais conserve le titre de «président d’honneur». Affaibli par deux opérations du cœur et finalement par la maladie qui l’a emporté aujourd’hui, il est quand même toujours resté le pivot de la dynastie Agnelli. Et jusqu’à sa mort, aucune décision ne s’est prise sans son avis.

C’est avec lui que Fiat devient le premier groupe industriel italien, étend ses activités à de nombreux secteurs autres que l’automobile et prend une dimension internationale. Des machines agricoles à la métallurgie, en passant par l’aéronautique et les machines outils, les groupe Agnelli devient un empire aux multiples ramifications. Dont la Scuderia Ferrari, la plus prestigieuse écurie de Formule 1 et la Juventus de Turin, l’un des principaux clubs de football européens, sont deux fleurons. D’ailleurs, Gianni Agnelli s’est toujours intéressé de très près à ces activités «sportives» allant jusqu’à dire, lors d’une interview : «Fiat c’est toute ma vie pendant la semaine. Le dimanche, c’est la Juve».

Du play-boy au patriarche

Du jeune Gianni, habitué de la jet-set, séducteur invétéré dont les aventures avec des actrices aussi belles que célèbres comme Anita Ekberg, Rita Hayworth ou Danielle Darieux, défrayent la chronique, au chef de famille omnipotent et respecté, il n’y a qu’un homme et quelques années d’écart. Juste le temps de profiter de sa dolce vita de play-boy milliardaire, d’écumer les boites de nuit et les palaces, avant de se marier avec une élégante princesse italienne, Marella Caracciolo di Castegnato, en 1953. De cette union sont nés deux enfants, Edoardo et Margherita.

Les relations de Gianni avec son fils sont houleuses. Tant et si bien qu’il choisit très vite de désigner son neveu Alberto, le fils de son frère Umberto, comme son futur successeur. Mais celui-ci meurt en 1997. Quant à Edoardo, il se suicide en 2000. Dès cette époque, se pose de nouveau la question de la succession d’un homme que l’on décrit comme le «roi sans couronne» d’une Italie dans laquelle son influence dépasse de loin le cadre des affaires. D’ailleurs, celui qui est un interlocuteur incontournable des hommes politiques du pays, devient sénateur à vie en 1991.

Giovanni Agnelli a été jusqu’au bout un véritable patriarche qui a toujours fait en sorte de conserver à son groupe un caractère familial malgré les difficultés financières des dernières années. Son décès, ce vendredi, est survenu le jour même où devait se tenir une importante réunion de la commandite familiale, actionnaire majoritaire du groupe. La réunion a eu lieu et Umberto (68 ans), le frère cadet de Gianni, a été désigné président. Il pourrait reprendre la tête du Fiat d’ici l’été 2003 après le départ du dirigeant actuel, Paolo Fresco. Mais de l’avis de nombreux observateurs, celui que «l’avvocato» aurait adoubé avant de mourir et qui pourrait recevoir ses actions en héritage, est son petit-fils, John Philip Elkann (26 ans), l’un des enfants de Margherita. Certains le verraient bien accéder rapidement au poste de vice-président de Fiat, là-même où son grand-père a commencé son initiation, il y a 60 ans.



par Valérie  Gas

Article publié le 24/01/2003