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Sri Lanka

Les médiateurs norvégiens reviennent

Le ministre norvégien des Affaires étrangères Jan Petersen à son arrivée vendredi à Colombo a été reçu le jour même par la présidente sri-lankaise Chandrika Kumaratunga.(Photo : AFP)
Le ministre norvégien des Affaires étrangères Jan Petersen à son arrivée vendredi à Colombo a été reçu le jour même par la présidente sri-lankaise Chandrika Kumaratunga.
(Photo : AFP)
Frappé de plein fouet par le raz-de-marée du 26 décembre, le Sri Lanka accueille le chef de la diplomatie norvégienne dans le cadre d’une visite à la fois humanitaire et visant à relancer le processus de négociation entre les ex-rebelles tamouls et le gouvernement de Colombo. Samedi, les Tigres de libération de l’Eelam tamoul annoncent qu’ils mettent provisoirement entre parenthèses leur lutte afin de se concentrer sur l’aide aux sinistrés.

Le chef de la diplomatie norvégienne Jan Petersen est accompagné de la ministre pour le Développement international Hilde Johnsen. Leur mission est double : à la fois évaluer les besoins, après les ravages qui ont fait 31 000 morts et plus de 5 000 disparus le 26 décembre, et tenter de remettre Tamouls et Cinghalais autour de la table de négociations, désertée depuis avril 2003. On ignore encore si la catastrophe a créé les conditions propices à un rapprochement entre l’ex-rébellion tamoule et Colombo, mais il est vraisemblable que le chef de la diplomatie norvégienne ne s’est pas déplacé sans avoir reçu, au moins, l’assurance d’être entendu par ses interlocuteurs.

Arrivé vendredi, M. Petersen a rencontré la présidente Chandrika Kumaratunga le jour même et a quitté Colombo pour le nord-est de l’île afin de s’entretenir samedi avec le chef historique du mouvement de rébellion des Tigres de l’Eelam Tamoul (LTTE), Velupillai Prabhakaran. A l’issue de la rencontre, l’un des principaux négociateurs tamouls, Anton Balasingham, a indiqué que la priorité du mouvement s’était déplacée vers l’aide aux sinistrés. « La lutte sera toujours là mais, pour l’instant, nous nous concentrons sur la catastrophe », a déclaré le responsable des LTTE.

La mission de Jan Petersen survient dans un contexte de tension accrue entre Sri-Lankais, alors que les perspectives de paix sont au point mort. Au lendemain du 26 décembre, face à l’épreuve, des déclarations optimistes avaient été prononcées sur l’occasion de dépasser les clivages nationaux. Mais la distribution de l’aide humanitaire par les autorités de Colombo, accusées de partialité, a provoqué chez les Tamouls un profond ressentiment, qualifié de « dégâts irréparables » par l’un des dirigeants politiques du LTTE. Le point d’orgue de cette tension est apparu dans toute sa brutalité lorsque le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, venu témoigner la solidarité de la communauté internationale aux victimes du raz-de-marée, n’a pas pu se rendre en régions tamoules comme il devait le faire. L’origine de cet empêchement est source de débat : Colombo, en dépit de lourds soupçons, dément avoir détourné l’itinéraire du secrétaire général.

Les régions tamoules dévastées

Néanmoins ce dossier ne comporte pas que des éléments négatifs. Les terribles circonstances du drame du 26 décembre ont placé le Sri Lanka au cœur de l’actualité internationale. De plus, depuis la signature de la trêve des armes, en février 2002, le cessez-le-feu est respecté. Pour autant les relations entre les ex-belligérants ne sont pas véritablement pacifiées. Les lignes de fractures sont politiques et se traduisent géographiquement dans l’absence de continuité territoriale entre les côtes nord et est, sous contrôle tamoul, et le reste du pays, où s’exerce la souveraineté pleine et entière de Colombo, sauf lorsque les terribles épisodes de la guerre civile se sont traduits par les attentats et les opérations commandos dont les Tamouls ont l’expertise. Ce sont eux qui, dans les années 80, ont (ré) introduit l’arme de l’attentat suicide dans l’arsenal de la guerre révolutionnaire moderne (du faible au fort).

Bien que les armes se sont tues depuis près de 3 ans, les informations en provenance de la région, fin 2004, annonçaient un renforcement du dispositif militaire des LTTE. Face au blocage politique persistant, les Tigres ont acheté des armes et recruté des combattants. Mais les régions tamoules, situées sur le littoral, ont été parmi les moins épargnées par le raz-de-marée du 26 décembre. Au lendemain du tsunami, la rumeur avait même couru que le N°1 des Tigres avait perdu la vie dans la catastrophe. Il se pourrait donc que l’administration du mouvement ne s’applique plus que sur un territoire partiellement dévasté, aux infrastructures ruinées et dont la capacité militaire est aujourd’hui amoindrie.

Sur la liste noire des organisations terroristes de Washington

Les Norvégiens ne manquent pas d’atouts et ne viennent pas les mains vides. Ils sont impliqués depuis de longues années dans le processus de médiation et ont déjà enregistré le succès d’avoir parrainé l’accord de cessez-le-feu en vigueur. D’autre part, leur action s’inscrit dans le cadre d’un consensus établi entre les deux parties en conflit. Avec eux, les questions de préséance et de souveraineté ne se posent pas dans les mêmes termes qu’avec l’ONU. Ils sont pourvoyeurs d’aide humanitaire, même si cette dimension n’est pas déterminante face aux enjeux politiques. Enfin, et surtout, les Norvégiens apportent aux LTTE une surface diplomatique internationale qu’ils peinent à acquérir. Depuis 1987, ils sont d’ailleurs toujours sur la liste noire des organisations terroristes de Washington.

Reste à tracer le cadre d’éventuelles négociations. C’est probablement la mission de Jan Petersen et ses interlocuteurs. Avant le tsunami, les LTTE annonçaient leur accord pour reprendre les négociations sur la base de la reconnaissance de leur autorité provisoire sur le Nord-Est du pays pendant une période de 6 ans. Rejetant ce qu’il considère comme une partition de fait, le gouvernement exige pour sa part d’engager des négociations pour un accord de paix définitif.


par Georges  Abou

Article publié le 22/01/2005 Dernière mise à jour le 22/01/2005 à 17:27 TU

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Eric Meyer

Chercheur à l'Inalco

«L'initiative norvégienne permettrait éventuellement de relancer un processus de négociations politiques qui s'était arrêté.»

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