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Congo démocratique

Des militaires sacrifiés

Les rebelles de Kanyabayonga ont chassé l'armée régulière de la ville. 

		(Photo : AFP)
Les rebelles de Kanyabayonga ont chassé l'armée régulière de la ville.
(Photo : AFP)
Plus de 100 000 personnes ont déserté les localités prises ces derniers jours par d’anciens rebelles soutenus par le Rwanda dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Les militaires envoyés par le gouvernement pour stopper cette avancée ne sont appuyés ni par l’aviation, ni même par des blindés. Ils se sentent sacrifiés. La Mission d’observation des Nations unies en République Démocratique du Congo pourrait être amenée à intervenir militairement si les anciens rebelles menaçaient Lubéro, à environ 120 kilomètres au Nord Kanyabayonga, dans l’Est de la RDC.

De notre envoyé spécial sur le front de Kayna

L’armée congolaise est confrontée à un problème de discipline. Dimanche, plusieurs bataillons ont encore lâché prise devant l’intensité des combats. Les fuyards ont tenté, par milliers, de rejoindre Lubéro, la principale localité, plus de 100 kilomètres au nord du front.

Pour les arrêter, une frêle barrière en bois a été placée au travers de cette étroite route de montagne bordée d’eucalyptus centenaires. Dans la campagne alentour qui rappelle certains paysages de Suisse, l’armée régulière a tendu des embuscades pour attraper les déserteurs. L’un d’eux vient d’être arrêté. Il est habillé en civil mais dissimule maladroitement une arme automatique sous son blouson. Il est bientôt désarmé. La foule se rassemble autour de lui. Il a peur. Mais les militaires qui l’ont arrêté l’amènent poliment. « Il passera devant l’auditorat militaire », affirme un officier. En réalité, la plupart des fuyards et des déserteurs seront renvoyés sur le front.

L’armée gouvernementale va se battre avec pour seules armes des fusils automatiques. On ne voit toujours pas d’aviation ni même de blindés.

Au front de Kanyabayonga, se sont ajoutés ces derniers jours ceux de Walikale et du Masisi, à l’ouest des régions contrôlées par l’ancien RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie) Goma. C’est donc une vaste partie de l’est de la République Démocratique du Congo qui est de nouveau en guerre alors que les troupes gouvernementales et des mouvements de défenses villageois dits « maï-maï », tentent de mettre fin à l’influence rwandaise dans le Nord Kivu.

Les localités prises dimanche par les anciens rebelles pro rwandais ont été totalement désertés par la population. Les combats n’ont pourtant pas été très acharnés. Selon le général Onoya qui est chargé du déploiement de l’armée gouvernementale dans cette région, la plupart de ses blessés ont reçu des balles dans le dos. L’armée gouvernementale a donc fui. Depuis Kanyabayonga qui avait été prise dimanche, jusqu’à Kirumba, qui a été prise hier, ce n’était ce matin, sur une trentaine de kilomètres, qu’un profond silence. Pas âme qui vive. Des maisons systématiquement pillées. Une désolation qui témoigne de la terreur que suscitent ces anciens rebelles soutenus par le Rwanda qui progressent vers le nord. Plus de 100 000 personnes ont fui dans les montagnes environnantes. Ces déplacés sont totalement livrés à eux-même. Cela fait en effet déjà une semaine que les rares organisations humanitaires présentes dans la région, dont MSF-France, ont dû plier bagages.

La grenouille qui mange un bœuf

La reprise des combats a surpris les troupes régulières. Ces derniers jours, elles étaient essentiellement occupées à réorganiser leurs positions et à transporter les derniers blessés après la défaite de mercredi dernier. Ce jour-là, les troupes régulières avaient dû se retirer à trois kilomètres au nord de Kanyabayonga, une ville verrou pour les territoires encore sous le contrôle indirect du Rwanda, plus au sud.

C’est l’histoire d’une grenouille qui mange un bœuf. En effet, le Rwanda, qui est l’un des plus pauvres et des plus petits pays d’Afrique, s’attaque depuis huit ans, par mouvements armés interposés à son immense voisin, grand comme l’Europe occidentale et riche en minerais. Les combats en cours témoignent de l’absolue nécessité pour la dictature militaire de Kigali de conserver la mainmise sur une partie de cet espace généreux. Avec le soutien feutré des États-Unis, le président Kagamé tente d’y créer des colonies de peuplement tutsies. Pour la République Démocratique du Congo, il s’agit d’empêcher la création d’une situation à la Palestinienne.

Jusqu’à présent, le Rwanda, contre toute évidence, continue de nier qu’il dirige et arme les anciens rebelles du RCD-Goma. La communauté internationale hésite à dénoncer ouvertement cet état de fait pour ne pas encourager Kigali à déclarer de nouveau officiellement la guerre à son immense voisin.

La Mission d’observation des Nations unies (Monuc), très critiquée par la population congolaise pour sa passivité, ne sort plus de sa base avancée de Lubéro où les militaires sud-africains se bornent à faire des allers-retours entre leur base, au sommet d’une colline et un bar à putes en contrebas. Mais si les anciens rebelles continuent leur avancée vers le Nord, c’est finalement bien la Monuc qui pourrait être amenée à les stopper.

par Gabriel  Kahn

Article publié le 21/12/2004 Dernière mise à jour le 21/12/2004 à 10:18 TU

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Honoré Ngbanda

Ancien ministre de la Défense du Maréchal Mobutu

«Si Mobutu est tombé, c’est aussi parce que la population ne l’a plus soutenu.»

[12/12/2004]

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