Sri Lanka
Reprise des attentats suicide
(Photo : AFP)
Une femme kamikaze s’est suicidée et a entraîné dans la mort les quatre policiers qui l’avaient interceptée au moment où elle tentait de pénétrer dans le ministère des Affaires hindoues, à Colombo. Le ministère est situé dans une zone de haute sécurité où sont également établis les bureaux du Premier ministre et les ambassades américaine et britannique. L’attentat suicide a également fait une douzaine de blessés. Le Premier ministre, Mahinda Rajapakse a estimé qu’il s’agissait d’un incident « très préoccupant ». Selon toute vraisemblance, c’est le ministre des Affaires hindoues qui était la cible de l’attaque. Douglas Devananda est un Tamoul opposé au mouvement de Libération des Tigres de l’Eelam tamoul (LTTE). Il a déjà survécu à trois tentatives d’assassinat.
Avec ce nouvel épisode de violence politique, le Sri Lanka vient de renouer avec un type d’attentat qui, parmi les conflits modernes, lui a valu une réputation internationale, et qui a fait école dans d’autres régions. Bien que l’attaque n’ait pas été revendiquée, elle porte la marque des attentats suicide perpétrés par les kamikazes tamouls de la brigade des « tigres noirs » dont les rebelles séparatistes ont célébré le 17ème anniversaire de la création lundi 5 juillet, et qui a fait 241 victimes parmi les combattants tamouls, dont de nombreuses femmes. Dans ce conflit civil srilankais, vieux de plus de 30 ans et responsable de la mort de 60 000 personnes, la méthode n’avait plus été employée depuis octobre 2001.
L’attentat de mercredi matin survient dans un climat particulièrement dégradé. Bien que la trêve soit toujours globalement respectée, elle est émaillée de graves incidents et il s’est peu à peu installé un climat de défiance entre les partenaires qui ruine toutes les tentatives de médiation de la communauté internationale, conduites par la Norvège. Sur le plan politique, la présidente Kumaratunga, hostiles à des concessions aux rebelles tamouls, a réussi à l’issue d’une crise institutionnelle sans précédent à provoquer des élections législatives anticipées qui ont conduit au parlement une nouvelle majorité qui la soutient. En prenant ses fonctions, le 6 avril, le chef du gouvernement issu de la nouvelle coalition, Mahinda Rajapakse, promettait néanmoins de poursuivre le processus de paix avec la rébellion. Officiellement, Colombo reste donc engagé dans la recherche de la paix. Le nouveau chef de l’armée srilankaise déclare vouloir poursuivre le dialogue. « Nous devons nous parler car c’est le moyen d’éviter que des incidents mineurs ne nuisent au processus de paix », déclarait au début du mois le général Shantha Kottegoda lors d’une cérémonie à l’occasion du départ à la retraite de son prédécesseur.
« Créer les conditions d’une guerre »
Après l’euphorie de la première année de trêve, depuis avril 2003 la situation srilankaise s’est à nouveau profondément détériorée. Selon les Tamouls, les autorités srilankaises ont engagé une guerre par procuration, par l’intermédiaire d’un « tigre » dissident. Une dissidence armée, la première depuis la création du mouvement, est en effet apparue au sein des LTTE, sous la conduite de l’un des ex-chefs de la rébellion, le commandant Karuna soupçonné de complicité avec Colombo. Finalement battu militairement par les forces tamoules au mois d’avril 2004, Karuna a disparu. Mais cette affaire a d’autant plus lourdement pesé sur les négociations que le porte-parole du gouvernement a reconnu, fin juin, que « des militaires ont été impliqués » dans cette tentative de déstabilisation des LTTE.
Lundi 5 juillet, un nouvel incident a aggravé la tension lorsque des inconnus ont tué un rebelle tamoul et en ont blessé trois autres dans deux incidents dans l’est du pays. Les victimes se rendaient aux cérémonies marquant le 17ème anniversaire de la création des « tigres noirs ». Selon un communiqué des LTTE, « les forces de sécurité ont l’intention de saper le memorandum d’entente (la trêve, ndlr) et sont en train de créer les conditions d’une guerre ». « Si on laisse la situation se poursuivre, cela mettra en danger l’accord de cessez le feu et l’ensemble du processus de paix », déclarait à l’issue de la dernière tentative de médiation norvégienne l’un des dirigeants politiques des LTTE, S.P. Thamilselvan.
On est donc aujourd’hui très loin de l’optimisme qui prévalait voici deux ans, après la conclusion du cessez-le-feu, en février 2002. L’attentat suicide qui vient d’avoir lieu à Colombo ravive en effet le souvenir des pires moments de la guerre civile srilankaise, rappelle la fragilité du cadre des discussions et souligne l’état de délabrement des relations entre les partenaires. Au début du mois, la dernière tentative de médiation norvégienne a échoué à renvoyer à la table des négociations les deux parties. Et, à l’évidence, les déclarations traduisent une situation propice à la reprise des hostilités.
par Georges Abou
Article publié le 07/07/2004 Dernière mise à jour le 07/07/2004 à 16:24 TU