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Chine

Les nouveaux contestataires

Le militant des droits de l'Homme Hu Jia symbolise une nouvelle génération de contestataires en Chine 

		(Photo : Michael Sztanke/RFI)
Le militant des droits de l'Homme Hu Jia symbolise une nouvelle génération de contestataires en Chine
(Photo : Michael Sztanke/RFI)
Hu Jia, Liu Xiaobo, les Mères de Tian An Men mais aussi dans un autre registre des journalistes, des juristes ou de simples citoyens tentent de briser le silence sur des problèmes touchant aussi bien la santé publique que les atteintes aux droits de l’homme. Si la presse est muselée et les journalistes contraints de s’autocensurer, de nouveaux modes de contestations populaires se développent : le recours à la plainte, à la pétition ou à l’Internet en font partie.

De notre correspondant à Pékin.

L’affaire remonte au mois de mars dernier date à laquelle plusieurs journalistes du quotidien de Canton, le Nanfang Dushi Bao étaient arrêtés, emprisonnés et condamnés à de lourdes peines de prisons. Le motif alors invoqué par les autorités et la justice locales était claire : le rédacteur en chef du journal ainsi que son ancien directeur Yue Huafeng sont accusés de corruption pour avoir versés des primes à certains de leurs journalistes. Derrière cette accusation officielle se cache pourtant un autre motif on ne peut plus sensible. Le quotidien libéral et populaire avait en effet dévoilé cette année le retour du Sras dans la province du Guangdong. C’est aussi lui qui avait alerté l’opinion sur le passage à tabac et la mort dans un commissariat de Canton de Sun Zhigang, un jeune graphiste, arrêté pour ne pas avoir présenté ses papiers à la police.

Ses deux enquêtes avaient fait grand bruit en Chine et retenu toute l’attention des autorités du Guangdong qui s’étaient empressées de faire arrêter les responsables du journal. Aujourd’hui, Cheng Yizhong le rédacteur en chef du Nanfang Dushi Bao est toujours détenu depuis plusieurs semaines sans inculpation. Yu Huafeng, qui avait écopé de 12 ans de prison a vu quant à lui sa peine réduite à huit ans. Ce dernier a déclaré au juge à l’issue du verdict prononcé par la cour intermédiaire de Canton la semaine dernière « vous pouvez manipuler la loi mais pas l’histoire », faisant référence à la cabale des autorités du Guangdong organisée contre les journalistes du Nanfang Dushi Bao. Les journalistes sont donc, tout comme les militants et activistes, sous pression lorsqu’il s’agit de dévoiler au grand jour un scandale ou une injustice qui frappe la société chinoise.

La plainte de plus en plus répandue dans les campagnes

Qu’ils soient simples consommateurs, propriétaires spoliés ou paysans dont les terres ont été réquisitionnées, le nombre de plaintes auprès des autorités locales ne cessent d‘augmenter annonçant vraisemblablement un ras le bol général d’une population de plus en plus décidée à faire valoir ses droits auprès du gouvernement. Cela fait près d’un demi-siècle que le phénomène de la plainte existe en Chine mais cela fait seulement quelques années qu’il se généralise à l’ensemble de la société notamment au monde des campagnes. Appelé « Shangfang » littéralement « formuler une plainte », on peut parler de mouvement populaire tant le nombre de plaintes quotidiennes augmente.

La plupart du temps les «Shangfang Zhe», les plaignants, ont recours à l’autorité supérieur pour dénoncer des injustices. Par pétition ou réunis autour d’un bureau du gouvernement local de leur ville ou village, ils tentent d’alerter les autorités des injustices qu’ils vivent au quotidien. Et les exemples ne manquent pas. Le 18 juin, près de 4 000 villageois de la province du Sichuan à l’ouest de la Chine ont remis une pétition au gouvernement central pour protester contre les conditions des réquisitions de leurs terres par des cadres locaux. Quand le gouvernement local ne règle pas la question, c’est directement auprès des autorités centrales de Pékin que les plaignants s’en réfèrent. Ainsi, régulièrement, ils montent à la capitale. Acte individuel ou organisé, ils cherchent à attirer l’œil des plus hautes autorités. Ce phénomène fait peur aux gouvernements locaux et menacent la stabilité d’une région ou d’un district. Son poids n’est donc pas négligeable.

Autre phénomène plus urbain mais, lui aussi, en constante augmentation : la prise en charge d’affaires en justice par des avocats de Pékin, Shenzhen ou Canton qui n’hésitent plus à prendre la défense de personnes jugées trop rapidement ou emprisonnées pour des délits d’expression. La constitution à la main, ils prennent sous leur aile journalistes ou entrepreneurs victime d’injustice ou de répression. C’est le cas de Xu Zhiyong, juriste et avocat qui n’hésite plus à courir les procès et tenter de faire reculer la collusion entre la justice et l’Etat. Face à la corruption qui ronge le système judiciaire, et avec d’autres juristes, il vient de créer un organisme indépendant : « l’initiative pour une constitution ouverte » qui a, certes, du mal à se faire entendre mais qui a le mérite d’exister. Ils ne sont pas dissidents mais simplement avides de justice sociale.

Internet : véritable arme de protestation

Autre médium et autre arme de contestation : Internet. Difficilement contrôlable et d’une efficacité qui effraie le régime communiste le développement de la Toile chinoise permet à une frange de la population de faire entendre sa voix dans un pays qui ne laisse que peu de place à la contestation publique. Mais la cyberdissidence est avant tout une activité qui se fait en privée. Ainsi, explique Éric Sautedé, spécialiste de l’Internet en chine et rédacteur en chef de la revue de l'Institut Ricci à Macao Chinese Cross Currents, « il n'y a pas de modèle unique du cyberdissident en Chine. On peut en distinguer trois sortes: l'activiste qui soulève des questions de sociétés sensibles, l'activiste purement politique et l'usager de l'Internet qui ponctuellement va crier sa colère sur le net via par exemple les forums de discussions ». 

Le plus célèbre des cyberdissidents chinois, Huang Qi, ferait en ce sens partie de la première catégorie. En soulevant sur Internet des injustices sociales dans son pays, il a rapidement été débordé par l'impact de sa protestation. Le succès vient vite puisque le site de Huang Qi comptait jusqu'à un million de visites par mois. Son site, interdit et fermé par les autorités chinoises est à présent hébergé au Canada. Pour avoir créé ce site nommé 6-4tianwang.com ouvert aux personnes « qui ont quelque chose à dire », Huang Qi est arrêté en juin 2000 et écope alors de cinq ans de prison ferme pour « subversion ». Il croupit encore dans une prison de Chengdu dans la province du Sichuan.

Pour Éric Sautedé, « c'est le passage au politique qui devient problématique en Chine ». C'est ainsi que de plus en plus de Chinois deviennent dissidents sans être politiquement organisés. Dernièrement, des dizaines de milliers d’internautes s’étaient mobilisés sur Internet suite à l’affaire de la BMW folle de Harbin dans le nord-est de la Chine. Une femme de fonctionnaire avait alors giflé puis écrasé volontairement deux paysans. Ces derniers avaient simplement effleuré avec leur tracteur la voiture cette femme.



par Michaël  Sztanke

Article publié le 22/06/2004 Dernière mise à jour le 22/06/2004 à 11:40 TU