Biodiversité
Scientifiques et politiques au chevet de la Planète
(Photo: Unesco)
La conférence s’est ouverte sur un appel du directeur général du Programme des Nations unies pour l’environnement, Klaus Toepfer, à ne pas réitérer les erreurs du tsunami en Asie: «les mangroves, les récifs coralliens peuvent jouer un rôle tampon contre les catastrophes naturelles». «Les premiers rapports indiquent que les zones qui avaient gardé des écosystèmes en bonne santé, comme les forêts de mangroves, ont mieux résisté que celles qui avaient des forêts dégradées», a renchéri Hamdallah Zedan, secrétaire exécutif de la Convention sur la biodiversité biologique.
Dans le droit-fil de son discours, en septembre 2002, au sommet de la Terre à Johannesburg, le président Jacques Chirac continue à tirer la sonnette d’alarme sur la disparition accélérée des espèces. Il a appelé la communauté internationale à créer un «groupe international sur l’évolution de la biodiversité» pour permettre aux scientifiques d’avoir une meilleure connaissance de ce phénomène et d’alerter les dirigeants politiques et l’opinion, à l’image de ce qui existe déjà pour le climat avec le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec): «Je souhaite que cette conférence marque une étape décisive dans cette direction», a déclaré Jacques Chirac car «sur tous les continents et dans tous les océans s’allument des signaux d’alerte (citant en exemple) la destruction des forêts primaires tropicales», «la mort lente des récifs coralliens» ou «l’effondrement des populations de grands mammifères sauvages».
La biodiversité, une notion récente et complexe
Forêt tropicale et rivière en Amazonie (Brésil). (Photo: Luis Alberto/Unesco) |
Relativement récente, la notion de biodiversité apparaît complexe, et plus scientifique que politique. Scientifiquement, les connaissances restent encore très partielles: un million et demi d’espèces vivantes «seulement» ont été répertoriées à ce jour sur la terre pour un total estimé entre 10 et 30 millions». Depuis l’émergence de la vie sur la terre, on considère que 99% des espèces qui s’y sont succédé ont disparu, et que c’est un phénomène naturel lié à l’évolution des espèces. Là ou le bât blesse c’est qu’on assiste à une accélération dramatiquement rapide du phénomène à cause des activités humaines: en cinq siècles, 800 espèces se sont éteintes. Chez nous par exemple, le phoque moine a disparu de la méditerranée depuis 1975, le dernier bouquetin est mort dans les Pyrénées côté espagnol en 2002, 10% des effectifs d’oiseaux communs ont disparu de France depuis 1989. Or la gestion de cette biodiversité et le respect des réserves naturelles relève de politiques économiques, et les scientifiques estiment que l’extinction d’espèces en raison des activités humaines est entre cent et mille fois plus rapide que celle qui résulterait de l’évolution naturelle.
Science et gouvernance, les deux mamelles de l’humanitéPrécisément parce que cette richesse est inégalement protégée, scientifiques, dirigeants (d’entreprise, d’associations, d’ONG), et responsables politiques de cent pays ont été conviés à réfléchir sous une même bannière pendant une semaine. Il s’agit à la fois de confronter l’état de nos connaissances aux politiques dévastatrices de l’aménagement du territoire car en France, par exemple, en dix ans, la surface urbanisée s’est accrue de plus de 30%, et la disparition des bocages et des mares a entraîné l’extinction d’espèces. Exposés, tables rondes et débats devront donc mettre l’accent sur les besoins de la recherche scientifique pour mieux analyser les situations, et conduire, internationalement et de manière coordonnée, à envisager de nouveaux moyens et de nouveaux crédits pour faire avancer la réflexion; de nouvelles stratégies politiques et économiques devraient aussi se dessiner au cours de cette conférence, permettant de mieux respecter les richesses naturelles de la planète dont l’avenir de l’humanité toute entière dépend.
L’état des lieux sur les périls actuels doit s’attaquer à plusieurs chantiers: des pollutions aux bouleversements climatiques qui portent atteinte au monde végétal, en passant par les conflits territoriaux entre hommes et bêtes qui affectent ces dernières car à titre d’exemple, le sort de la loutre d’Europe dépend de la qualité et de la pureté de l’eau. «Cette nature est notre réserve de demain et il importe donc d’en prendre soin», soulignent les scientifiques, car selon les experts la forêt et la mer recèlent des trésors, et constituent des réserves qui apporteront entre autre à l’homme de demain nourriture et médicaments; autrement, «la destruction de ce patrimoine, légué par des millénaires d’évolution est une terrible perte et une grave menace pour l’avenir», a souligné le chef d’Etat français, déclarant solennellement: «l’humanité prend lentement, trop lentement, conscience que la puissance qu’elle acquise, loin de l’affranchir définitivement de la nature, lui confère désormais une responsabilité sans précédent. Une responsabilité qui engage notre destin à tous».
La France, mauvaise élève, s’engage à mieux faire
Ourse des Pyrénées. La dernière femelle de souche du massif a été abattue en novembre 2004. (Photo: AFP) |
Le président Jacques Chirac s’est personnellement engagé à désormais veiller au grain : «Chaque pays doit prendre des mesures concrètes. Au premier rang, ceux qui abritent une biodiversité exceptionnelle. Comme la France qui s’y engage résolument». Outre ce programme Natura 2000 qu’il s’est engagé à compléter d’ici la fin 2006, il a assuré que la France créerait un parc national en Guyane et à la Réunion, et des parcs naturels marins comme «par exemple en mer d’Iroise» (en Bretagne); il a cité la conservation de l’ours dans les Pyrénées après la mort de l’ourse Cannelle tuée par un chasseur le 3 novembre dernier, et il s’est engagé sur la création de réserves naturelles dans les terres australes et antarctiques françaises, ainsi que sur la protection de la barrière de corail en Nouvelle-Calédonie: «grâce à cet ensemble de mesures, la France entend tenir l’engagement européen d’enrayer l’érosion de sa biodiversité d’ici 2010», a-t-il conclu.
par Dominique Raizon
Article publié le 24/01/2005 Dernière mise à jour le 25/01/2005 à 10:13 TU