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Chine

La révolte des «ouvriers paysans»

Pour des raisons liées à des injustices sociales ou ethniques, les violences collectives se sont multipliées dans plusieurs provinces du pays. 

		( Photo : AFP )
Pour des raisons liées à des injustices sociales ou ethniques, les violences collectives se sont multipliées dans plusieurs provinces du pays.
( Photo : AFP )
Accusé d’avoir volé une mobylette, un jeune travailleur migrant a été battu à mort par la police dans la ville de Dongguan dans la province méridional du Guangdong. Suite à cet incident, des milliers de personnes sont descendus samedi dans la rue pour affronter les forces de police. Bilan non officiel de cette émeute de grande ampleur rapporté par la presse de Hongkong : 4 morts et une centaine de blessés.

De notre correspondant en Chine.

Vendredi dernier, dans un bourg situé entre Hongkong et Canton, un jeune adolescent a été battu à mort par la police après avoir été soupçonné d’avoir volé une moto, rapportait la presse hongkongaise de dimanche. C’est à la suite d’un accident de moto qui aurait causé la mort d’une autre personne que le prétendu « voleur » aurait été arrêté puis frappé par plusieurs policiers. Samedi, les proches de ce jeune « migrant » originaire de la province du Hunan sont venus demandés des comptes à la police, rejoints dans l’après midi par plus de 50 000 personnes, tous également des travailleurs migrants. La confrontation avec les forces de police a rapidement dégénéré lorsque des voitures de police ont été incendiées. Selon les témoins interrogés par l’Apple Daily, un tabloïd hongkongais, les policiers auraient violemment frappé plusieurs manifestants notamment ceux aux allures de mingongs, c’est à dire littéralement des « paysans ouvriers ».

La ville de Dongguan dans laquelle se sont déroulées les émeutes est réputée pour être un grand centre industriel du delta de la rivière des Perles dans lequel des centaines de milliers de travailleurs issus d’autres provinces chinoises travaillent d’arrache-pied nuit et jour pour seulement quelques dizaines d’euros. La presse locale et nationale n’avait toujours pas évoqué lundi le moindre incident. Comme à son habitude, les autorités concernées par ce type d’événement préfèrent ne pas ébruiter l’affaire afin de ne pas jouir d’une mauvaise réputation et de ne pas envenimer la situation.

Discriminations

Corvéables à merci, les travailleurs migrants sont régulièrement victimes de plusieurs types de ségrégation à travers tout le pays. Ne possédant pas le permis de résidence nécessaire pour travailler dans une province autre que celle de leur région d’origine, ils sont considérés par les autorités comme illégaux et deviennent en quelque sorte des travailleurs clandestins dans leur propre pays. Pour cette raison, on qualifie de flottante cette population qui cherche une vie meilleure dans les grandes métropoles chinoises. Employés sur les chantiers, dans les mines illégales ou dans les restaurants, ils sont très peu payés malgré des horaires de travail proche des 70 heures par semaine. Ils sont aussi les premiers touchés par le non versement des arriérés de salaires. Pire encore, la question de la scolarisation de leurs enfants n’a toujours pas été réglée. Il est ainsi quasiment impossible pour un enfant de travailleurs migrants d’être scolarisé dans une école publique dans la ville ou travaillent ses parents.

Augmentation des violences sociales

Ce genre d’émeutes n’est pas nouvelle en Chine. Depuis plusieurs semaines et pour des raisons certes différentes mais toujours liées à des injustices sociales ou ethniques, les violences collectives se sont multipliées dans plusieurs provinces et campagnes du pays. L’une des dernières en date s’est produite dans la province du Henan ou une émeute entre Chinois de la minorité musulmane Hui et Chinois Han avait fait plus d’une vingtaine de morts au mois d’octobre dernier. Si l’émeute du Guangdong a été une fois de plus étouffée par les autorités, le pouvoir chinois n’est pas à l’abri de nouvelles contestations de plus en plus violentes. Faut-il y voir dans ce cas précis une prise de conscience de la part d’un groupe habituellement marginalisé en Chine ? Il semblerait en tout cas que la mort d’un migrant battu par la police ait poussé à bout ces travailleurs de l’ombre, provoquant une révolte plutôt rare pour des personnes qui vivent modestement dans la peur quotidienne d’être licencié ou souvent maltraités.

par Michaël  Sztanke

Article publié le 27/12/2004 Dernière mise à jour le 27/12/2004 à 12:07 TU