Espace
Genesis s’écrase au sol
(Photo : AFP)
Les hélicoptères étaient bien au rendez-vous, mais les parachutes ne se sont pas ouverts et l’arrimage de la précieuse cargaison n’a pas eu lieu. Genesis s’est brisée dans le désert de l’Utah, près de Salt Lake City, vers 16 heures TU. « La capsule a souffert d’énormes dégâts », a reconnu le directeur de la mission à la Nasa, Chris Jones. La sonde a percuté le sol à une vitesse estimée de 310 km/h, à l’endroit même où son atterrissage était prévu. « Reste à savoir si nous pourrons récupérer le contenu scientifique », a ajouté M. Jones.
Outre l’immense déception scientifique, qui reste encore à mesurer en fonction de l’état de la cargaison, l’agence spatiale américaine, réputée en difficulté, vient de rater une magnifique occasion de démontrer son savoir-faire. La mise en scène de la phase finale de la mission avait été particulièrement soignée, avec la mise en œuvre d’un impressionnant ballet d’hélicoptères pilotés par des as d’Hollywood, rompus aux exercices de voltige aérienne, et chargés de « crocheter » la capsule afin d’éviter le crash.
La genèse
Car cette cargaison de quelques micro-grammes de poussières d’étoile était précieuse. Les scientifiques attendaient de cette moisson quelques explications supplémentaires sur la formation, il y a 4 ou 5 milliards d’années, de notre système solaire et des planètes qui le compose, alors que notre environnement n’était vraisemblablement qu’une vaste fournaise formée principalement d’hydrogène et d’hélium. Ce sont ces éléments fossiles originaux, semblables à ceux de la genèse et constitutifs de l’ensemble, que rapportait Genesis et que les chercheurs devaient s’employer à faire parler. Du côté de l’équipe française (le Centre national des études spatiales et le Centre national de la recherche scientifique étaient associés au projet), on espérait également en apprendre davantage sur l’évolution et la différenciation des planètes du système, notamment sur la question de savoir si le processus a été « interne » (au système) ou s’il a fallu des apports externes pour en arriver là.
La mission est-elle partiellement ou complètement ruinée ? Compte tenu de la puissance du choc et du délabrement visible de la sonde, il est probable que les échantillons ont été pollués par des matériaux terrestres. Peut-être au point d’en interdire toute exploitation scientifique. Dommage, car rares sont les échantillons spatiaux, matières premières exceptionnelles pour les chercheurs.
Là où les gravités de la terre et du soleil s’équilibrent
Au cours de ses trois années d’exploration solaire, la sonde n’a pas eu besoin de parcourir les 150 millions de kilomètres qui nous séparent de notre étoile pour effectuer sa collecte. Genesis était allée se poster là où les gravités de la terre et du soleil s’équilibrent, à 1,5 millions de kilomètres « seulement ». Mais pour se placer à ce carrefour, elle aura parcouru 32 millions de kilomètres et passé l’essentiel de ses trois années de vol en orbite autour de ce point stratégique, baptisé Lagrange 1, du nom du mathématicien Joseph-Louis Lagrange.
Les précieuses molécules, invisibles à l’œil nu, avaient été « attrapées » par des capteurs recouverts d’or, de silicium, de saphir et de diamant, spécialement conçus pour piéger ces particules ionisées, poussières de notre étoile. Genesis rapportait dans sa soute les premiers matériaux extra-terrestres récupérés par l’homme depuis les missions lunaires, il y a plus de trente ans. « Nous rapportons un morceau de Soleil sur Terre », se réjouissait déjà le directeur du programme.
Le butin devait même être acheminé vers le centre spatial texan de la Nasa, et conservé dans un environnement garantissant sa conservation dans un état de pureté tel qu’il aurait pu être transmis aux générations futures, pour qu’à leur tour…
par Georges Abou
Article publié le 09/09/2004 Dernière mise à jour le 09/09/2004 à 10:05 TU