Sri Lanka
Les pêcheurs espèrent bientôt reprendre le large
(Photo: Pauline Garaude/RFI)
«Pour moi, la vie s’est arrêtée le 26 décembre à 9 heures et cinq minutes» raconte Francis. «Par chance, j’étais avec ma famille au bord de la route en train de boire le thé et nous avons pu courir». Mais ce pêcheur de Jaya Nagare a perdu son bateau et se retrouve ruiné. «La pêche est notre seul moyen de subsistance. Même si nous devons vivre ailleurs pendant quelque temps, sans bateau, nous ne pouvons ni travailler ni nous nourrir. Qu’allons nous devenir ?», s’inquiète-t-il. Dans ce village, pas moins de mille pêcheurs partagent la même inquiétude.
Des bateaux en lambeaux, des amas de décombres, de briques et de pierres, des filets de pêche entrelacés à des troncs de cocotiers arrachés, un amoncellement de vannes en osier, des jouets, des vêtements enterrés dans le sable, des palmes de cocotiers que viennent manger des vaches. Le tsunami a laissé derrière lui un paysage désolé et surréaliste. C’est ici que Francis a choisi de rester. Il aurait pu aller dans un camp de réfugiés, profiter de la distribution de nourriture et attendre que le gouvernement lui fournisse un nouveau bateau. Mais non. «Même si je dois dormir à même le sable, je ne quitterai pas cet endroit. J’ai toujours vécu là».
Heureusement pour lui, la maison de son cousin n’a été que partiellement endommagée. Sur la plage, Suvanga est d’ailleurs en train de reconstruire la maison. Il ramasse tout ce qu’il peut réutiliser de tuiles, de briques, de planches de bois. «Dans une semaine, les travaux seront finis et nous pourrons y vivre» dit-il avec conviction. Tous les pêcheurs à qui il reste ne serait-ce qu’un mur en font de même, rafistolant leurs baraquements avec des barbelés, de la ficelle de coco, des bouts de tôle et de carton...
Reconstruction
«Sur cette plage, 3 000 bateaux ont été détruits» précise Francis, pointant de son index la carcasse de son bateau bleu et blanc, enseveli de sable et de branches et où quelques flotteurs de polystyrène témoignent de sa dernière sortie en mer. «Nous attendons l’aide du gouvernement. On nous a promis de nous livrer de nouveaux bateaux d’ici un mois» espère-t-il, impatient de retourner pêcher le thon jaune. A Trincomalee, à l’office du ministère de la Pêche, son représentant M. Ramanathan est moins optimiste. «Il n’y aura pas de retour à la normale avant trois mois». Et explique: «Avant de penser à redonner des bateaux, il faut reloger 36 000 pêcheurs et leurs familles dont les maisons sont rasées. Il faut se mettre d’accord sur le type de construction, sur la distance des maisons par rapport à la mer... En attendant, nous avons donné à chaque famille de la nourriture et 7 500 roupies (75 euros)». Selon l’ONU, 80% de la flotte de pêche peut avoir été détruite sur l’ensemble de l’île. «Nous allons rapidement lancer un programme de reconstruction et de réparation pour que les pêcheurs puissent retourner au travail» a assuré le chef de mission de l’ONU au Sri Lanka, Miguel Bermeo. Et c’est aussi ce qu’a affirmé l’amiral Daya Sandagiri, commandant de la marine du Sri Lanka. «Nous avons déjà construit plus de 1 000 bateaux en fibre de verre. La marine a prévu un budget de 100 millions de roupies pour reconstruire un maximum de bateaux d’ici un mois et réparer gratuitement ceux qui n’ont été que partiellement détruits». Mais nombre de pêcheurs se sont mis à pied d’oeuvre et réparent déjà leurs bateaux.
Sur les quais de Trincomalee, ils poncent les planches et clouent plusieurs épaisseurs pour rénover et renforcer la proue, réparent les moteurs, colmatent les trous. Certains en sont même à repeindre le nom de leur navire. La vie s’agite et tous les pêcheurs s’activent frénétiquement pour reprendre bientôt le large. «Le 27 janvier, nous avons de nouveau l’autorisation d’aller en mer. Alors on se dépêche !» clame Vinod, levant à peine la tête, minutieusement occupé à nettoyer son filet. Ici, même si le tsunami est la première catastrophe de cette ampleur, la côte nord-est du Sri Lanka est souvent exposée aux cyclones - dont le dernier remonte au... 26 décembre 2000 ! «Nous sommes habitués à gérer ce genre de crise», explique Francis. C’est ainsi que lui, Vinod, Suvanga et les autres sont accablés mais retrouvent espoir, sont encore tristes mais sourient déjà. Ils savent que la vie va bientôt reprendre. D’ailleurs, sur la jetée, des pêcheurs attrapent à la ligne des poissons de toute taille qu’ils font sécher sur des bâches en plastique. L’un deux, fier de montrer sa pêche, se réjouit et clame avec un enthousiasme touchant: «Demain, je vais aller les vendre au marché. Cela me fera 50 roupies du kilo !».par Pauline Garaude
Article publié le 24/01/2005 Dernière mise à jour le 24/01/2005 à 11:34 TU