Conquête spatiale
Titan révélé aux Terriens
(Photo: AFP)
Lancée en 1997 de Cap Canaveral en Floride, la mission Cassini-Huygens –un projet conjoint de la Nasa et de l’Agence spatiale européenne ESA– chargée d’étudier Saturne, ses anneaux, ses lunes et sa magnétosphère, est d’ores et déjà saluée comme un succès scientifique majeur. La première partie de cette mission, l'une des plus ambitieuses et des plus coûteuses jamais mises en place avec ses 2,49 milliards d'euros dont 500 millions à la seule charge de l'Europe pour la construction de la sonde Huygens, s'est en effet déroulée à la perfection. Le 1er juillet 2004, après un voyage au long cours de plus de sept ans et de quelque 3,5 milliards de kilomètres, le vaisseau Cassini est ainsi entré dans l'orbite de la géante aux anneaux, Saturne, dont il doit faire soixante-seize fois le tour d’ici à 2008.
La seconde partie de la mission, pilotée par les Européens, a quant à elle débuté le 25 décembre dernier avant de connaître sa consécration vendredi. Dans la nuit de Noël, la sonde Huygens –du nom de l’astronome hollandais qui découvrit Titan en 1655– s’est en effet détachée de son transporteur, l’orbiteur Cassini avec qui elle a voyagé depuis son départ de la Terre, pour mettre le cap sur Titan, la plus grosse des lunes de Saturne. L’engin de 2,7 mètres de diamètre et de 350 kg a pénétré vendredi matin dans l’atmosphère orangée de l’astre et, pendant les 140 minutes qui l’ont séparé de son «titanissage», est parvenu avec succès à collecter toute une première série d’informations, notamment sur la composition chimique de l’espace qu’il a traversé. La sonde Huygens a ainsi prélevé des échantillons qui aideront à déterminer la composition atmosphérique et pris des mesures sur les vents, pressions et précipitations qui règnent sur l’astre. Mais elle a aussi capté des sons inédits et pris, à depuis des altitudes différentes, une trentaine de photographies de cette lune de 5 000 km de diamètre, l’un des objets les plus mystérieux de notre système solaire.
A en juger par les premiers éléments reçus depuis l’orbiteur Cassini, tous les instruments embarqués à bord de l’engin ont parfaitement fonctionné et les astrophysiciens estiment qu’ils ont déjà assez d’informations pour s’occuper pendant les vingt années à venir.
Le pays de l’or noir ?
Une des premières images de la sonde européenne montrant la surface de Titan.
(Photo: AFP)
L’Agence spatiale européenne a notamment diffusé les premiers clichés noir et blanc pris de Titan, qui se situe à un milliard et demi de km de la Terre. Les trois premières photos, reçues vendredi après-midi, ont montré ce qui semble être des blocs de glace, des canaux, des rivages et des îles qui ne sont pas sans évoquer, estiment les chercheurs, la surface de la Terre ou encore celle de Mars. «C’est comme une machine à remonter le temps, nous devrions trouver sur Titan les conditions qui ont prévalu sur notre planète il y a 3,8 milliards d’années, avant l’arrivée de la vie», s’est félicité Jean-Pierre Lebreton, le directeur de la mission Huygens à l'ESA.
L’un des clichés, pris à 16 km de la surface de l’astre, dévoile de vastes plaines recouvertes de roches. «Nous pensons qu'il ne s'agit probablement pas de roches contenant des silicates», a déclaré Marty Tomasko du laboratoire lunaire et planétaire de l’université d’Arizona. Mais selon lui, «il pourrait bien s'agir de gros boulders –blocs arrondis par l’érosion– de glace». Une autre image semble montrer des canaux qui, malgré des températures de l’ordre de moins 180 degrès, pourraient véhiculer des liquides déversés dans des gorges. «Clairement il y a une substance liquide coulant sur la surface de Titan», a commenté le scientifique pour qui cela «ressemble presque au delta d’une rivière». Les spécialistes supposent que ce liquide pourrait bien être du méthane ou de l’éthane liquides ou encore des hydrocarbures. Le troisième cliché, enfin, découvre des zones claires et des tâches sombres qui, selon Marty Tomasko, «évoquent des zones qui ont été inondées ou qui le sont actuellement».
Pour les techniciens et astrophysiciens de l’ESA, ce succès est d’autant plus important que c’est la première fois que l’homme envoie dans l’espace une sonde spatiale qui se pose aussi loin, et non pas sur une simple planète tellurique comme Mars, mais sur un satellite d’une planète gazeuse géante, Saturne la plus grande du système solaire après Jupiter.
par Mounia Daoudi
Article publié le 15/01/2005 Dernière mise à jour le 15/01/2005 à 16:08 TU