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Sri Lanka

Le parti de la présidente remporte les législatives

Les élections parlementaires du 2 avril 2004 ont lieu sous haute surveillance. 

		(Photo AFP)
Les élections parlementaires du 2 avril 2004 ont lieu sous haute surveillance.
(Photo AFP)
Les Sri Lankais se sont rendus massivement aux urnes vendredi pour élire leurs représentants dans le cadre de législatives anticipées destinées à mettre fin à la grave crise politique qui secoue le pays depuis plusieurs mois. La cohabitation entre la présidente de gauche, Chandrika Kumaratunga, et le Premier ministre de droite, Ranil Wickremesinghe est en effet devenue ingérable depuis novembre dernier, les deux dirigeants ne parvenant pas à se mettre d’accord sur la gestion des accords de paix avec la guérilla des Tigres de libération l’Eelam Tamoul (LTTE), ce mouvement qui lutte depuis vingt ans pour l’indépendance des régions tamoules du nord et de l’est du pays. Un cessez-le-feu a certes été signé en 2002 avec les autorités de Colombo mais de récentes dissensions au sein de la guérilla pourrait le remettre en cause et replonger l’île dans la violence. Selon les projections réalisées après le dépouillement d’environ les deux tiers des bulletins, il semble que le parti de Chandrika Kumaratunga arrive en tête, sans obtenir pour autant la majorité absolue. Malgré des irrégularités constatées dans deux districts, la commission électorale a finalement décidé de valider le scrutin.

Des dizaines de milliers de policiers et de militaires ont été mobilisés pour encadrer un scrutin sous haute tension. La crainte des violences n’a toutefois pas empêché une majorité de Sri Lankais –selon les premières estimations, ils seraient quelques 75% des 13 millions d’électeurs– à se rendre aux urnes. L’enjeu est en effet de taille puisqu’il s’agit de mettre un terme à la grave crise politique qui déchire depuis des mois les partisans de la présidente Chandrika Kumaratunga et ceux de son Premier ministre Ranil Wickremesinghe, grand vainqueur des législatives de 2001. La tension entre les deux dirigeants s’est accrue lorsque la chef de l’Etat a reproché, il y a bientôt six mois, au chef du gouvernement d’avoir fait «trop de concessions aux rebelles», qui réclament une large autonomie pour les régions qu’ils contrôlent, et donc de mettre en péril «la sécurité nationale». Depuis les pourparlers de paix avec la guérilla sont au point mort et le pays pris en otage par les rivalités qui opposent ces deux personnalités fortes de l’Etat.

Pour mettre fin à cette situation, la présidente a donc dissous le parlement et convoqué des législatives anticipées avec l’espoir de voir son parti, l’Alliance pour la liberté (AF), revenir au pouvoir. Mais ce pari pourrait s’avérer très risqué pour Chandrika Kumaratunga dans la mesure où selon les derniers sondages aucune formation politique ne devrait sortir de ce scrutin avec une majorité absolue. Le Parti national unifié du Premier ministre, qui comptait sur 114 sièges au Parlement sur 225, devrait également avoir le plus grand mal à se maintenir. Dans ce contexte, les observateurs s’attendent donc à une nouvelle crise politique, le nouveau gouvernement quel qu’il soit risquant de se trouver à la merci des petits partis politiques en majorité radicaux. Sans compter que les rebelles, qui ne se sont certes pas présentés aux élections mais qui pour la première fois depuis le début du conflit en 1983 soutiennent clairement l’Alliance nationale tamoule (TNA) –créditée de 15 à 18 sièges–, pourraient être amenés à jouer un rôle d’arbitre pour la formation du nouveau gouvernement.

Regain de violence dans l’Est

Moins violente que les précédentes, la campagne électorale aura été tout de même meurtrière puisque cinq personnes, dont un candidat à la présidence, ont été tuées. Cette recrudescence de l’insécurité, essentiellement localisée à l’est de l’île, coïncide avec une crise interne au sein de la rébellion qui pourrait à terme mettre en péril le cessez-le-feu fragilisé de 2002. Le numéro 2 des séparatistes, le colonel Karuna a en effet annoncé début mars qu’il entrait en dissidence. L’homme qui tient avec l’appui de quelque 6 000 hommes l’est de l’île, a motivé son action par les velléités guerrières de l’actuel leader des Tigres qui se préparerait, a-t-il affirmé, à rompre la trêve. Il a exigé la signature d’un cessez-le-feu distinct avec les autorités de Colombo qui ont immédiatement rejeté la proposition.

Le commandant régulier des Tigres, S. P. Tamilselvan, a pour sa part accusé Karuna d’être entré en dissidence dans le seul but de d’éviter «des sanctions disciplinaires pour fraudes». Il a également annoncé son exclusion du mouvement en l’accusant d’être «un traître au peuple tamoul». Il s’est enfin engagé à ce que la trêve ne soit pas rompue en raison de cette nouvelle crise. «Nous garantissons que le processus de paix ne sera pas perturbé par une initiative individuelle. La direction reste claire dans son engagement à poursuivre le cessez-le-feu ainsi que les pourparlers qui pourraient reprendre à tout moment», a également affirmé Tamilselvan, en soulignant que les forces placées sous le commandement de Karuna demeuraient fidèles au mouvement.

Dans ce contexte, cette crise au sein de la rébellion tamoule risque de compliquer davantage une reprise des négociations de paix entre les Tigres et le prochain gouvernement.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 02/04/2004 Dernière mise à jour le 04/04/2004 à 08:24 TU