Sri Lanka
Kumaratunga invente la présidence sur-mesure
A la surprise générale, la présidente a annoncé mardi que son mandat durerait un an de plus que prévu par la constitution. L’affaire provoque un tollé dans un contexte politique déjà surchauffé et alors que la négociation avec les rebelles marque le pas.
La présidente Chandrika Kumaratunga a indiqué mardi à la télévision nationale que son mandat n’arriverait à échéance qu’en 2006, et non pas en 2005 comme prévu. La constitution sri lankaise fixe la durée du mandat présidentiel à six ans. Mais la présidente a justifié sa décision en affirmant que la véritable prestation de serment de son second mandat présidentiel avait eu lieu en 2000 et que sa prestation de 1999, date de sa réélection anticipée, avait été effectuée sous la pression des événements car, à l’époque, le pays était en pleine guerre civile et elle-même venait d’être grièvement blessée lors d’un attentat perpétré par la rébellion tamoule. Elle a donc expliqué que cette épisode, jusqu’alors inconnu des Sri lankais, l’autorisait à prolonger sa présidence d’un an en accord, selon elle, avec la constitution de son pays. «C’est comme je veux», a-t-elle dit.
Le porte-parole du gouvernement de cohabitation a dénoncé «ce degré d’arrogance (…) inacceptable. Quiconque exerce des responsabilités publiques ne peut décider de manière arbitraire et capricieuse la date de fin de son mandat», a-t-il dit. «Nous ne reconnaissons aucun argument légal justifiant qu’elle s’accorde une année de plus au pouvoir», a ajouté G.L. Peiris, lui-même très concerné par cette affaire en tant que ministre des affaires constitutionnelles.
Bien que surprenante, car constitutionnellement contestable, l’annonce de la présidente, dans le contexte politique sri lankais, ne constitue qu’une demi-surprise. Chandrika Kumaratunga ne prend en fait que le risque d’aggraver la situation profondément dégradée dans laquelle elle a déjà plongé son pays en provoquant, début novembre, une très grave crise politique. La présidente avait alors pris l’initiative de limoger trois ministres importants du gouvernement (Défense, Intérieur, Information), de congédier et remplacer les responsables des médias publiques par des personnalités proches d’elle, et tenté de suspendre les travaux du parlement. Elle avait alors appelé à la reprise des négociations avec les Tamouls, mais «sous des conditions plus strictes».
Le cessez-le-feu tient toujours
Ainsi morcelé et soumis aux plus vives tensions, l’exécutif sri lankais peine non seulement à diriger le pays, mais à poursuivre le processus de pacification engagé sous l’égide de la Norvège depuis quatre ans. A moins que l’objectif présidentiel ne soit justement de retarder la conclusion des négociations avec les ex-rebelles des Tigres de libération de l’Eelam tamoul. Ces derniers, malgré l’hostilité affichée de la présidence, continue de respecter le cessez-le-feu en cours et de privilégier les contacts le gouvernement qui, lui, veut aboutir à une solution négociée. Mais les concessions auxquelles il est prêt à consentir, sous forme d’une large autonomie pour la région contrôlée par les Tamouls, sont inacceptables pour une présidente rompue de longue date à la logique impitoyable de la violence politique et de la guerre civile dont elle a personnellement souffert avec la mort de son père, en 1959, et celle de son mari, en 1988, et dont elle a elle-même réchappé de justesse.
Sur le plan strictement institutionnel, la solution de ce nouveau rebondissement politique va dépendre du débat constitutionnel qui devrait à présent s’engager, sous réserve que la patience continue d’animer tant ses adversaires politiques que les rebelles tamouls . Car indépendamment de la course à la magistrature suprême qui devrait s’engager prochainement entre la présidente et son rival de Premier ministre, Ranil Wickremesinghe, aucune bonne volonté ne résisterait à la reprise des combats qui ont fait plus de 60 000 morts depuis 1972. Jusqu’alors les ex-rebelles tamouls semblent persévérer dans la voie du dialogue, alors que le second anniversaire du cessez-le-feu aura lieu le mois prochain. Il n’est certainement pas anodin de constater que les crispations présidentielles précédent, et paralysent, des avancées sur le terrain des négociations. Et que cette péripétie survient précisément à la veille d’une rencontre, à Londres, entre le médiateur norvégien Erik Solheim et le dirigeant tamoul Anton Balasingham. Ce dernier projetait justement de rentrer au Sri Lanka mardi et avait retardé son retour pour rencontrer le médiateur norvégien.
Le porte-parole du gouvernement de cohabitation a dénoncé «ce degré d’arrogance (…) inacceptable. Quiconque exerce des responsabilités publiques ne peut décider de manière arbitraire et capricieuse la date de fin de son mandat», a-t-il dit. «Nous ne reconnaissons aucun argument légal justifiant qu’elle s’accorde une année de plus au pouvoir», a ajouté G.L. Peiris, lui-même très concerné par cette affaire en tant que ministre des affaires constitutionnelles.
Bien que surprenante, car constitutionnellement contestable, l’annonce de la présidente, dans le contexte politique sri lankais, ne constitue qu’une demi-surprise. Chandrika Kumaratunga ne prend en fait que le risque d’aggraver la situation profondément dégradée dans laquelle elle a déjà plongé son pays en provoquant, début novembre, une très grave crise politique. La présidente avait alors pris l’initiative de limoger trois ministres importants du gouvernement (Défense, Intérieur, Information), de congédier et remplacer les responsables des médias publiques par des personnalités proches d’elle, et tenté de suspendre les travaux du parlement. Elle avait alors appelé à la reprise des négociations avec les Tamouls, mais «sous des conditions plus strictes».
Le cessez-le-feu tient toujours
Ainsi morcelé et soumis aux plus vives tensions, l’exécutif sri lankais peine non seulement à diriger le pays, mais à poursuivre le processus de pacification engagé sous l’égide de la Norvège depuis quatre ans. A moins que l’objectif présidentiel ne soit justement de retarder la conclusion des négociations avec les ex-rebelles des Tigres de libération de l’Eelam tamoul. Ces derniers, malgré l’hostilité affichée de la présidence, continue de respecter le cessez-le-feu en cours et de privilégier les contacts le gouvernement qui, lui, veut aboutir à une solution négociée. Mais les concessions auxquelles il est prêt à consentir, sous forme d’une large autonomie pour la région contrôlée par les Tamouls, sont inacceptables pour une présidente rompue de longue date à la logique impitoyable de la violence politique et de la guerre civile dont elle a personnellement souffert avec la mort de son père, en 1959, et celle de son mari, en 1988, et dont elle a elle-même réchappé de justesse.
Sur le plan strictement institutionnel, la solution de ce nouveau rebondissement politique va dépendre du débat constitutionnel qui devrait à présent s’engager, sous réserve que la patience continue d’animer tant ses adversaires politiques que les rebelles tamouls . Car indépendamment de la course à la magistrature suprême qui devrait s’engager prochainement entre la présidente et son rival de Premier ministre, Ranil Wickremesinghe, aucune bonne volonté ne résisterait à la reprise des combats qui ont fait plus de 60 000 morts depuis 1972. Jusqu’alors les ex-rebelles tamouls semblent persévérer dans la voie du dialogue, alors que le second anniversaire du cessez-le-feu aura lieu le mois prochain. Il n’est certainement pas anodin de constater que les crispations présidentielles précédent, et paralysent, des avancées sur le terrain des négociations. Et que cette péripétie survient précisément à la veille d’une rencontre, à Londres, entre le médiateur norvégien Erik Solheim et le dirigeant tamoul Anton Balasingham. Ce dernier projetait justement de rentrer au Sri Lanka mardi et avait retardé son retour pour rencontrer le médiateur norvégien.
par Georges Abou
Article publié le 14/01/2004