Il y a au moins 400 000 ans sur la terre d’Afrique commençait la grande aventure de notre espèce, de son combat pour la survie, de sa lente acquisition des connaissances, et de sa fulgurante expansion territoriale sur tous les continents du globe. Pour raconter les 200 000 dernières années de la préhistoire de l’humanité, un second opus de l’Odyssée de l’espèce, (doté d’un budget de 4 millions d’euros) sort sur les écrans de télévision. Jacques Malaterre, le réalisateur, et son équipe se sont appuyé sur la rigueur scientifique du paléo-anthropologue Yves Coppens, directeur et professeur au museum national d’Histoire naturelle pour s’assurer de la crédibilité du propos. Le réalisateur a su trouver tous les ingrédients qu’il fallait pour réussir un coup de maître: divertir, émouvoir et apprendre tout à la fois; mais il convient de souligner qu’il ne s’agit pas d’un film scientifique, ce qui laisse une porte ouverte sur une révision des thèses qui y sont avancées, plausibles et largement admises, mais non unanimement, par les spécialistes scientifiques.
Quatre millions d’euros, associant de très nombreux partenaires, ont été investis pour cette collaboration entre France 3 télévision et la Radio télévision belge francophone (RTBF): cet événement est une coproduction internationale de grande envergure dans laquelle France Télévisions a investi plus du tiers de la mise (soit 1,7 millions), aux côtés du Canada, de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Espagne, mais aussi des Américains, des Suisses, des Chinois, des Australiens, des Néo-Zélandais, des Britanniques, des Russes et des Slovaques: «tout le monde était sensible au sujet», a déclaré Frédéric Fougea, le producteur. Le film a nécessité 100 000 km de repérages dans le monde, et mobilisé150 acteurs, ainsi que deux cents figurants en Europe, en Amérique du nord et en Afrique du Sud. Quant aux conditions de tournage, elles ont été parfois dantesques, même si les comédiens n’ont affronté que des pachydermes en 3D: en anecdote, Jacques Malaterre rapporte que lors du casting, il a répété aux 900 comédiens qui se présentaient: «je viens pour vous décourager de faire ce film car on ne vous reconnaîtra pas, vous allez avoir très chaud et très froid, vous allez manger de la viande crue».
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(Photo : Sylvain Legrand /France 3) |
Le premier représentant direct de notre espèce s’appelle
l’homo sapiens, le «deux fois sage» selon la terminologie scientifique en vigueur.
Homo sapiens fait suite au film
l’Odyssée de l’espèce, diffusé en janvier 2003, dont la programmation avait fait sauter l’audimat, en conquérant 8,7 millions de téléspectateurs, un record historique pour la diffusion d’un documentaire sur la chaîne. Il reprend l’histoire là où l’
Odyssée l’avait laissé, depuis
homo erectus il y a 300 000 ans environ jusqu’à – 10 000 ans avant notre ère: «
l’Odyssée abordait des découvertes pointues telles le feu, ou l’outil (…) dans homo sapiens, il faut aborder l’aspect social, l’imaginaire, faire comprendre au téléspectateur l’idée d’une vie après la mort par exemple, sans la voix off et sans que les dialogues jouent puisque c’est un langage inventé», souligne Jacques Malaterre qui signe cette fable humaniste.
«Il y a des romans historiques, pourquoi pas des romans préhistoriques»
A la question «A votre avis, d’où vient cet intérêt pour le passé ? », le réalisateur répond : «les gens ont besoin de sentir d’où ils viennent et pourquoi ils sont là, et quelles sont les tribulations par lesquelles est passé l’homo erectus -primate qui se déplace debout et découvre l’outil et le feu- pour arriver à l’homo sapiens, qui va conquérir le monde, domestiquer la nature, et en plus découvrir des mondes invisibles». Pour la directrice de l’unité documentaire de France 3, Patricia Boutinard Rouelle, l’objectif avoué est que le film «imprègne suffisamment l’imaginaire des téléspectateurs et du public pour devenir la représentation de l’homo sapiens pour le grand public»: «Il y a des romans historiques. Pourquoi pas des romans préhistoriques»,s’exclame Yves Coppens.
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(Photo : Sylvain Legrand /France 3) |
Cette docu-fiction, désignée comme «
un roman préhistorique» par Yves Coppens, tend à raconter que nous sommes «
tous cousins», déclare Jacques Malaterre, tous issus du genre
homo, une immense famille dont les membres se différencient par leur développement -morphologique, culturel ou régional- mais avec lesquels apparaissent la pensée, l’imaginaire, la conceptualisation, l’expression artistique, la cohabitation. Le réalisateur a choisi de mettre l’accent sur l’entraide et l’intelligence, moteurs de progrès, comme caractéristiques remarquables de cet
homo sapiens: «
nous sommes à la naissance de toute intériorité humaine et très loin de l’image de l’homme préhistorique imbécile», souligne Jacques Malaterre.
Afin d’immerger de manière crédible le téléspectateur dans ses origines oubliées, le réalisateur du film, a fait valider son travail final par Yves Coppens, qui a biffé les anachronismes, allant jusqu’à «rectifier les maquillages et les gestes des comédiens», (…) «de façon à ce que le film se tienne le plus près possible de ce que l’on croit être la vérité de la préhistoire». Le paléoanthropologue assure avoir veillé au maximum à «limiter le grand écart entre la rigueur scientifique et le pouvoir d’interprétation de la fiction», même si comme il le pense lui-même «il n’est pas sûr que l’homo sapiens soit sorti d’Afrique»: «de plus en plus la science comblera le manque d’information et réduira la part de l’art. Mais il restera toujours une grande part d’imagination, sauf si on arrive à cloner les mammouths», ajoute-t-il «et le moment où il faut passer de la science à la fiction est celui que mon collègue finlandais, Bjoern Kurten, aujourd’hui décédé, appelait le sheet point, le point de zapping : ce point est atteint lorsque le spectateur décide de changer de chaîne».
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(Photo : Sylvain Legrand /France 3) |
Anticipant sur un nouveau succès d’audience, les producteurs
d’homo sapiens, Barthélémy et Frédéric Fougea, vont proposer de nombreux produits associés. En marge de cette production qui doit être diffusée le 11 janvier 2005 sur France 3 (la première avait lieu sur la RTBF en décembre dernier), le film sera complété par un
making off (le film de la réalisation du film), et par trois documentaires de 52 minutes chacun sur les croyances, la chasse et la domestication de la nature. Toutefois, renseignement pris auprès du service de presse à France 3 Télévision, la diffusion du film sur la chaîne internationale francophone TV5 n’est pas prévue avant au moins deux ans. De leur côté, les éditions Flammarion publieront plusieurs ouvrages destinés à la jeunesse, et France 3 prévoit une sortie du film dans une trentaine de salles en France. Enfin, la maison d’édition Bamboo prévoit pour la fin janvier 2005 l’adaptation en bande dessinée de la suite de l’Odyssée de l’espèce, assorti d’un carnet pédagogique de huit pages.