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Cuba

Dégel diplomatique avec l’Union européenne

Felipe Perez Roque, ministre cubain des Affaires étrangères, estime que l'Union européenne a repris le chemin de la confrontation au lieu de celui du dialogue.(Photo : AFP)
Felipe Perez Roque, ministre cubain des Affaires étrangères, estime que l'Union européenne a repris le chemin de la confrontation au lieu de celui du dialogue.
(Photo : AFP)
Cuba a officiellement rétabli lundi ses contacts avec tous les pays de l’Union européenne. Une décision qui met fin à un an et demi de gel diplomatique entre La Havane et Bruxelles. Retour sur une lente reprise du dialogue, autour de la question des droits de l’homme.

De notre correspondante à La Havane

« A partir de cet instant, Cuba rétablit ses contacts officiels au niveau gouvernemental avec tous les pays de l’Union européenne », a annoncé lundi matin le ministre des Affaires étrangères cubain, Felipe Perez Roque, lors d’une allocution à la presse étrangère.

Une déclaration qui met un terme à un an et demi de gel diplomatique. « Gel » et non rupture, car les relations entre Cuba et l’Union européenne n’ont jamais été rompues à proprement parler : les ambassadeurs européens à La Havane sont restés présents dans l’île et leurs légations ont continué leur travail.

Mais ce travail s’est trouvé considérablement réduit : plus de conversations téléphoniques, formelles ou informelles, avec des fonctionnaires, plus de rencontres avec les responsables cubains, plus de présence cubaine officielle aux réceptions des ambassades, l’isolement en somme, pendant un an et demi —une situation inédite dans l’histoire de la diplomatie.

Ce « gel » de la part de Cuba répondait à la politique commune adoptée par Bruxelles en juin 2003. Après les lourdes condamnations de 75 opposants (accusés par La Havane d’être « des mercenaires payés et dirigés par les Etats-Unis »), et l’exécution de trois hommes qui avaient détourné un bateau pour quitter l’île, l’Union avait protesté en adoptant des sanctions diplomatiques : restriction des visites politiques de haut niveau, diminution des relations culturelles, et, surtout, invitation des opposants encore en liberté aux fêtes nationales des ambassades européennes. Cette dernière mesure peut paraître marginale, mais elle signifiait la reconnaissance officielle et médiatisée d’une opposition intérieure cubaine. Une reconnaissance inacceptable pour le gouvernement castriste, qui a aussitôt gelé tous ses contacts avec les pays européens.

Ni les dissidents, ni les fonctionnaires

Après plus d’un an de statu quo, l’arrivée au pouvoir des socialistes en Espagne a changé la donne. Dès le mois de mai 2004, le gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero s’est prononcé contre ces sanctions diplomatiques, les jugeant contre-productives. Prenant le contre-pied du gouvernement précédent de José Maria Aznar, Zapatero a multiplié les gestes vers Cuba, au sein de l’Union.

De façon inattendue, et après un an et demi de silence ou d’hostilité (comme lors du discours du 1er mai 2004 où Fidel Castro avait qualifié l’Union européenne de « mafia alliée et subordonnée à Washington »), Cuba a emboîté le pas à l’Espagne, d’abord en rétablissant ses contacts avec elle, puis en libérant conditionnellement début décembre sept des 75 opposants condamnés en 2003 (sept autres avaient déjà été libérés pour raisons de santé au cours des mois précédents).

Une semaine plus tard, le comité Amérique latine (Colat) de Bruxelles, qui devait examiner la politique commune européenne envers Cuba, a recommandé sa modification : reprendre les visites de haut niveau, renouer les contacts culturels, et, concernant le point sensible, cesser d’inviter les dissidents aux réceptions officielles, à la condition de ne pas inviter non plus les fonctionnaires cubains. Une décision de compromis, là aussi plutôt inédite en diplomatie. Ce ne sont pour le moment que des recommandations, qui doivent encore être validées fin janvier à Bruxelles par tous les pays membres, à l’unanimité.

Confiante, et peut-être aussi pour donner des gages de bonne volonté, Cuba a donc décidé la semaine dernière de renouer ses contacts avec huit des pays de l’Union, puis ce lundi, avec la totalité (y compris les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, dont les positions sont très critiques envers La Havane).

 
« Un formidable pas en avant»

Les opposants cubains, au cœur de ce feuilleton diplomatique entre La Havane et Bruxelles, ont diversement accueilli cette reprise des contacts. « Nous allons continuer à travailler pour atteindre la démocratie à Cuba, même si l’Union européenne nous tourne le dos et soutient le gouvernement cubain », a déclaré Marta Beatriz Roque, une économiste condamnée à 20 ans de prison en avril 2003, en liberté conditionnelle depuis juillet dernier.

D’autres personnalités de l’opposition, comme Eloy Gutiérrez Menoyo, dirigeant de lquote organisation Cambio cubano (Changement cubain), voient au contraire ce changement comme un progrès : « Je considère que c’est un formidable pas en avant, du moins pour ce qui concerne la position défendue par Cambio Cubano, selon laquelle on n’obtient rien par la confrontation », a déclaré l’ex-guerrillero, qui fut emprisonné pendant 22 ans par le gouvernement castriste.

De son côté, l’Union européenne a précisé que cette éventuelle modification des sanctions ne remettrait pas en cause la Position commune adoptée en 1996, par laquelle Bruxelles s’engage à oeuvrer pour une transition pacifique vers la démocratie pluraliste dans l’île. « Nous allons continuer à avoir des contacts avec l’opposition, de façon plus constructive et moins médiatisée »,  a notamment déclaré un diplomate européen en poste à La Havane.


par Sara  Roumette

Article publié le 12/01/2005 Dernière mise à jour le 12/01/2005 à 11:11 TU

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