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Chine

Mort de Zhao Ziyang

La mort de Zhao Ziyang, l’ancien secrétaire général du Parti communiste pourrait être l’occasion pour de nombreux Chinois de réclamer une révision du jugement sur les événements de Tian An Men qualifiés à l’époque de «mouvement contre révolutionnaires».(Photo : AFP)
La mort de Zhao Ziyang, l’ancien secrétaire général du Parti communiste pourrait être l’occasion pour de nombreux Chinois de réclamer une révision du jugement sur les événements de Tian An Men qualifiés à l’époque de «mouvement contre révolutionnaires».
(Photo : AFP)
L’ancien secrétaire général du Parti communiste qui s’était opposé à la répression du mouvement démocratique étudiant au mois de juin 1989 est décédé ce lundi. Tombé en disgrâce après les événements de la place Tian An Men, il avait été exclu du Parti communiste et placé en résidence surveillée.

De notre correspondant à Pékin

Depuis quelques jours son état de santé s’était dégradé et avait donné lieu à des rumeurs sur sa mort. Un journal Hongkongais annonçait même son décès la semaine dernière obligeant pour la première fois depuis quinze ans le ministère des Affaires étrangères chinois à s’exprimer et à brièvement démentir la nouvelle au cours d’une conférence de presse. Vendredi, le Centre d’information pour les droits de l’homme et la démocratie basé à Hongkong et proche de la famille de Zhao Ziyang affirmait qu’il était tombé dans un profond coma. Ce lundi à sept heures (heure de Pékin) l’ancien leader du Parti communiste était annoncé pour mort par cette même organisation. La nouvelle a été rapidement confirmée par la très officielle agence de presse Chine Nouvelle au travers d’une courte dépêche laconique «le camarade Zhao Ziyang est mort lundi des suites d’une grave maladie».

Zhao Ziyang a souvent été comparé à Gorbatchev pour ses positions réformistes au sein de la nomenklatura du Parti communiste dans les années 80. Né en 1919 dans la province centrale du Hunan, comme Mao Zedong, il a très vite gravi les échelons au sein du Parti et a fait culminer sa carrière politique en 1987. Il est alors nommé secrétaire général du Parti et Premier ministre en remplacement du réformateur Hu Yaobang évincé du pouvoir suite à des agitations étudiantes en 1986. De 1987 à 1989, Zhao Ziyang est l’une des figures marquantes de l’ère des réformes économiques par ses prises de positions en faveur de l’évolution du régime politique. Il luttait notamment avec quelques autres réformistes au sein du Bureau politique pour une séparation du Parti et du gouvernement.

Tombé en disgrâce

Le 19 mai 1989, alors que plusieurs centaines d’étudiants entament une grève de la faim sur la place Tian An Men, il se rend auprès d’eux afin de les convaincre de cesser leur mouvement de protestation. On le voit ainsi discuter et pleurer aux côtés des étudiants. Il était alors accompagné de Wen Jiabao, l’actuel premier ministre. Zhao comprends à ce moment que les manifestations risquent d’être durement réprimées. Dans la nuit du 3 au 4 juin, les chars de l’armée populaire entrent dans Pékin sur ordre de Deng Xiaoping et écrasent dans le sang les étudiants. Quelques jours après ce tragique événement marquant de l’histoire chinoise, Zhao Ziyang est exclu du Parti pour avoir soutenu les étudiants. Il est rapidement placé en résidence surveillée dans sa maison située à quelques centaines de mètres de la place Tian An Men.

Depuis quinze ans, Zhao Ziyang vit donc sous surveillance policière. Il n’a jamais refait surface publiquement depuis le 19 mai 1989. Chaque année plusieurs dizaines de sympathisants ou proches de l’ancien leader ont tenté sans succès de le rencontrer. Son secrétaire particulier de l’époque, Bao Tong, est lui aussi placé sous résidence surveillée après avoir passé plusieurs années en prison. Ce week-end, son téléphone était d’ailleurs régulièrement coupé comme l’avait constaté l’AFP. Ce matin dans la matinée la fille de Zhao affirmait quant à elle à ses proches : «mon père repose désormais en paix et est enfin libre». Libre de ses souffrances de vieillard malade et «libre» dans la mort après quinze années de purgatoire, Zhao Ziyang a marqué une génération entière de Chinois. Les réactions ont donc été nombreuses aujourd’hui à commencer par les dissidents politiques dont plusieurs d’entres eux appellent le gouvernement à organiser des funérailles nationales et publiques. En visite officielle à Hongkong et Macao, le président portugais lui-même Jorge Sampaio, exprimait publiquement ses condoléances et sa tristesse à l’annonce de son décès.

Craintes

Pour le gouvernement chinois et après l’annonce ce matin de son décès, les craintes sont grandes de voir des manifestations ou des commémorations publiques prendre corps spontanément dans la capitale. La mort de Zhao Ziyang pourrait être en effet l’occasion pour de nombreux Chinois de réclamer une révision du jugement sur les événements de Tian An Men qualifiés à l’époque de «mouvement contre révolutionnaires». Pékin peut aussi craindre des turbulences à l’intérieur même du Parti communiste ou subsistent de fortes dissensions sur cette question. Les messages postés sur les forums de discussions internet des universités de Pékin concernant Zhao Ziyang étaient ainsi systématiquement censurés ce matin. Pour éviter tout rassemblement et tout débordement la présence de la police et les contrôles d’identité sont renforcés aux abords de la place Tian An men depuis maintenant une semaine. Des rassemblements ou des commémorations dans les universités semblent guère probable.

La génération actuelle des étudiants ne se sent pas vraiment concernée par la mort de Zhao Ziyang, celui-ci incarnant une époque qu’ils n’ont pas vécu et pour laquelle ils n’ont pas forcément une grande admiration. Zhao Ziyang a de plus été systématiquement occulté de l’Histoire par le pouvoir et ne figure pas dans les manuels scolaires. Toutefois, l’homme reste pour beaucoup un personnage politique humain et réformiste, et la Chine a connu dans le passé des réactions inattendues lors de la mort des grands hommes…

par Michael  Sztanke

Article publié le 17/01/2005 Dernière mise à jour le 17/01/2005 à 13:53 TU

Audio

Jean-Philippe Béja

Sinologue, chercheur au CERI (Centre d’Etudes et de Recherches Internationales)

«Il était tombé dans le coma il y a une semaine, Zhao Ziyang est mort ce matin.»

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